La tentation du racolage
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’idée, dit-on. Sans doute, mais il faut donner de bonnes raisons pour le faire quand on a défendu une idée bec et ongles pendant des années. Il y a trois ans, le Parti québécois (PQ) et son nouveau chef, Paul St-Pierre Plamondon, s’opposaient catégoriquement au troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis. Leur position ne pouvait pas être plus claire : « Un gouvernement du Parti québécois annulerait ce projet démesuré qui ne sert pas l’intérêt public et investirait les sommes prévues en santé, en éducation, en logements sociaux et en transport collectif. »
Mardi, pour une deuxième fois en moins de trois semaines, M. St-Pierre Plamondon a laissé entendre que la position du PQ pourrait éventuellement changer. « On va refaire un travail vigoureux avec d’autres consultations pour arriver avec la meilleure offre possible pour Québec lors de l’élection de 2026 », a-t-il dit.
La volte-face effectuée par le gouvernement Legault il y a un an a coûté très cher à son parti dans la région de Québec, qui semblait être une forteresse inexpugnable, mais où une avance de 20 points sur le PQ s’est soudainement transformée en un retard de 23 points.
Si la population ne semble toujours pas décolérer contre la Coalition avenir Québec (CAQ), cela ne signifie pas qu’elle lèverait le nez sur une nouvelle version du projet présenté par la Caisse de dépôt. Le chef péquiste juge manifestement plus prudent de voir de quoi il en retourne et ce que les électeurs en pensent. Tout va bien pour le PQ présentement, mais cette saga a démontré à quel point l’humeur de l’électorat peut être changeante.
L’affaire n’est pas sans risque. La résurrection du PQ est due largement au lien de confiance que M. St-Pierre Plamondon a su établir avec les Québécois, qui ont été séduits par ce qui leur est apparu comme une sincérité inhabituelle en politique. Il a tout intérêt à ne pas les décevoir en se lançant dans le même racolage qu’on a reproché à la CAQ.
L’argumentaire péquiste contre le troisième lien, qui était déjà convaincant il y a trois ans, le semble plus encore. Tous les problèmes que le PQ évoquait se sont aggravés depuis. Avec la crise du logement, celle de l’agriculture, l’insuffisance du Transfert canadien en matière de santé, le sous-financement du transport collectif, la détérioration accélérée des équipements scolaires, alors que le déficit explose, engloutir des milliards dans « un projet insensé qui ne répond à aucun besoin réel » paraît toujours aussi injustifiable.
À l’époque, le PQ faisait valoir que Québec se situait au sixième rang parmi les agglomérations les moins congestionnées au Canada. Sur les 11 plus grandes villes au pays, elle se classait deuxième pour le nombre de kilomètres d’autoroute par habitant. Qu’est-ce qui a changé ?
« Ce projet frôle le délire et donne une impression amère à l’ensemble des Québécois : celle que leurs vraies priorités peuvent attendre et qu’elles ne sont pas assez significatives pour les intérêts électoraux de la CAQ », disait alors le PQ. Les siens y trouveraient-ils maintenant leur compte ?
La vertu est moins méritante quand les occasions de pécher sont plus rares, comme c’est le cas quand le pouvoir n’est qu’une lointaine perspective. C’est quand il se rapproche que la tentation de transiger avec ses convictions tend à se renforcer.
Depuis qu’il est devenu chef du PQ, M. St-Pierre Plamondon n’a jamais donné à penser qu’il pourrait revenir sur son engagement de tenir un référendum sur la souveraineté dans un premier mandat, d’autant moins que cela n’a pas semblé ralentir la progression de son parti même si le Oui stagne toujours autour de 35 %.
Il y a néanmoins des indépendantistes parfaitement sincères qui craignent par-dessus tout de perdre un troisième référendum. Comme pour le troisième lien, ils trouveraient préférable de « refaire un travail vigoureux avec d’autres consultations pour arriver à la meilleure offre possible pour le Québec lors de l’élection de 2026 ».
Remarquez, il sera toujours temps d’attendre après l’élection pour annoncer le report du référendum à un deuxième mandat. Puisque le PQ semble être en mesure de prendre le pouvoir en promettant de le tenir durant le premier, pourquoi risquer de démobiliser ceux qui le souhaitent ou qui valorisent simplement la franchise ?
Cela ressemblerait beaucoup à ce que le gouvernement Legault a fait dans le cas du troisième lien, c’est-à-dire attendre d’être élu avant de renier un engagement qu’on prévoyait déjà ne pas tenir. Bien entendu, une telle duplicité paraît totalement impensable.
À l’époque, le PQ faisait valoir que Québec se situait au sixième rang parmi les agglomérations les moins congestionnées au Canada. Sur les 11 plus grandes villes au pays, elle se classait deuxième pour le nombre de kilomètres d’autoroute par habitant. Qu’est-ce qui a changé ?