Une chercheuse au service des pratiques d’intervention
Elle est spécialiste de l’intervention en violence conjugale auprès des femmes immigrantes et s’intéresse à l’intégration des personnes immigrantes en région. Par son approche collaborative et son implication sur le terrain, Sastal Castro-Zavala entend amener la recherche au plus près des milieux de pratique.
Le sujet a fait l’objet d’une enquête du Devoir fin janvier : les femmes immigrantes sont surreprésentées dans les maisons d’hébergement où leur statut se précarise. Un phénomène en augmentation au Québec et face auquel les intervenants manquent de ressources.
Sastal Castro-Zavala, professeure au Département de psychologie et travail social de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), connaît bien cette problématique. Elle y a consacré sa thèse et plusieurs années d’accompagnement en maison d’hébergement après être arrivée du Mexique en 2009. « Je voulais retourner au Mexique pour y faire ma recherche, mais j’ai accroché ici avec un organisme qui travaillait auprès des femmes immigrantes victimes de violence conjugale. » La chercheuse a donc travaillé comme intervenante sociale pendant une dizaine d’années, parallèlement à son doctorat.
Une perspective intersectionnelle
Outre les pratiques d’intervention en violence conjugale, Sastal CastroC’est Zavala, qui est membre du Collectif de recherche participative sur la pauvreté en milieu rural, s’intéresse aux conditions d’intégration des personnes immigrantes, notamment en région. Deux axes de recherche qu’elle aborde selon une perspective intersectionnelle. « Il s’agit de comprendre comment certains contextes peuvent favoriser certains profils de personnes ou leur nuire. »
En se basant sur les travaux de la sociologue Patricia Hill Collins, la professeure mène ses recherches en tenant compte de différentes formes de discrimination auxquelles les personnes peuvent faire face simultanément. Que cela soit au niveau des lois, de la gestion administrative, des perceptions culturelles ou des relations que ces personnes entretiennent avec leur communauté. « Quand je fais de la recherche, j’essaye de penser à ces quatre dimensions. Et à ce qui joue [sous leur influence] dans les pratiques d’intervention. »
La chercheuse souligne à cet égard l’importance de former les intervenants aux défis auxquels font face les personnes immigrantes. Pour qu’ils prennent en compte, par exemple, les éléments structurels qui motivent les décisions de ces personnes. « Certaines femmes ne vont pas quitter un conjoint violent, non pour une question culturelle ou religieuse, mais parce que si elles n’ont pas de statut migratoire, elles se mettent à risque de se retrouver sans revenu, sans logement, sans accès aux services. Elles peuvent aussi rester pour protéger leurs enfants, elles sont prises dans ce contexte. »
Les recherches que Sastal CastroZavala mène actuellement dans la région de Chaudière-Appalaches auprès de nouveaux arrivants mettent également en lumière plusieurs niveaux d’obstacles à leur intégration, notamment lorsqu’ils sont installés en dehors des centres urbains.
Certains services, tels que des dispositifs de francisation, ne sont par exemple pas disponibles partout et sont d’autant plus difficiles à atteindre que le transport collectif est moins développé en milieu rural.
La professeure souligne également que beaucoup d’immigrants ayant un statut temporaire se retrouvent dans une situation de dépendance à l’égard de leur employeur, ce qui mène parfois à des expériences d’isolement ou d’abus. « Le pays d’origine, la langue, la région d’installation, le statut migratoire… Tous ces facteurs vont jouer dans l’intégration des personnes. » Le fait d’être une femme également.
Une recherche participative et collaborative
Au-delà de sa connaissance du terrain, Sastal Castro-Zavala s’appuie sur une collaboration étroite avec des organismes communautaires et des tables de concertation pour soutenir ses travaux. Une manière de s’assurer de répondre aux besoins du milieu. « C’est la pratique qui m’a menée où je suis […] et j’aime penser que la recherche sert à la nourrir. »
La chercheuse entend poursuivre coûte que coûte ce travail participatif, même si cela a des conséquences sur le temps de la recherche. « Travailler avec des personnes qui sont sur le terrain demande plus de temps et d’implication. Elles n’ont pas les mêmes ressources que nous à l’université. Le défi est de travailler ensemble en s’assurant de respecter le rythme et les besoins du milieu. »
Au fil des expériences et des rencontres, elle s’est également insérée dans un réseau multidisciplinaire de chercheuses. Des connexions qui l’amènent tant à soutenir le travail de consoeurs que de bénéficier de leur appui pour ses recherches. « Ce n’est pas un travail qui se fait seul. J’ai la chance de collaborer avec des chercheuses qui ont beaucoup d’années d’expérience ainsi qu’avec plusieurs organismes, c’est un vrai travail collectif », souligne celle dont les collaborations se déploient à l’échelle locale et provinciale.
La suite de son parcours reste ouverte, confie Sastal Castro-Zavala qui dit devoir identifier ses priorités de recherche face à l’ampleur des besoins en intervention. En attendant, elle se réjouit d’un financement de Femmes et égalité des genres Canada qui permet à son équipe d’étudier la réalité des mères immigrantes victimes de violences conjugales afin que les services y répondent mieux.