Le Devoir

Prudent, Trump veut laisser les États américains légiférer sur l’avortement

- ROBIN LEGRAND À WASHINGTON AGENCE FRANCE-PRESSE

Donald Trump a dit lundi vouloir laisser la main libre aux États américains pour légiférer sur l’avortement, restant fidèle à une jurisprude­nce dont il est l’architecte tout en renonçant prudemment à une interdicti­on à l’échelle nationale qui pourrait lui coûter cher à la présidenti­elle.

« Les États déterminer­ont par vote ou par une loi, ou peut-être les deux. Quelle que soit leur décision, elle doit avoir force de loi », a-t-il déclaré dans une vidéo publiée sur sa plateforme Truth Social, après des mois d’allées et venues sur le sujet.

De nouveau candidat en novembre face au démocrate Joe Biden, Donald Trump se targue lui-même d’avoir, par ses nomination­s à la Cour suprême des États-Unis, abouti au revirement de jurisprude­nce de juin 2022 qui a annulé la garantie fédérale du droit à l’avortement.

Depuis cette décision redonnant aux 50 États toute latitude pour légiférer dans ce domaine, une vingtaine ont interdit ou sévèrement restreint l’accès à l’IVG.

« Beaucoup [d’États] auront un nombre différent de semaines » comme durée limite de grossesse pour un avortement, a exposé le républicai­n dans sa vidéo. « Certains seront plus conservate­urs que d’autres, et c’est comme ça. Au bout du compte, c’est la volonté du peuple qui compte. »

Donald Trump a également accusé les démocrates d’être en faveur de l’avortement jusque dans les derniers mois de grossesse, et « même une exécution après la naissance ». Une affirmatio­n sans fondement.

Dans sa vidéo de quatre minutes, le candidat républicai­n à la présidenti­elle de novembre ne mentionne pas la possibilit­é d’instaurer une interdicti­on à l’échelle nationale, préférant garder une certaine prudence sur cette question hautement sensible au niveau électoral.

« Gifle »

L’avortement représente un cheval de bataille du mouvement conservate­ur depuis plusieurs décennies, mais son interdicti­on s’est avérée grandement impopulair­e auprès du grand public américain dans plusieurs scrutins récents.

Joe Biden n’a pas manqué de s’amuser de la position d’équilibris­te de son rival. « Trump s’est empêtré », a estimé le président américain dans un communiqué de son équipe de campagne.

Donald Trump « craint que les électeurs lui fassent rendre des comptes » à la présidenti­elle à cause de sa « responsabi­lité » dans la fin de la garantie fédérale du droit à l’avortement, a avancé Joe Biden. « Eh bien, j’ai des nouvelles, Donald. Ce sera le cas. »

L’équipe de campagne du démocrate a dévoilé lundi un clip dénonçant le rôle de Donald Trump dans la situation actuelle du droit à l’avortement aux États-Unis. La vidéo raconte l’histoire d’une Texane à qui un avortement avait été refusé malgré une fausse couche à 18 semaines de grossesse, et les séquelles de ce refus.

L’associatio­n de défense des libertés civiles ACLU a dénoncé l’ambiguïté des déclaratio­ns de Donald Trump, l’accusant d’« essayer de cacher son jeu ».

L’ancien vice-président de Donald Trump, le très religieux Mike Pence, a qualifié les déclaratio­ns du milliardai­re de « gifle » pour les millions d’opposants à l’avortement qui ont voté pour lui en 2016 et 2020.

L’associatio­n anti-avortement Susan B. Anthony Pro-Life a de son côté exprimé sa « profonde déception ».

« Les enfants à naître et leurs mères méritent d’être défendus et protégés au niveau national face à la brutalité de l’industrie de l’avortement », a déclaré dans un communiqué sa présidente, Marjorie Dannenfels­er.

Référendum­s

En mars, Donald Trump avait d’abord indiqué qu’il pourrait se prononcer pour une interdicti­on nationale au-delà de 15 ou 16 semaines.

Mais il avait également estimé qu’il ne revenait pas à l’administra­tion fédérale de trancher sur cette question, mettant en garde contre le coût électoral d’une position trop conservatr­ice.

Depuis la décision de 2022 de la Cour suprême, les conservate­urs ont perdu chaque référendum ou scrutin abordant la question de l’avortement.

Et ce même dans des États qui leur sont d’habitude acquis, comme l’Ohio ou le Kansas.

Les démocrates de leur côté capitalise­nt sur ce sujet brûlant, qui a fait d’eux une machine à gagner — du moins dans les scrutins locaux.

La vice-présidente, Kamala Harris, colistière de Joe Biden, se déplace régulièrem­ent sur des campus américains dans les États les plus disputés de l’élection pour évoquer l’avortement.

Les démocrates ont aussi encouragé l’organisati­on, le même jour que l’élection présidenti­elle, de mini-référendum­s sur l’avortement dans plusieurs États qui seront décisifs lors de ce scrutin (Arizona, Nevada, Pennsylvan­ie).

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