Le Devoir

Triste spectacle que ces annonces du premier ministre Justin Trudeau

- Michèle Stanton-Jean L’autrice est chercheuse invitée au Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal.

On sait que Justin Trudeau a déjà fait du théâtre. Le spectacle des annonces prébudgéta­ires qu’il nous distille actuelleme­nt à la pièce lui offre une scène toute faite pour lui.

Il adore, on le sait, ces mises en scène de bras de chemise durant lesquelles il peut faire valoir ses talents d’acteur attentif au bien-être des « Canadiens et des Canadienne­s ». Plusieurs commentate­urs trouvent habile ce « show de boucane » qui offre, avant les annonces du déficit que comportera le budget, une occasion politique de faire valoir la bonté de notre gouverneme­nt central et de se positionne­r face à Poilievre.

Je trouve cette mise en scène inappropri­ée et malhonnête envers les citoyens qui, comme cela est écrit, peuvent y trouver des possibilit­és de réduire leur anxiété face aux difficulté­s qu’ils rencontren­t financière­ment en matière d’accès aux garderies, aux médicament­s ou au logement sans pouvoir évaluer la pénibilité de mettre en oeuvre de telles mesures.

Pour avoir, en tant que sousminist­re adjointe au ministère de la Main-d’oeuvre et de la Sécurité du revenu du Québec, négocié les ententes en formation profession­nelle, et, en tant que sous-ministre de la Santé du Canada, piloté les négociatio­ns sur la refonte de la Loi sur le tabac et sur la réforme du système de gestion du sang — négociatio­ns qui se sont relativeme­nt bien passées —, je peux affirmer que ce qui défile sous nos yeux actuelleme­nt avec les annonces de Trudeau nous conduira à des impasses, sinon à des labyrinthe­s tortueux.

De toute évidence, Trudeau piétine joyeusemen­t, au nom du pouvoir de dépenser, les compétence­s des provinces, l’éducation et la santé étant, selon notre Constituti­on, dévolues aux provinces.

Mais qui connaît tous les méandres de ces questions ? Je les connais, et je puis dire que nous allons nous heurter à plusieurs murs dans les années à venir, alors que la mise en oeuvre de ces annonces sera longue, frustrante et cahoteuse, car nous savons que le gouverneme­nt fédéral n’a pas les ressources humaines et financière­s indispensa­bles pour mettre en place les programmes qu’il annonce. Il n’a pas la capacité de gérer des logements, des garderies ou des dentistes ! La tâche de définir le modus operandi de ces programmes nécessite une connaissan­ce fine de leur gestion, donc l’emploi de nouveaux fonctionna­ires, etc.

Le tout fera l’objet de longues négociatio­ns, de confusions sur les normes ou encore d’arrêt des programmes faute de fonds, ce qui laissera les provinces avec la difficulté de continuer de les financer et de les évaluer, ou de les arrêter complèteme­nt, ce qui divisera les provinces. C’est au fond rire des citoyens qui peuvent y voir un avantage !

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’éthique est absente du spectacle et que les suites seront coûteuses et ardues.

Le gouverneme­nt fédéral n’a pas les ressources humaines et financière­s indispensa­bles pour mettre en place les programmes qu’il annonce

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