La vitalité québécoise célébrée à Paris
Le regard des éditeurs d’ici est perçu comme décomplexé et rafraîchissant en France, où les traditions pèsent lourd
Le Festival du livre de Paris, qui met le Québec à l’honneur cette année, représente une vitrine exceptionnelle pour les écrivains d’ici, mais également pour les éditeurs, qui sont de plus en plus nombreux à s’exporter dans l’Hexagone. Leur regard sur la littérature est perçu comme décomplexé et rafraîchissant en France, où les traditions pèsent lourd.
« J’ai l’impression qu’une nouvelle génération de maisons québécoises ressent moins le poids de l’histoire et des normes, qui peuvent être plus contraignantes » en Europe , a lancé Camille Paulian, cofondatrice de Trames, une agence de communication française qui représente des éditeurs du Québec. Elle s’exprimait samedi matin lors d’un panel célébrant la « vitalité » du milieu du livre québécois.
À ses côtés, Anne-Isabelle Tremblay, responsable de la bibliothèque universitaire parisienne Gaston-Miron, consacrée à la littérature québécoise, et Geneviève Pigeon, présidente de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), abondaient dans le même sens. Elles soulignaient les succès outre-Atlantique de maisons comme La Peuplade, Mémoire d’encrier, Le Quartanier et Héliotrope, toutes fondées au début des années 2000.
Territoire et américanité
« La forme est peut-être moins figée au Québec, où l’on observe un décloisonnement des genres chez presque tous les éditeurs, a noté Mme Tremblay. Des romans policiers flirtent avec le fantastique, par exemple, sans que des collections soient associées à un genre en particulier. C’est pareil pour la poésie ou les textes en prose : tout se mélange très bien. »
La bibliothécaire ajoute en entrevue que les maisons évoquées précédemment « défendent une littérature libre et contemporaine dans le rapport au langage, avec des thématiques éminemment québécoises qui sont aujourd’hui appréciées par les Français, comme le territoire et l’américanité ».
En outre, tandis que le milieu littéraire hexagonal « traverse une période difficile » marquée par une baisse des ventes, comme l’a souligné jeudi la ministre de la Culture française, au Québec, les livres québécois se vendent toujours plus chaque année. « Nos éditeurs sont portés par cette vague positive qui les encourage à se tourner vers d’autres marchés », ajoute AnneIsabelle Tremblay.
« Effet domino »
Le succès actuel des maisons québécoises en France est également attribuable aux efforts de l’ANEL et de son comité Québec édition. À l’aide de financement public, notamment de la SODEC, ce comité accompagne les éditeurs dans leurs projets d’exportation ainsi qu’à plusieurs foires de livres à travers le monde chaque année.
Karine Vachon, directrice de l’ANEL, qui travaille avec Québec édition depuis près de 15 ans, obser ve « une augmentation graduelle et soutenue » des démarches d’exportation en Europe d’éditeurs québécois. Les prix remportés récemment par des auteurs d’ici dans l’Hexagone et la place grandissante qu’occupe la culture québécoise dans son écosystème médiatique y sont pour quelque chose, mais elle soutient qu’il « y a eu un effet domino » depuis les années 1990.
« À l’époque, des sujets plus pointus, comme la croissance personnelle, marchaient bien à l’international, avec les Éditions de l’Homme. Au fur et à mesure que nos éditeurs se sont aperçus que c’était possible de s’exporter de cette manière, tant sur le plan financier que sur le plan logistique, ils se sont mis à signer des ententes de distribution. Aujourd’hui, on en voit dans l’ensemble de notre littérature. »
Héliotrope figure parmi les derniers à s’être lancés, à l’automne 2023. France Cyrenne, responsable commerciale pour l’Europe chez Héliotrope, croisée au festival, explique qu’après 18 ans, la maison avait « suffisamment de maturité » pour percer ce nouveau marché. « Les Français connaissent bien les auteurs qu’on a fait publier ici en cession de droits, comme Kevin Lambert. Ils nous aident ensuite à proposer le reste de notre catalogue aux libraires. »
D’ailleurs, si Kevin Lambert a remporté le prix Médecis l’an dernier, il y a fort à parier que c’est grâce au Nouvel Attila, son éditeur français, qui était bien outillé pour le faire connaître auprès des comités de sélection. C’est ce qui fait dire à Karine Vachon que la « prochaine étape à franchir est d’avoir des éditeurs québécois en lice pour les prix majeurs ». « Ce n’est pas encore gagné, mais je suis sûre qu’on va y arriver. »
Les Français connaissent bien les auteurs qu’on a fait publier ici en cession de droits, comme Kevin Lambert. Ils nous aident ensuite à proposer le reste de notre catalogue aux libraires.
FRANCE CYRENNE »