Retour au quotidien politique pour le PQ après la main tendue à Attal
La formation souverainiste tient son conseil national en fin de semaine à Drummondville sur le thème de l’habitation
Après avoir tendu la main au premier ministre français, Gabriel Attal, jeudi, dans l’éventualité d’un processus d’accession du Québec à l’indépendance, le chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, se remet à l’ouvrage en fin de semaine pour dessiner les contours de son projet de pays. Réuni en conseil national avec quelque 500 militants à Drummondville, le Parti québécois étudiera une série de propositions portant principalement sur le logement.
Gabriel Attal avait le sourire aux lèvres, jeudi soir, alors que, derrière son pupitre du Salon bleu, Paul St-Pierre Plamondon terminait son discours à l’occasion de la 21e rencontre alternée des chefs de gouvernement québécois et français.
« Sachant, en définitive, que tout dépend de la volonté du peuple, puisje évoquer la possibilité que, dans un avenir pas si lointain, vous soyez celui qui, d’abord, jugera légitime de déclarer que la France accompagnera le Québec dans ses choix et qui, ensuite, qui sait, lorsque les Québécois se seront dit oui, pourra déclarer enfin : vive le Québec libre ! » venait de lui lancer l’élu péquiste, dans un clin d’oeil aux propos prononcés 57 ans auparavant par le général de Gaulle à Montréal.
Le premier ministre français n’en est pas encore là. En conférence de presse vendredi, au lendemain d’un discours lors duquel il avait vanté les « liens étroits » de la Ve République et de l’État québécois sur le partage de « valeurs » comme la laïcité et la protection de la langue française, il a refusé d’effectuer une quelconque ingérence dans les affaires touchant le Québec, débat sur l’indépendance y compris.
« On doit évidemment respecter le Québec dans sa capacité à mener des débats politiques et des débats démocratiques internes », a soutenu M. Attal lors d’une conférence de presse tenue à deux pas du parlement. « Je ne veux pas, ici, par une déclaration, donner l’impression que je prends parti dans un débat qui a lieu ici ,dans la vie politique québécoise. »
Dans son allocution au Salon bleu, Paul St-Pierre Plamondon avait tout de même cru bon de rappeler que « deux présidents [français], Giscard d’Estaing et Chirac, à l’aube de nos référendums, [avaient] usé d’une formule à la fois habile et fraternelle : la France, ont-ils dit, accompagnera le Québec dans ses choix ».
« Vous avez encore un peu de temps, monsieur le premier ministre, avant de considérer à nouveau de franchir ce pas, mais cette pragmatique fraternité est un élément essentiel dans notre rapport de force ici et dans le reste du monde », a lancé le chef péquiste, fixant du regard le jeune représentant du gouvernement Macron.
« Troisième cycle »
Au sein de l’état-major du PQ, on voit la journée de jeudi, durant laquelle « PSPP » et le premier ministre français ont aussi eu l’occasion d’échanger en privé, comme une victoire. « Comme parti qui porte l’indépendance, on voulait lui faire comprendre qu’il y avait potentiellement un changement de cycle, donc un troisième cycle qui allait s’ouvrir dans les prochaines années », a confié au Devoir une source proche du chef péquiste.
C’est aussi ce que tentera de faire réaliser M. St-Pierre Plamondon aux militants péquistes dans un discours prévu dimanche, nous a confié cette source. « Il y a la possibilité qu’on ait, dans un avenir pas si lointain, un troisième référendum, alors que c’était impossible avant. »
Le PQ a beau caracoler dans les sondages, il lui reste encore deux ans et demi avant le prochain scrutin.
D’ici là, son chef a disséminé devant lui une série d’annonces qu’il souhaite brandir en 2026 pour convaincre les électeurs de le suivre dans son plan d’accès à la souveraineté : après le budget de l’an un déposé l’automne dernier viendra plus tard cette année son plan en immigration — s’y retrouveront entre autres des seuils d’acceptation révisés. Puis, en 2025, le « livre bleu », à l’intérieur duquel les militants péquistes doivent inscrire les principaux détails de leur projet de pays, la monnaie et la défense, notamment.
En fin de semaine, ils s’attarderont au dossier du logement. Les membres présents auront l’occasion de se prononcer sur une cinquantaine de propositions afin de juguler la crise en cours. « Nous nous engageons à mettre en oeuvre des politiques audacieuses pour répondre à cette crise », écrit la présidente de la commission politique du PQ, Camille Pellerin-Forget, dans un document fourni aux militants.
Le PQ pourrait donc choisir ce weekend d’inscrire dans sa plateforme pour 2026 l’engagement d’« interdire les locations de type Airbnb dans les villes où le taux d’inoccupation est inférieur à 3 %, à l’exclusion des zones de villégiature », d’« établir un registre des loyers public, universel et obligatoire » ou encore de « financer la construction sur 5 ans d’un minimum de 45 000 logements hors marché, dont 10 000 pour les étudiants ».
Moins de deux mois après l’adoption de la loi 31 en habitation de la ministre France-Élaine Duranceau, le PQ évalue plusieurs idées visant à annuler ses effets.
Le cahier de propositions de la fin de semaine contient par exemple une mesure visant à éliminer les dispositions de la loi restreignant l’usage de la cession de bail, tout en « renfor[çant] les recours légaux des propriétaires contre les cessions réalisées à des fins lucratives ». Une autre proposition vise l’abolition de la « clause F », cette clause qui, lorsque cochée, oblige le locataire à accepter une augmentation de loyer.
Au sein de l’état-major du Parti québécois, on voit la journée de jeudi, durant laquelle Paul St-Pierre Plamondon et le premier ministre français ont aussi eu l’occasion d’échanger en privé, comme une victoire
« Loi Françoise David »
Deux semaines après avoir déploré l’utilisation du terme « loi Françoise David » pour qualifier une proposition de Québec solidaire pour protéger les aînés vulnérables, Paul St-Pierre Plamondon votera également sur une proposition visant à « étendre la protection contre les évictions aux aînés de 65 ans et plus dont les revenus sont inférieurs au plafond de revenu déterminant les besoins impérieux ».
Québec solidaire a d’abord eu cette idée, en déposant un projet de loi, en février 2023, qui prévoyait aussi rabaisser l’âge d’admission à 65 ans. Cette semaine, le gouvernement de la Coalition avenir Québec s’est dit « ouvert » à étudier le texte législatif.
Interrogé mardi sur ses intentions quant au projet de loi de QS, qu’il avait accusé de se complaire dans des « moments médiatiques », « PSPP » a maintenu qu’il l’appuierait. « Je me suis engagé à ce que, s’il y avait une lueur d’espoir de protéger les aînés au niveau des évictions, je [donne] tout ce que j’ai. Je vais le faire cette semaine. »
Le Conseil national du PQ s’amorce samedi matin et prendra fin dimanche en début d’après-midi.