Une facture qui sera salée pour des millions de Canadiens
Environ 2,2 millions des prêts qui sont en vigueur devraient être renouvelés cette année et l’an prochain
Près de la moitié des prêts hypothécaires en vigueur au Canada devront être renouvelés au cours des deux prochaines années. Si la perspective d’une prochaine baisse des taux d’intérêt donne l’espoir d’un peu de répit, votre facture mensuelle pourrait tout de même augmenter de plusieurs centaines de dollars
« On s’attend à ce que la Banque du Canada commence à baisser les taux cette année, mais les gens vont quand même payer des mensualités plus élevées au renouvellement de leur prêt hypothécaire, car les taux seront quand même plus élevés qu’ils l’étaient avant et durant la pandémie », explique Seamus Benwell, spécialiste principal en recherche à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
Selon les estimations de la SCHL, environ 2,2 millions des prêts hypothécaires qui sont en vigueur devront être renouvelés cette année et l’an prochain, ce qui représente environ 45 % des prêts hypothécaires en vigueur.
Alors, de combien augmentera la facture ? Prenons l’exemple d’un prêt hypothécaire de 400 000 $ souscrit durant la pandémie, à un taux fixe de 2,5 % sur un terme de 3 ans et remboursé sur 25 ans. Les mensualités pour un tel prêt s’élèvent présentement à environ 1792 $.
Après trois ans, lorsque vient le temps du renouvellement, il faut soustraire le montant en capital remboursé — en l’occurrence environ 35 950 $ — du prêt hypothécaire de départ. Si l’on renouvelle ce prêt hypothécaire à un taux de 5 %, les nouvelles mensualités s’élèvent à 2266 $.
Ainsi, la facture consacrée au remboursement de cet emprunt grimpe de 474 $ par mois, l’équivalent de 5690 $ de plus par an.
Consolider sa dette, prolonger l’amortissement
Jusqu’à maintenant, les Canadiens qui détiennent un prêt hypothécaire parviennent encore à le rembourser. Les données de la SCHL sur les taux de comptes en souffrance, dont les paiements sont en retard d’au moins 90 jours, en témoignent. Le taux de comptes en souffrance pour les prêts hypothécaires est resté stable depuis avant la pandémie et a même légèrement diminué.
John Fucale, vice-président principal aux relations avec les courtiers chez Multi-Prêts hypothèque, estime que la mise en place du test de résistance pour avoir droit à un prêt hypothécaire a permis de préparer les Canadiens à la hausse des taux d’intérêt. La pression financière n’en est pas moins réelle, reconnaît-il. Surtout quand on détient d’autres dettes, comme un prêt étudiant ou une marge de crédit, dont les taux d’intérêt sont à des niveaux plus élevés que ceux d’un prêt hypothécaire.
Dans ce cas-ci, la consolidation de dettes — qui consiste à regrouper toutes vos dettes sous un seul et même emprunt — peut être une option pour réduire la facture totale de vos remboursements, suggère M. Fucale.
Autre possibilité : la prolongation de la période d’amortissement de votre prêt hypothécaire pour limiter la hausse de vos mensualités.
Mais comme chaque situation tient du cas par cas, Sylvain Poirier, de l’Association des courtiers hypothécaires, suggère de faire appel à un professionnel pour étudier votre situation.
« Les institutions financières ellesmêmes vont contacter leurs clients pour trouver des solutions. C’est pour ça que les défaillances ne sont pas énormes. Elles préfèrent s’entendre avec leurs clients plutôt que de reprendre une propriété, car il y a un coût énorme associé à ça. Il y a les frais d’avocats, les mensualités qui ne sont pas payées, l’entretien et le déneigement de la propriété qui ne sont pas faits… » résume M. Poirier.
Le taux variable a perdu beaucoup de plumes
Quand vient le temps de renouveler son prêt hypothécaire, deux questions s’imposent : choisir un taux variable ou un taux fixe ? Et à quel terme : 1 an, 3 ans, 5 ans ?
En plein coeur de la pandémie, quand le taux directeur de la Banque du Canada — qui influence les taux d’intérêt au pays — se situait à un plancher de 0,25 %, le taux variable a connu un gain de popularité. En 2022, plus de la moitié des prêts hypothécaires accordés étaient à taux variable, selon les données de la SCHL.
Avec la forte remontée des taux d’intérêt, l’engouement pour les prêts à taux variable a chuté et les prêts à taux fixe ont largement retrouvé la cote.
« Il faut toujours regarder le besoin, de court à moyen et à long termes, des clients », fait valoir M. Fucale. « Par exemple, un couple qui achète une propriété, mais qui attend peut-être un bébé, ça se peut qu’il ne puisse pas attendre cinq ans avant de changer de logement, donc il va peut-être prendre un terme plus court », illustre-t-il.
Par ailleurs, si la Banque du Canada doit commencer à baisser les taux cette année, le moment de cette baisse demeure incertain et l’amplitude de la baisse des taux reste elle aussi inconnue, note M. Poirier.
On s’attend à ce que la Banque du Canada commence à baisser les taux cette année, mais les gens vont quand même payer des mensualités plus élevées au renouvellement de leur prêt hypothécaire »
SEAMUS BENWELL