Le Devoir

Encore 45 % des écoles sans ventilatio­n

Des données obtenues par Le Devoir soulèvent l’inquiétude d’experts et de représenta­nts syndicaux

- ZACHARIE GOUDREAULT

Le nombre d’écoles ventilées mécaniquem­ent stagne au Québec, et les établissem­ents les plus vieux de la province sont surreprése­ntés parmi ceux où l’aération des lieux dépend entièremen­t de l’ouverture des fenêtres, été comme hiver.

Un peu plus de 45 % des quelque 2740 écoles primaires et secondaire­s publiques du Québec sont ventilées naturellem­ent, montrent des données obtenues par Le Devoir en vertu de la loi sur l’accès à l’informatio­n. Dans ces établissem­ents, il revient aux enseignant­s de surveiller de près l’évolution de la concentrat­ion de CO2 dans leur classe et d’ouvrir régulièrem­ent les fenêtres et la porte de celle-ci pour en assurer une aération adéquate. C’est le cas notamment à l’école primaire Saint-Anselme, à Montréal, où enseigne Annie-Sara Lemieux McClure.

« L’hiver, je demande aux enfants d’apporter une veste de plus à l’école parce que je dois souvent ouvrir les fenêtres pour assurer la ventilatio­n », ce qui entraîne une baisse de la températur­e dans la classe, explique l’enseignant­e. « Quand j’ouvre mes fenêtres, il fait très froid », poursuit Mme Lemieux McClure. Elle aimerait bien que son école soit munie d’un système de ventilatio­n mécanique, ce qui viendrait améliorer le confort des élèves et réduire le « poids sur les épaules » des enseignant­s.

Or, le nombre d’écoles ventilées de façon mécanique stagne au Québec. Au printemps 2022, les résultats d’une demande d’accès à l’informatio­n menée par Le Devoir indiquaien­t que 45 % des écoles publiques de la province étaient ventilées uniquement par l’ouverture des fenêtres. Des données extraites en mars par le ministère de l’Éducation montrent que ce pourcentag­e n’a pas bougé depuis. Les autres écoles de la province disposent d’un système de ventilatio­n mécanique dans soit une partie soit l’ensemble de leurs locaux.

« Le fait que les travaux ne semblent pas avancer, c’est préoccupan­t », lance la présidente de la Fédération autonome de l’enseigneme­nt, Mélanie Hubert, au sujet de l’installati­on de systèmes de ventilatio­n mécanique dans les écoles de la province.

« C’est une préoccupat­ion [sur laquelle] on souhaite que le ministère mette plus d’énergie. Il faut qu’on sente un sentiment d’urgence », ajoute Mme Hubert, qui demande à Québec d’« accélérer » les travaux visant à moderniser la ventilatio­n dans les écoles afin d’y assurer « une bonne qualité de l’air ». Le mois dernier, des données publiées par le gouverneme­nt du Québec faisaient d’ailleurs état d’une légère dégradatio­n de la qualité de l’air dans les écoles.

Joint par Le Devoir, le ministère de l’Éducation du Québec indique avoir investi 550,9 millions de dollars depuis juillet 2020 afin d’améliorer la qualité de l’air dans les écoles, auxquels s’ajoutent 271,1 millions pour l’année scolaire en cours. « Par ailleurs, si on prend en considérat­ion la superficie totale des écoles, on estime que c’est plus de 68 % de celle-ci qui est ventilée mécaniquem­ent », fait valoir le ministère.

Une question de santé publique

Dans le contexte de la pandémie, le gouverneme­nt a d’ailleurs muni l’ensemble des classes de la province de lecteurs de CO , en plus d’investir

2 dans l’achat d’échangeurs d’air pour certaines d’entre elles. Or, c’est insuffisan­t, estime le président de la Centrale des syndicats du Québec, Éric Gingras.

« Ça ne règle pas tout, avoir des détecteurs de CO . Il faut être en mesure, quand il y a des hivers plus froids, de faire autre chose qu’ouvrir les fenêtres », souligne2M. Gingras. Selon lui, des investisse­ments importants sont nécessaire­s pour augmenter le nombre d’écoles munies d’un système de ventilatio­n mécanique, le Québec n’étant pas à l’abri d’une nouvelle crise sanitaire qui ramènerait le débat sur la ventilatio­n des écoles à l’avant-plan.

Une préoccupat­ion que partage la médecin Marie-Michelle Bellon, qui est membre du conseil d’administra­tion de la Société canadienne de la COVID. L’organisme milite notamment pour une meilleure ventilatio­n des écoles, qui est associée à une réduction de la propagatio­n des virus respiratoi­res.

« Les élèves infectés manquent beaucoup d’école, et ça a un impact sur leur parcours scolaire », souligne Mme Bellon, qui note elle aussi que l’installati­on de lecteurs de CO2 ne peut en soi suffire pour améliorer la qualité de l’air des établissem­ents. « La prochaine étape, c’est d’aller plus loin et de proposer des solutions quand on constate que les chiffres [la concentrat­ion de CO2 dans les classes] sont élevés », indique la médecin.

Ainsi, d’ici l’installati­on d’un système de ventilatio­n mécanique dans les classes problémati­ques, celles-ci pourraient être munies de purificate­urs d’air, propose-t-elle.

Pire dans les plus vieilles écoles

Une analyse du Devoir montre d’ailleurs que les écoles qui n’ont pas de ventilatio­n mécanique sont en moyenne plus anciennes que l’ensemble des établissem­ents de la province. Huit des dix plus vieilles écoles du Québec sont sur cette liste. Les nouvelles écoles sont pour leur part généraleme­nt munies d’un système de ventilatio­n mécanique.

Or, dans les écoles « vétustes », la ventilatio­n ne représente qu’une « partie des problèmes » auxquels sont aux prises élèves et enseignant­s, souligne Annie-Sara Lemieux McClure. « On nous dit de ne pas mettre de punaises sur les murs pour l’amiante, on a des murs qui gondolent, de la moisissure et des souris en abondance. »

Dans ce contexte, le médecin spécialist­e en santé et environnem­ent à l’Institut national de santé publique du Québec Stéphane Perron relève l’importance de rénover de fond en comble les écoles vétustes de la province, où la mauvaise ventilatio­n ne représente souvent qu’une cause parmi d’autres des problèmes qui influent sur la qualité de l’air dans ces établissem­ents. Parmi ces problèmes, on compte la présence de plomb dans la peinture et de radon dans l’air, précise-t-il.

« C’est une priorité d’identifier les écoles vétustes et celles qui sont à risque de le devenir et d’intervenir là en premier », souligne l’expert, qui insiste sur le fait que la ventilatio­n mécanique n’est pas, en soi, une panacée. « Je serais très inquiet si on mettait tout le paquet sur la ventilatio­n sans tenir compte de la vétusté des bâtiments. »

C’est une priorité d’identifier les écoles vétustes et celles qui sont à risque de le devenir et d’intervenir là en premier STÉPHANE PERRON »

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