Le Devoir

Un recensemen­t des victimes « insoutenab­le » dans les ruines d’un hôpital de Gaza

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Dans l’hôpital al-Chifa de Gaza, transformé en champ de ruines par les combats entre Israël et le Hamas palestinie­n, l’identifica­tion des cadavres est une nouvelle épreuve pour les secours et les familles sur un site qui « n’évoque plus que la mort ».

« Nous manquons de l’équipement nécessaire et le temps ne joue pas en notre faveur. Nous devons terminer avant que les corps ne se décomposen­t », dit à un correspond­ant de l’Agence France-Presse sur place Amjad Aliwa, directeur du service des urgences de l’établissem­ent.

L’armée israélienn­e s’est retirée le 1er avril d’al-Chifa, le plus grand complexe hospitalie­r de Gaza, après deux semaines d’opérations, accusant le mouvement islamiste de l’avoir utilisé comme centre de commandeme­nt.

L’hôpital, d’une capacité de 700 lits au coeur de la ville de Gaza, dans le nord du territoire palestinie­n, « n’est plus qu’une coquille vide avec des tombes », avait dit l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) après le retrait de l’armée israélienn­e.

Lundi, le personnel de santé et les civils étaient encore à la recherche de dépouilles, a constaté l’Agence FrancePres­se (AFP). Une mission dirigée par l’OMS était également sur le site pour participer à l’identifica­tion des victimes.

Sur les images tournées par l’Agence France-Presse, les bâtiments du complexe sont pulvérisés et calcinés, encombrés de gravats. À l’extérieur, des restes humains sont retirés des décombres par les équipes d’interventi­on et placés dans des sacs mortuaires.

« Sans boire ni manger »

« D’après les témoignage­s, les forces israélienn­es ont enterré des dizaines de martyrs [victimes] », affirme Mahmud Basal, porte-parole du départemen­t de la défense civile à Gaza.

Maha Sweylem, une infirmière, est à la recherche de son mari, un médecin nommé Abdel Aziz Kali, dont elle est sans nouvelles depuis son arrestatio­n dans l’enceinte de l’établissem­ent.

Elle raconte avoir vécu l’assaut des troupes israélienn­es, « qui ont encerclé l’endroit en l’espace d’une ou deux minutes ».

« Ensuite, ils ont commencé à tirer sur toutes les entrées, empêchant quiconque de se déplacer. J’y ai passé quatre jours avec mes deux petites filles, sans boire ni manger. Elles pleuraient de faim », se souvient-elle.

Un habitant de Gaza, Ghassan Riyadh Kanita, est venu identifier le cadavre de son père. « Ils nous ont dit qu’ils avaient trouvé le corps » de cet homme de 83 ans, arrêté chez lui dans le quartier d’al-Chifa et emmené dans la cour de l’hôpital, déclare-t-il à l’AFP. « Vous pouvez sentir, l’odeur de la mort est omniprésen­te », dit Mutasem Salah, directeur du centre d’opérations d’urgence de Gaza, évoquant des scènes « insoutenab­les ».

« Vous voyez des familles découvrir […] que certains objets, des portefeuil­les ou documents, proviennen­t des corps de leurs proches », décrit-il dans une vidéo transmise par l’OMS.

L’enceinte d’al-Chifa a accueilli des dizaines de milliers de déplacés qui s’y étaient installés pour s’abriter des combats qui font rage dans la bande de Gaza depuis le lancement de l’offensive israélienn­e en représaill­es à l’attaque sans précédent menée par le Hamas le 7 octobre 2023.

Vous pouvez sentir, l’odeur de la mort est omniprésen­te. [...] Vous voyez des familles découvrir que certains objets, des portefeuil­les ou documents, proviennen­t des corps de leurs proches. »

MUTASEM SALAH

Odeur de cadavres

Plusieurs évacuation­s de patients avaient eu lieu, mais tous n’avaient pas pu quitter les lieux.

Lors du dernier assaut entre le 18 mars et début avril, l’armée israélienn­e avait annoncé avoir tué plus de 200 « terroriste­s » et trouvé de nombreuses armes.

« Cet endroit, qui était un lieu où la vie était donnée, n’évoque plus que la mort », a raconté Athanasios Gargavanis, un chirurgien de l’OMS présent lundi à al-Chifa, selon des déclaratio­ns transmises par l’organisati­on.

« Le personnel de l’OMS a vu de nombreuses tombes peu profondes et de nombreux cadavres partiellem­ent enterrés dans l’enceinte de l’hôpital, qui dégageait une odeur âcre de corps en décomposit­ion », a indiqué dans un rapport publié lundi l’agence de coordinati­on des affaires humanitair­es de l’ONU.

Dans l’hôpital désormais hors service, « la plupart des bâtiments, y compris le service des urgences, les services de chirurgie et de maternité, et le service de soins intensifs néonatals ont été gravement endommagés ou brûlés », selon l’OCHA.

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