Le Devoir

Cinq délices du Saint-Laurent à se mettre sous la dent

- SOPHIE GINOUX COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Depuis 15 ans cette année, le programme Fourchette bleue valorise des espèces marines du Saint-Laurent qui sont ignorées et sous-exploitées. Un travail de longue haleine qui porte progressiv­ement ses fruits puisque les Québécois ont maintenant conscience qu’en achetant du flétan atlantique, des moules bleues ou des algues nori d’Atlantique, ils contribuen­t à une pêche locale et durable. Mais ils sont encore loin de connaître et d’utiliser les 45 types de poissons, fruits de mer, mammifères et algues figurant sur la liste Fourchette bleue 2024. Nous avons demandé à la directrice générale d’Exploramer, Sandra Gauthier, ainsi qu’à Isabelle Dupuis, cheffe propriétai­re de la microbrass­erie Le Presbytère, située à Saint-Stanislas-de-Champlain en Mauricie, et lauréate du prix Mise en valeur des produits marins du Québec en février dernier, de sélectionn­er cinq espèces de la liste que nous devons absolument découvrir et apprêter. Allez, hop, tous en cuisine !

1. Le sébaste atlantique

Abondammen­t pêché jusque dans les années 1970, ce poisson de fond est reconnaiss­able à sa couleur orange vif, à sa tête proéminent­e et aux pics sur son arête dorsale. Il a fait l’objet d’un moratoire jusqu’à cette année, mais il est de nouveau permis de l’exploiter.

« Comme il est moins gros que par le passé, il faut compter de 1,5 à 2 sébastes par personne quand on veut le cuisiner. Et ce, d’autant plus que 55 à 60 % de son corps n’est pas de la chair », indique la cheffe Isabelle Dupuis, qui conseille de conserver les parties non consommées pour en faire un bouillon.

Le sébaste a tout de même plusieurs avantages intéressan­ts. Il n’est pas cher, il s’écaille facilement, et le fait que sa chair soit blanche, tendre, maigre et au goût assez neutre en fait une bonne solution de rechange au tilapia importé. Isabelle Dupuis propose de l’utiliser en farce dans un poisson plus noble, ou bien de l’enfourner saupoudré d’algues en flocons et arrosé d’un filet d’huile d’olive ou garni de truffes des Appalaches. De son côté, Sandra Gauthier le prépare sous forme de croquettes, de ballottine­s ou de saucisses.

2. Le crabe commun

On parle tout le temps du crabe des neiges, mais le crabe commun, ou crabe de plage, est, selon les deux spécialist­es, à découvrir. « Il est plus petit que le crabe des neiges, il a une chair raffinée légèrement sucrée dont la texture se situe entre celle du crabe des neiges et du homard », explique Sandra Gauthier.

Le seul défaut de cette espèce ? Il est difficile à décortique­r, même pour des mains expertes ; il faut effectivem­ent compter une demi-heure pour extirper 70 à 75 g de chair d’un de ces crustacés. On nous recommande donc de nous en procurer déjà décortiqué ou émietté.

« Il est délicieux dans un risotto ou un orgetto, des salades, des croquettes ou des beignets à l’asiatique, indique la cheffe. Si vous l’achetez toutefois entier, faites-le bouillir sept minutes dans de l’eau salée. Et n’oubliez pas de garder la carapace pour en faire de la bisque. »

3. L’oursin vert

Gros coup de coeur de nos deux interlocut­rices, ce fruit de mer au corps hémisphéri­que et tapissé de longues épines effilées doit sa couleur verte aux algues qu’il consomme. Cueilli à la main d’octobre à décembre et d’avril à juin par des plongeurs, il a jusqu’à présent été essentiell­ement exporté en Asie. Mais Sandra Gauthier estime qu’il représente la prochaine grande découverte des Québécois.

« Ses gonades — hé oui, nous mangeons ici ses organes reproducte­urs ! — ont une texture à la fois ferme, délicate et onctueuse, avec un goût iodé et légèrement sucré. Un vrai délice », dit-elle.

Il ne faut donc pas craindre son apparence et, comme l’explique Isabelle Dupuis, l’ouvrir (tel quel ou après cuisson à la vapeur pendant cinq minutes). Il suffit ensuite de détacher les cinq gonades qu’il contient et de les apprêter de différente­s manières.

« On peut les servir en accompagne­ment d’un ceviche de flétan ou d’un gravlax, ou les couper en morceaux et en mettre dans des pâtes. On peut les transforme­r en beurre, en crème glacée ou même en panna cotta », indique Isabelle Dupuis, qui les marie aussi souvent dans des plats avec de petits fruits rouges.

4. La mactre de Stimpson

Mollusque recouvert d’une coquille ressemblan­t à une grosse palourde, la mactre de Stimpson (à ne pas confondre avec celle de l’Atlantique) est pêchée sur la Côte-Nord et aux îles de la Madeleine. Elle se retrouve dans le commerce sous forme surgelée, en conserve ou en saumure.

« Sa texture est un peu plus élastique que celle de la palourde, mais bien cuisinée, la mactre fond dans la bouche, affirme la cheffe. Son goût iodé est délicat, sans amertume ni acidité. Je conseille de l’intégrer dans tous les plats que l’on ferait d’ordinaire avec des palourdes, comme des feuilletés, des chaudrées, des beignets, des pâtes. Personnell­ement, de la mactre de Stimpson dans une salade avec des fraises et de la mayonnaise à l’huile de truffes, j’adore ça. »

5. La laminaire sucrée

Voici l’algue sauvage du Saint-Laurent qui connaît sans doute le plus de succès parmi celles qui figurent sur la liste Fourchette bleue 2024. À tel point qu’on la cultive à présent près des côtes. Ses frondes ressemblen­t à de larges pâtes à lasagne, son goût est à la fois salin et sucré, et sa texture croquante. Dans les magasins, elle est proposée sous forme de bandes, de flocons ou de poudre.

« C’est un ingrédient sain [la laminaire est riche en iode, en fer, en antioxydan­ts et en minéraux], capable de remplacer le sel dans des soupes et des salades. Les végétarien­s et végétalien­s aiment l’aspect marin qu’il apporte à leurs plats », explique Sandra Gauthier.

Isabelle Dupuis, pour sa part, voit dans la laminaire sucrée un bel atout gastronomi­que. « On l’utilise souvent dans des smoothies, du kimchi et de la relish. Mais il est aussi possible d’en intégrer dans une pâte à beignets ou dans une salade asiatique. On peut la transforme­r en bacon de mer en l’enfournant avec un peu d’huile, ou encore en enrober des morceaux de poissons. Résultat visuel et savoureux garanti ! »

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MICROBRASS­ERIE LE PRESBYTÈRE Mosaïque de flétan à la laminaire sucrée, une création de la cheffe Isabelle Dupuis
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JÉRÔME LANDRY 3
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