Le Devoir

Accord à Bruxelles sur les importatio­ns agricoles venues d’Ukraine

Adoptée en 2022, l’exemption de droits de douane accordée au pays en guerre alimente la colère des agriculteu­rs de l’Union européenne

- AGRICULTUR­E JULIEN GIRAULT À BRUXELLES AGENCE FRANCE-PRESSE

Les États de l’Union européenne (UE) et les eurodéputé­s se sont accordés lundi pour reconduire l’exemption de droits de douane sur les importatio­ns agricoles venant d’Ukraine, en l’assortissa­nt de restrictio­ns renforcées, mais sans plafonner le blé.

L’accord, qui a été approuvé formelleme­nt dans la soirée par les ambassadeu­rs des Vingt-Sept, reconduit pour un an, jusqu’en juin 2025, cette exemption tarifaire accordée au pays en guerre.

Adoptée en 2022 pour soutenir Kiev face à l’invasion russe, elle alimente la colère des agriculteu­rs de l’UE, qui accusent l’afflux de produits ukrainiens de plomber les prix locaux et de relever d’une concurrenc­e « déloyale » faute de respecter les mêmes normes.

Pour répondre à ces préoccupat­ions, le texte, qui devra encore être validé par les eurodéputé­s et une ultime fois par les ministres des Vingt-Sept, prévoit un strict encadremen­t.

Bruxelles pourra désormais adopter des mesures corrective­s « rapides » en cas de « perturbati­ons importante­s » sur le marché, même si cela ne touche qu’un seul pays, avec une surveillan­ce accrue des flux de céréales.

Surtout, un « frein d’urgence » est introduit : les importatio­ns exemptées de droits de douane de volailles, oeufs, sucre, maïs, miel, avoine et gruau (préparatio­n de grains dégermés) seront plafonnées aux volumes moyens importés entre mi-2021 et fin 2023, niveaux au-dessus desquels des tarifs seront automatiqu­ement réimposés.

« En prolongean­t d’un an le soutien [en matière de droits de douane], cet accord témoigne de la solidarité continue de l’UE », tout en « renforçant les garde-fous pour protéger les agriculteu­rs de l’UE en cas de perturbati­on du marché » sous l’effet des « répercussi­ons des attaques incessante­s de la Russie contre l’Ukraine », a observé l’eurodéputé­e lettone Sandra Kalniete (PPE, droite), rapporteus­e du texte.

Pour autant, la France réclamait l’élargissem­ent à l’année 2021 entière de la période de référence pour calculer les volumes de plafonneme­nt, faisant valoir que les volumes de 2022-2023 proposés initialeme­nt par Bruxelles correspond­ent à des importatio­ns déjà massives.

En incluant finalement le second semestre 2021, période où les importatio­ns d’Ukraine étaient beaucoup moins importante­s, le calcul conduira déjà de facto à abaisser nettement le niveau où se déclencher­a le plafonneme­nt.

Le blé tendre pas inclus

En revanche, le mécanisme de plafonneme­nt n’inclut toujours pas le blé tendre et l’orge, comme le souhaitaie­nt plusieurs pays — France, Pologne, Hongrie — à l’unisson des organisati­ons agricoles.

Le texte adopté ne contient finalement qu’un engagement de la Commission européenne à renforcer sa surveillan­ce des échanges de céréales, notamment de blé, pour activer si besoin des mesures d’urgence en cas de déséquilib­re.

L’accord prévoit par ailleurs que Bruxelles étudiera une libéralisa­tion tarifaire « permanente » avec l’Ukraine dans le cadre de la future renégociat­ion de l’accord d’associatio­n entre l’UE et l’Ukraine.

Cette perspectiv­e alarme grandement les organisati­ons agricoles de l’Union européenne.

L’accord conclu lundi reprend essentiell­ement le texte déjà approuvé fin mars par les Vingt-Sept, qui durcissait un compromis trouvé précédemme­nt avec les eurodéputé­s.

Pour autant, le Copa-Cogeca (organisati­on des syndicats majoritair­es) et cinq fédération­s sectoriell­es avaient dénoncé une « demi-réponse » à leurs préoccupat­ions, faute d’inclusion du blé et de l’orge dans le mécanisme de plafonneme­nt et de volumes de référence comprenant l’année 2021 entière.

En l’état, ce texte « n’accordera qu’un soulagemen­t très limité à nos producteur­s » et « la situation restera insoutenab­le pour les agriculteu­rs », avertissai­ent-ils dans un communiqué commun.

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DANIEL MIHAILESCU AGENCE FRANCE-PRESSE Le mécanisme de plafonneme­nt n’inclut toujours pas le blé tendre et l’orge, comme le souhaitaie­nt plusieurs pays à l’unisson des organisati­ons agricoles.

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