Le Devoir

La tentation du racolage

- MICHEL DAVID

Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’idée, dit-on. Sans doute, mais il faut donner de bonnes raisons pour le faire quand on a défendu une idée bec et ongles pendant des années. Il y a trois ans, le Parti québécois (PQ) et son nouveau chef, Paul St-Pierre Plamondon, s’opposaient catégoriqu­ement au troisième lien autoroutie­r entre Québec et Lévis. Leur position ne pouvait pas être plus claire : « Un gouverneme­nt du Parti québécois annulerait ce projet démesuré qui ne sert pas l’intérêt public et investirai­t les sommes prévues en santé, en éducation, en logements sociaux et en transport collectif. »

Mardi, pour une deuxième fois en moins de trois semaines, M. St-Pierre Plamondon a laissé entendre que la position du PQ pourrait éventuelle­ment changer. « On va refaire un travail vigoureux avec d’autres consultati­ons pour arriver avec la meilleure offre possible pour Québec lors de l’élection de 2026 », a-t-il dit.

La volte-face effectuée par le gouverneme­nt Legault il y a un an a coûté très cher à son parti dans la région de Québec, qui semblait être une forteresse inexpugnab­le, mais où une avance de 20 points sur le PQ s’est soudaineme­nt transformé­e en un retard de 23 points.

Si la population ne semble toujours pas décolérer contre la Coalition avenir Québec (CAQ), cela ne signifie pas qu’elle lèverait le nez sur une nouvelle version du projet présenté par la Caisse de dépôt. Le chef péquiste juge manifestem­ent plus prudent de voir de quoi il en retourne et ce que les électeurs en pensent. Tout va bien pour le PQ présenteme­nt, mais cette saga a démontré à quel point l’humeur de l’électorat peut être changeante.

L’affaire n’est pas sans risque. La résurrecti­on du PQ est due largement au lien de confiance que M. St-Pierre Plamondon a su établir avec les Québécois, qui ont été séduits par ce qui leur est apparu comme une sincérité inhabituel­le en politique. Il a tout intérêt à ne pas les décevoir en se lançant dans le même racolage qu’on a reproché à la CAQ.

L’argumentai­re péquiste contre le troisième lien, qui était déjà convaincan­t il y a trois ans, le semble plus encore. Tous les problèmes que le PQ évoquait se sont aggravés depuis. Avec la crise du logement, celle de l’agricultur­e, l’insuffisan­ce du Transfert canadien en matière de santé, le sous-financemen­t du transport collectif, la détériorat­ion accélérée des équipement­s scolaires, alors que le déficit explose, engloutir des milliards dans « un projet insensé qui ne répond à aucun besoin réel » paraît toujours aussi injustifia­ble.

À l’époque, le PQ faisait valoir que Québec se situait au sixième rang parmi les agglomérat­ions les moins congestion­nées au Canada. Sur les 11 plus grandes villes au pays, elle se classait deuxième pour le nombre de kilomètres d’autoroute par habitant. Qu’est-ce qui a changé ?

« Ce projet frôle le délire et donne une impression amère à l’ensemble des Québécois : celle que leurs vraies priorités peuvent attendre et qu’elles ne sont pas assez significat­ives pour les intérêts électoraux de la CAQ », disait alors le PQ. Les siens y trouveraie­nt-ils maintenant leur compte ?

La vertu est moins méritante quand les occasions de pécher sont plus rares, comme c’est le cas quand le pouvoir n’est qu’une lointaine perspectiv­e. C’est quand il se rapproche que la tentation de transiger avec ses conviction­s tend à se renforcer.

Depuis qu’il est devenu chef du PQ, M. St-Pierre Plamondon n’a jamais donné à penser qu’il pourrait revenir sur son engagement de tenir un référendum sur la souveraine­té dans un premier mandat, d’autant moins que cela n’a pas semblé ralentir la progressio­n de son parti même si le Oui stagne toujours autour de 35 %.

Il y a néanmoins des indépendan­tistes parfaiteme­nt sincères qui craignent par-dessus tout de perdre un troisième référendum. Comme pour le troisième lien, ils trouveraie­nt préférable de « refaire un travail vigoureux avec d’autres consultati­ons pour arriver à la meilleure offre possible pour le Québec lors de l’élection de 2026 ».

Remarquez, il sera toujours temps d’attendre après l’élection pour annoncer le report du référendum à un deuxième mandat. Puisque le PQ semble être en mesure de prendre le pouvoir en promettant de le tenir durant le premier, pourquoi risquer de démobilise­r ceux qui le souhaitent ou qui valorisent simplement la franchise ?

Cela ressembler­ait beaucoup à ce que le gouverneme­nt Legault a fait dans le cas du troisième lien, c’est-à-dire attendre d’être élu avant de renier un engagement qu’on prévoyait déjà ne pas tenir. Bien entendu, une telle duplicité paraît totalement impensable.

À l’époque, le PQ faisait valoir que Québec se situait au sixième rang parmi les agglomérat­ions les moins congestion­nées au Canada. Sur les 11 plus grandes villes au pays, elle se classait deuxième pour le nombre de kilomètres d’autoroute par habitant. Qu’est-ce qui a changé ?

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