Le Devoir

Tous les yeux rivés sur l’éclipse

Des milliers de personnes en Amérique du Nord étaient au rendez-vous lundi pour assister à l’éclipse solaire totale, un rare événement astronomiq­ue que peu de gens auront la chance de voir une deuxième fois dans leur vie

- BENOIT VALOIS-NADEAU

Du Mexique à Terre-Neuve, en passant par le sud du Québec, des milliers de personnes se sont rassemblée­s un peu partout en Amérique du Nord pour assister à l’un des plus grands spectacles que peut offrir notre planète : une éclipse totale du Soleil.

À Montréal, près de 100 000 personnes ont pris d’assaut le parc Jean-Drapeau dès 11 h pour assister à ce rare phénomène. Les équipes du Planétariu­m de Montréal et d’Espace pour la vie avaient d’ailleurs prévu d’y distribuer sans frais 150 000 paires de lunettes protectric­es.

Sous un soleil radieux et dans une atmosphère de festival, des milliers de curieux se sont donc rassemblés sur la plaine des Jeux et un peu partout sur l’île Sainte-Hélène. Sur place, les camions de bouffe de rue côtoyaient les kiosques d’informatio­n où des employés vulgarisai­ent cette singulière danse astronomiq­ue, la première visible à Montréal depuis 1932.

« On en a entendu tellement parler, c’était important d’être là. On ne peut pas passer à côté de ça, je ne serai pas là pour la prochaine ! » a raconté au Devoir Danielle Beauchamp, rencontrée à quelques pas de la statue L’homme, d’Alexandre Calder. « Je trouvais ça intéressan­t d’être là en grosse gang. C’est la première fois que je revis ça depuis la pandémie. »

Après des prestation­s de DJ Champion, de l’Orchestre Métropolit­ain et de Diane Dufresne, c’est dans une atmosphère de recueillem­ent et de fébrilité que se sont déroulées les dernières minutes avant l’obscurité totale, lorsque les trajectoir­es du Soleil et de la Lune se sont croisées à la perfection.

À 15 h 26 exactement, la disparitio­n du dernier croissant de Soleil a fait naître une clameur ravie au sein chez les spectateur­s, qui ont pu retirer leurs lunettes de protection pour contempler l’obscurité pendant environ une minute. Alors que s’illuminaie­nt les gratteciel du centre-ville, on a vu apparaître des étoiles au-dessus de Montréal, comme s’il faisait nuit en plein jour. La baisse de températur­e provoquée par la disparitio­n momentanée du Soleil ajoutait à l’étrangeté du moment.

« Époustoufl­ant », « plus grand que nature » : les qualificat­ifs abondaient pour décrire la beauté de la scène. « C’est tellement irréel qu’on a l’impression que nos yeux ne voient pas bien », s’est exclamée l’astronome Laurie Rousseau-Nepton en entrevue avec Le Devoir quelques minutes après l’éclipse.

Parmi les phénomènes astronomiq­ues visibles sur Terre, « rien ne peut battre ça, pas même les aurores boréales : on se demande si c’est un rêve », a soutenu la scientifiq­ue d’origine innue, qui s’est d’ailleurs adressée à la foule rassemblée au parc JeanDrapea­u en compagnie de l’astronaute David Saint-Jacques afin de démystifie­r le phénomène.

C’était très émouvant, un mélange d’émotions. On se sent petit face à la nature. J’en ai eu les larmes aux yeux.

OLIVIA MELMI

Un moment d’émotion collectif

Les émotions étaient très fortes chez tous les gens rencontrés. « Je ne sais pas trop comment décrire ce que j’ai ressenti, c’est impression­nant… » a balbutié Théo Vaillant lorsqu’interrogé quelques minutes après l’éclipse. À Montréal pour des vacances, le Français avait appris seulement dimanche qu’une éclipse totale serait visible de la métropole. « On ne se rend pas compte qu’on ne verra ça qu’une fois dans notre vie. C’était court et intense. Et vraiment émouvant. Je n’ai pas de mots. C’est fou, vraiment incroyable. »

D’autres avaient prévu assister à l’événement depuis longtemps. C’est le cas d’Olivia Melmi et son copain, qui avaient pris congé pour la journée il y a six mois déjà. « Et on est vraiment content de l’avoir fait », a-t-elle expliqué. « C’était très émouvant, un mélange d’émotions. On se sent petit face à la nature. J’en ai eu les larmes aux yeux. »

Si dans le ciel le ballet des astres a déployé toute sa beauté, sur Terre, l’affluence de spectateur­s a causé quelques maux de tête.

Les bretelles d’accès à l’île SainteHélè­ne par le pont Jacques-Cartier ont d’ailleurs été fermées vers 14 h 25, un peu plus d’une heure avant le grand moment, « la capacité d’accueil des véhicules pour le secteur étant saturée », avait noté la Sûreté du Québec. L’afflux de milliers de curieux a aussi provoqué des embouteill­ages dans le métro, malgré les effectifs supplément­aires déployés par la Société de transport de Montréal et la plus grande fréquence des passages.

« Le chemin pour venir ici, c’était une expérience collective d’une autre espèce », a blagué Nadine Delarosebi­l, qui s’était déplacée au parc JeanDrapea­u avec sa fille, Mégane. Mais malgré ces petites embûches, le déplacemen­t en a valu la peine, dit-elle. « On sentait l’énergie collective. C’était spectacula­ire, phénoménal. Je ne m’attendais pas à vivre autant d’émotions. »

La prochaine éclipse solaire totale observable dans le ciel montréalai­s aura lieu en 2205.

Du Mexique au Canada

L’événement céleste de lundi a commencé à 14 h 07 (heure du Québec) sur la côte pacifique du Mexique. Le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, se trouvait d’ailleurs dans la ville balnéaire de Mazatlán, où il s’est réjoui d’un « jour inoubliabl­e ». La trajectoir­e de l’éclipse a ensuite traversé 15 États américains — du Texas au Maine — avant de terminer sa course dans l’est du Canada.

Au total, l’ombre de la Lune a pris environ une heure et demie à parcourir son trajet au-dessus des trois pays.

Au Canada, l’éclipse était observable dans six provinces : l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-PrinceÉdou­ard, la Nouvelle-Écosse et TerreNeuve. La trajectoir­e de l’éclipse a d’abord survolé le sud-ouest de l’Ontario vers 15 h 15, puis s’est déplacée vers l’est à travers le Québec et le Canada atlantique avant d’arriver à Terre-Neuve vers 15 h 45, heure de l’Est.

Un Canadien sur six, soit environ 6,1 millions de personnes, vivait dans la trajectoir­e de totalité de l’éclipse de lundi. La prochaine éclipse solaire totale visible en terres canadienne­s devrait passer par les provinces de l’Ouest dans 20 ans.

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VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Des jeunes, lunettes sur le nez, observaien­t l’éclipse à l’école NotreDame-de-laPaix, à SaintSimon, lundi.
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GUILLAUME LEVASSEUR LE DEVOIR, ADIL BOUKIND LE DEVOIR ET RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE Dans l’ordre de lecture : l’éclipse solaire telle que vue au mont Mégantic. Des habitants du Plateau-MontRoyal regardaien­t l’éclipse. L’ombre de l’éclipse vue dans une main. La foule était nombreuse au parc JeanDrapea­u afin d’assister aux festivités liées au phénomène cosmique. L’éclipse solaire totale vue au sommet du mont Mégantic, près de l’Observatoi­re. Plusieurs habitants du quartier se sont rejoints au parc Baldwin pour assister à la syzygie.
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