La météo dans l’ombre du soleil
Ce spectacle céleste est aussi important d’un point de vue météorologique
Lundi, la Lune bloquera complètement le Soleil, coupant la lumière du jour sur une trajectoire d’environ 185 km. Cela permettra au Soleil de rayonner derrière la silhouette noire comme le jais de la Lune.
Aux États-Unis, des dizaines de millions de personnes afflueront sur la trajectoire de l’éclipse totale, impatientes d’avoir un rendez-vous avec l’ombre de la Lune. C’est un spectacle céleste, mais c’est aussi un important spectacle d’un point de vue météorologique.
On sait que les éclipses solaires ont des répercussions, souvent importantes, sur la météo et qu’elles sont étudiées avec un intérêt croissant. Il y a six ans, le 21 août 2017, une éclipse solaire totale avait traversé l’Oregon jusqu’à la Caroline du Sud, devenant peut-être le phénomène le plus largement observé de l’histoire.
Tandis qu’on attend le grand événement, les scientifiques comme les simples observateurs se demandent comment l’éclipse influencera la météo.
Chute des températures
Il n’est pas surprenant que les températures chutent pendant une éclipse. Après tout, le Soleil est bloqué par la Lune, ce qui signifie que l’insolation, c’est-à-dire le rayonnement solaire entrant, est moins importante pour chauffer le sol.
La baisse de température la plus importante se produit dans la zone de l’éclipse totale. L’ampleur de la baisse de température dépendra de l’humidité, mais les environnements secs pourraient connaître une baisse de 4 à 8 °C. Si le temps est humide, la baisse sera probablement de 3 à 5 °C. Selon la NASA, une éclipse survenue en Zambie le 21 juin 2001 a entraîné une baisse de près de 8 °C.
Lors de l’éclipse totale du 20 mars 2015 sur les îles Féroé, les chercheurs ont constaté un décalage de 15 minutes entre le point maximum de l’éclipse et la baisse des températures. Les scientifiques ont obtenu ces résultats en examinant les données de 266 stations météorologiques disséminées au Royaume-Uni.
Un article de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) sur l’éclipse de 2017 a également noté que « les températures près de la surface ne reviennent aux valeurs d’avant l’éclipse que 60 minutes après la phase de totalité ».
Les nuages disparaissent
La réduction de la température entraîne un refroidissement de la « couche limite », c’est-à-dire la partie de l’atmosphère terrestre en contact avec le sol et chauffée par celui-ci.
Lors d’une éclipse, la lumière du Soleil diminue et finit par disparaître. Elle cesse de chauffer le sol, qui, à son tour, cesse de chauffer la basse atmosphère. La couche limite peut cesser de s’étendre verticalement et les courants ascendants — des trous d’air flottants se déplaçant vers le haut — ralentissent en raison de l’absence de chauffage. Les cumulus de beau temps peuvent s’estomper, voire disparaître.
Un article publié en 2024 a utilisé des données satellitaires pour étudier la couverture nuageuse pendant les éclipses solaires entre 2005 et 2016. Les scientifiques ont constaté que les cumulus en forme de boules de coton commencent à se dissiper lorsque le Soleil n’est couvert qu’à 15 %.
De plus, lors de l’éclipse annulaire « en anneau de feu » au-dessus de l’Afrique de l’Est et de certaines parties de l’océan Indien le 3 octobre 2005, les nuages n’ont commencé à revenir que 50 minutes après l’éclipse maximale.
Cela dit, les éclipses n’affectent généralement pas la couverture nuageuse de moyenne et de haute altitude. Ainsi, les cirrus minces et vaporeux à 10 000 m d’altitude resteront pour la plupart en place.
Augmentation de l’humidité relative
Pendant les éclipses, l’humidité relative augmente. Rien n’ajoute de l’humidité à l’air, mais lorsque l’air se refroidit, il ne peut plus retenir autant d’eau. Ce qui signifie que l’humidité qu’il contient alors représente une plus grande proportion de sa capacité totale.
Lors de l’éclipse totale de 2017, l’humidité relative à Moose, au Wyoming, est passée de 31 % avant l’éclipse à 51 % 40 minutes plus tard.
Dans le Kentucky, un réseau de stations météorologiques de 72 capteurs à l’échelle de l’État a enregistré des hausses similaires de l’humidité relative. Dans le comté de Warren, l’humidité relative est passée de 40 % à 60 %, avant de retomber à 42 % en milieu d’après-midi. Dans les comtés de Todd, Christian et Trigg, l’humidité relative est passée d’environ 45 % à 75 % pendant la phase de totalité.
Les vents changent
En 2017, des chercheurs ont confirmé l’existence d’une sorte de « vent d’éclipse ». En substance, le passage de l’ombre de la Lune refroidit l’air et le fait descendre. L’air situé en dehors de la zone d’ombre continue à s’élever et il en résulte une circulation locale de retournement.
On a constaté que des vents légers d’environ 8 km/h ont changé de direction (du sud-est au sud-ouest) et se sont ensuite calmés pendant l’éclipse. Après l’éclipse, ils ont repris leur direction initiale.
Un autre article a mis en évidence une diminution de près de 10 km/h de la vitesse du vent lors de l’éclipse du 11 août 1999 en Europe centrale.
De petites variations du vent peuvent même se produire pendant une éclipse solaire partielle. Des chercheurs des Blue Ridge Mountains, dans le centre de la Virginie, ont observé des « vents d’origine thermique » lors de l’éclipse partielle dans cette région en 2017.
La haute atmosphère est perturbée
L’éclipse a également des répercussions en altitude. Dans l’ionosphère — une couche d’électrons et d’ions libres située environ entre 60 et 300 km audessus du sol et capable de réfléchir les ondes radio —, les éclipses solaires totales produisent des « ondes de proue ».
Pensez à un bateau qui traverse un lac ; il produira une « vague de proue » en forme de V, car l’eau ne peut pas s’écarter du chemin à temps pour le passage du bateau. Il en va de même lorsque l’ombre de l’éclipse traverse l’atmosphère à une vitesse plusieurs fois supérieure à celle du son.
Les chercheurs ont constaté que l’éclipse solaire totale de 2017 a produit des ondes de proue dans l’ionosphère, qu’ils ont mesurées par les fluctuations de la densité des électrons. Les ondes avaient une longueur d’onde d’environ 300 à 400 km et se propageaient à une vitesse d’environ 1000 km/h.
En bref
Les éclipses solaires totales représentent un spectacle rare et magique. On ne se contente pas d’assister à une telle éclipse, on la vit.
Pour cela, il faut remarquer les changements météorologiques, l’environnement ambiant, etc. À quoi cela ressemble-t-il ? Comment se sent-on ? Chaque petit détail se transforme en une expérience inoubliable pour ceux qui ont la chance de se trouver sur la trajectoire de l’éclipse totale.