Du poids de l’humour dans l’offre culturelle
Les animatrices du gala Les Olivier ont claironné que les humoristes avaient vendu un million et demi de billets au cours de l’année. Elles ont eu raison de se réjouir : la demande est forte et l’offre abondante.
Selon État des lieux de la culture en Montérégie, une étude réalisée par la société Daigle/Saire, l’humour, le cirque et la magie occupent 46 % des représentations dans la région ; dans l’ensemble du Québec, ils comptaient pour pas moins de 25 % du total des représentations entre 2008 et 2018. À un coût moyen de 45 $ le billet, cela donne plus ou moins 67 500 000 $ par année.
En général, un spectacle d’humour présente un ou une humoriste, quelquefois précédé d’une première partie, avec un micro, sans décors, sans costumes, avec le strict minimum de maquillage, d’effets de lumière et de son.
À l’opposé, les spectacles de théâtre, de danse, de chansonniers, de musiciens et autres exigent la plupart du temps de nombreux artisans, des décors, des costumes, de l’éclairage, des maquillages et des effets sonores. De nombreuses personnes y travaillent.
Les humoristes ont essaimé dans l’ensemble des moyens d’expression. Ils occupent fortement les secteurs les plus payants de la publicité, ils sont très présents dans les émissions quotidiennes de radio, les émissions hebdomadaires de télévision et les productions de séries Web et de balados. Plusieurs sont aussi devenus actrices ou acteurs, tant à la télévision qu’au cinéma.
Le lauréat du prix Spectacle d’humour de l’année, Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques, a déclaré qu’il était « vraiment fier d’appartenir à un peuple qui a accordé autant d’importance à l’humour au point de le transformer en un art ».
Équilibre
J’aime les humoristes, qui sont souvent des femmes et des hommes intelligents, drôles, pertinents et percutants. Certains ont créé des séries iconiques qui ont marqué le Québec tout entier, et plusieurs sont engagés dans des oeuvres caritatives importantes ou en ont créé. D’autres éclairent depuis des décennies notre vision de qui nous sommes et de qui nous pourrions être, et plusieurs auront été de véritables éveilleurs de conscience.
Je me pose cependant la question suivante : l’humour occupe-til une position équilibrée dans l’offre culturelle au Québec ? Poser la question, c’est y répondre. Pour arriver à un tel équilibre, il nous faudrait sérieusement, d’abord, convenir que les autres formes d’arts de la scène manquent de moyens pour arriver à occuper une juste place dans le créneau des activités et programmes culturels offerts au grand public, partout au Québec. Les producteurs de spectacles n’ont pas à réfléchir longtemps quand vient le moment de calculer le défi et le risque financiers : manifestement, la production d’un spectacle d’humour, moins onéreuse, réduit considérablement ce défi et ce risque.
De toute évidence, fermer la porte à l’humour n’est pas une solution. Mais l’ouvrir beaucoup plus grand aux formes de spectacles culturels qui demandent des moyens de production plus importants me semble une voie essentielle à explorer. Nous devons nous y consacrer et déterminer les moyens d’y arriver. Autrement, nous consentons en toute connaissance de cause à une réduction de la diversité de notre offre culturelle.
De toute évidence, fermer la porte à l’humour n’est pas une solution. Mais l’ouvrir beaucoup plus grand aux formes de spectacles culturels qui demandent des moyens de production plus importants me semble une voie essentielle à explorer.