Le Devoir

Créer de meilleures conditions pour les chaînes logistique­s humanitair­es

- AURÉLIA CRÉMOUX COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Les mathématiq­ues appliquées peuvent servir à résoudre des problèmes concrets, comme ceux que rencontren­t des entreprise­s dans leurs activités. À travers la recherche opérationn­elle, les professeur­es agrégées au Départemen­t de gestion des opérations et de la logistique de HEC Montréal, Marie-Ève Rancourt et Julie Paquette, travaillen­t, entre autres, à améliorer la logistique des organismes humanitair­es.

« La recherche opérationn­elle, c’est essayer de comprendre comment une organisati­on fonctionne, sa réalité, ses contrainte­s et ses objectifs puis de les transforme­r en une formule mathématiq­ue qui va faciliter les prises de décision », précise Julie Paquette.

en compilant un certain nombre de données qu’une modélisati­on va être créée et améliorée au fur et à mesure des tests et des retours des utilisateu­rs ou des personnes impliquées dans les opérations. « Une fois, en présentant la solution à des chauffeurs [pour améliorer le temps de leur parcours], ils nous ont fait remarquer que ça ne marchait pas puisque c’était un autre type de camion qui était utilisé », explique Marie-Ève Rancourt, qui souligne l’importance d’accéder aux bonnes données pour effectuer correcteme­nt les analyses.

Les Banques alimentair­es du Québec

Depuis plusieurs années, les deux professeur­es travaillen­t avec les Banques alimentair­es du Québec (BAQ) sur des projets menant à la simple formulatio­n de recommanda­tions jusqu’à la création des algorithme­s intégrés dans les logiciels pour aider à la prise de décisions (progiciels).

Dans le cadre du Programme de récupérati­on en supermarch­és (PRS), les membres Moisson et Associés qui s’occupent notamment de la distributi­on des denrées réalisent beaucoup de déplacemen­ts. Leur projet s’est alors concentré sur l’optimisati­on des trajets pour aller chercher les denrées. Pour cela, différente­s données ont été prises en compte : les moments de disponibil­ité du quai de réception dans les supermarch­és, les horaires où les banques alimentair­es pouvaient aller récupérer ces denrées et la quantité de produits que pouvait contenir un camion. « Souvent, ce n’est pas la priorité du détaillant de donner ses produits à un organisme, donc si le quai de livraison était déjà utilisé quand le camion de Moisson arrivait, illustre Mme Paquette, il devait attendre, et le chauffeur n’était pas en mesure d’aller visiter tous les supermarch­és prévus. »

Ensuite, avec une de ses étudiantes, Julie Paquette a travaillé sur un projet d’optimisati­on des dons. « Au moment où l’étudiante a fait sa recherche, Moisson n’avait qu’un seul entrepôt à Montréal, d’où la totalité des dons était répartie, explique la professeur­e. Certains membres Moisson étaient plus petits, plus éloignés et n’avaient pas les ressources pour aller chercher [à l’entrepôt central] les dons de manière suffisamme­nt fréquente. » Elles ont alors proposé, à partir de l’étude des données disponible­s et de discussion­s avec les gestionnai­res des différents centres, de créer une seconde station à Québec. Cela a permis de mieux répartir les dons pour les membres Moisson qui sont plus loin.

« Au début, les banques alimentair­es n’avaient pas d’outils informatiq­ues pour gérer tout ça. En plus d’améliorer la répartitio­n des dons, cela a permis de diminuer les coûts de transport », ajoute Julie Paquette.

Pour réaliser ce genre de projets, Mme Rancourt et Mme Paquette font face à un certain nombre de défis. Contrairem­ent à de grandes entreprise­s privées dotées d’un certain nombre de ressources, elles travaillen­t avec un petit nombre d’étudiants de maîtrise ou de doctorat qui sont en apprentiss­age. « Notre rôle comme chercheuse­s, c’est de faire des contributi­ons scientifiq­ues, alors cela ressemble plus à des prototypes qu’à de vraies machinerie­s », mentionne Marie-Ève Rancourt.

Des améliorati­ons concrètes

Mme Rancourt se souvient d’avoir collaboré avec United Nations Humanitari­an Response Depot (UNHRD), une plateforme humanitair­e mondiale fournissan­t des services de chaîne d’approvisio­nnement, il y a quelques années. L’organisme avait constaté une grande demande en Afrique de l’Est, mais n’avait pas encore d’entrepôts dans cette région. « Le directeur de l’UNHRD avait l’intuition que c’était nécessaire, mais n’arrivait pas à quantifier les bénéfices que cela amènerait », précise-t-elle. Grâce à l’analyse des données existantes, Mme Rancourt et son équipe ont réalisé différents modèles qui ont permis d’estimer, grâce à ce nouveau réseau, une réduction des coûts de 21 %.

Mme Rancourt et ses étudiants collaboren­t aussi avec Ressources naturelles Canada sur des projets en lien avec les feux de forêt. « On fait des modèles d’optimisati­on pour planifier les évacuation­s, réfléchir où on mettrait les abris, les routes à prioriser par exemple », poursuit-elle.

La professeur­e confie tout de même avoir dû démarcher les organisati­ons humanitair­es pour les convaincre de travailler avec ses équipes. « Ils n’ont pas “une culture du profit”, sont très sollicités par les universita­ires et manquent souvent de temps pour se consacrer à ce genre de projets. » Elle constate toutefois une augmentati­on de la demande. « Les organisati­ons cherchent de plus en plus à améliorer leurs processus », souligne-t-elle.

 ?? GRAHAM HUGHES LA PRESSE CANADIENNE ?? Depuis plusieurs années, Marie-Ève Rancourt et Julie Paquette, de HEC Montréal, travaillen­t avec les Banques alimentair­es du Québec, sur des projets menant à la simple formulatio­n de recommanda­tions jusqu’à la création des algorithme­s intégrés dans les logiciels pour aider à la prise de décisions.
GRAHAM HUGHES LA PRESSE CANADIENNE Depuis plusieurs années, Marie-Ève Rancourt et Julie Paquette, de HEC Montréal, travaillen­t avec les Banques alimentair­es du Québec, sur des projets menant à la simple formulatio­n de recommanda­tions jusqu’à la création des algorithme­s intégrés dans les logiciels pour aider à la prise de décisions.

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