Quelle est l’empreinte carbone des technologies numériques?
Dans cette rubrique tirée du Courrier de la planète, nos journalistes répondent à des questions de nos lecteurs.
Lorsque vient le temps de mesurer nos émissions de gaz à effet de serre, on pense souvent à des industries bien concrètes, comme les transports, l’extraction pétrolière ou encore l’agriculture. Mais qu’en est-il des secteurs dont la production est intangible, comme les technologies numériques ?
Selon l’Agence de la transition écologique, organisme gouvernemental français, l’univers numérique (le téléchargement, le stockage et le partage des données sur Internet) produit à lui seul 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Un poids qui est appelé à grandir encore davantage étant donné la part de plus en plus importante que prennent les activités connectées dans nos vies.
On estime que l’envoi d’un seul courriel génère entre 4 et 50 grammes de CO2. Lorsqu’on considère que 4 milliards d’humains ont des boîtes courriel et qu’ils s’échangent environ 300 milliards de courriels chaque jour, l’impact environnemental de tous ces messages donne le tournis.
Mais attention, tous les courriels ne sont pas égaux. Les variables qui influent sur leur empreinte carbone sont nombreuses.
Contiennent-ils des pièces jointes ? Plus elles sont volumineuses, plus elles demandent de l’énergie pour passer d’une boîte à l’autre.
Sont-ils envoyés d’un ordinateur ou d’un téléphone intelligent ? Les réseaux filaires et wifi demandent moins d’énergie que les données mobiles, et la technologie 5G moins que la 4G.
Et surtout, quelle est la source d’approvisionnement de votre réseau électrique ? Hydroélectricité ou centrale thermique ?
« Si tous les éléments nécessaires pour envoyer un courriel ou écouter un stream se trouvent au Québec, qui utilise l’hydroélectricité, l’impact est moins important que si cela se produisait en Alberta ou aux États-Unis, où on utilise des centrales thermiques », illustre Daria Marchenko, fondatrice d’Ecoist Club, organisme qui conseille les entreprises en matière de sobriété numérique.
Toutefois, rien ne garantit qu’un courriel envoyé du Québec ne transite pas par d’autres serveurs plus polluants ailleurs dans le monde, explique Daria Marchenko.
« Les entreprises qui gèrent nos données appliquent le principe de redondance, c’est-à-dire que nos données sont copiées dans plusieurs centres de données différents pour assurer une continuité en cas de rupture de service à certains endroits. »
D’autres variables
Les courriels sont loin d’être la seule utilisation d’Internet qui demande de grandes quantités d’énergie. Le visionnement en continu (streaming) de vidéos sur des plateformes comme YouTube ou Netflix est très énergivore et compte jusqu’à 60 % du trafic sur le Web selon certaines estimations.
La place du courriel dans le portrait environnemental des technologies numériques est donc à remettre en perspective.
Plutôt que de se lancer dans une course à l’élimination des courriels, Daria Marchenko nous encourage donc à prendre en compte l’ensemble du cycle de vie des appareils électroniques, de l’extraction des ressources nécessaires à leur conception jusqu’à leur fin de vie, en passant par l’énergie qu’ils utilisent pour leur fonctionnement.
La lutte contre l’obsolescence programmée, en prolongeant la durée de vie des appareils, peut avoir un grand impact sur le bilan environnemental du secteur numérique. Tout comme les comportements des consommateurs à l’égard d’une industrie qui lui propose sans cesse de nouveaux modèles et des quantités de données de plus en plus grandes.
« On est pris dans un monde un peu schizophrénique : d’un côté, on tente de limiter notre consommation, et de l’autre, on est sans cesse poussés à acheter de nouveaux appareils et à remplacer des téléphones qui fonctionnent encore. On doit être plus que des consommateurs, soit des “consommeacteurs”, capables de refuser de nouvelles offres », croit Daria Marchenko.