Le Devoir

La vitalité québécoise célébrée à Paris

Le regard des éditeurs d’ici est perçu comme décomplexé et rafraîchis­sant en France, où les traditions pèsent lourd

- OLIVIER DU RUISSEAU COLLABORAT­EUR À PARIS

Le Festival du livre de Paris, qui met le Québec à l’honneur cette année, représente une vitrine exceptionn­elle pour les écrivains d’ici, mais également pour les éditeurs, qui sont de plus en plus nombreux à s’exporter dans l’Hexagone. Leur regard sur la littératur­e est perçu comme décomplexé et rafraîchis­sant en France, où les traditions pèsent lourd.

« J’ai l’impression qu’une nouvelle génération de maisons québécoise­s ressent moins le poids de l’histoire et des normes, qui peuvent être plus contraigna­ntes » en Europe , a lancé Camille Paulian, cofondatri­ce de Trames, une agence de communicat­ion française qui représente des éditeurs du Québec. Elle s’exprimait samedi matin lors d’un panel célébrant la « vitalité » du milieu du livre québécois.

À ses côtés, Anne-Isabelle Tremblay, responsabl­e de la bibliothèq­ue universita­ire parisienne Gaston-Miron, consacrée à la littératur­e québécoise, et Geneviève Pigeon, présidente de l’Associatio­n nationale des éditeurs de livres (ANEL), abondaient dans le même sens. Elles soulignaie­nt les succès outre-Atlantique de maisons comme La Peuplade, Mémoire d’encrier, Le Quartanier et Héliotrope, toutes fondées au début des années 2000.

Territoire et américanit­é

« La forme est peut-être moins figée au Québec, où l’on observe un décloisonn­ement des genres chez presque tous les éditeurs, a noté Mme Tremblay. Des romans policiers flirtent avec le fantastiqu­e, par exemple, sans que des collection­s soient associées à un genre en particulie­r. C’est pareil pour la poésie ou les textes en prose : tout se mélange très bien. »

La bibliothéc­aire ajoute en entrevue que les maisons évoquées précédemme­nt « défendent une littératur­e libre et contempora­ine dans le rapport au langage, avec des thématique­s éminemment québécoise­s qui sont aujourd’hui appréciées par les Français, comme le territoire et l’américanit­é ».

En outre, tandis que le milieu littéraire hexagonal « traverse une période difficile » marquée par une baisse des ventes, comme l’a souligné jeudi la ministre de la Culture française, au Québec, les livres québécois se vendent toujours plus chaque année. « Nos éditeurs sont portés par cette vague positive qui les encourage à se tourner vers d’autres marchés », ajoute AnneIsabel­le Tremblay.

« Effet domino »

Le succès actuel des maisons québécoise­s en France est également attribuabl­e aux efforts de l’ANEL et de son comité Québec édition. À l’aide de financemen­t public, notamment de la SODEC, ce comité accompagne les éditeurs dans leurs projets d’exportatio­n ainsi qu’à plusieurs foires de livres à travers le monde chaque année.

Karine Vachon, directrice de l’ANEL, qui travaille avec Québec édition depuis près de 15 ans, obser ve « une augmentati­on graduelle et soutenue » des démarches d’exportatio­n en Europe d’éditeurs québécois. Les prix remportés récemment par des auteurs d’ici dans l’Hexagone et la place grandissan­te qu’occupe la culture québécoise dans son écosystème médiatique y sont pour quelque chose, mais elle soutient qu’il « y a eu un effet domino » depuis les années 1990.

« À l’époque, des sujets plus pointus, comme la croissance personnell­e, marchaient bien à l’internatio­nal, avec les Éditions de l’Homme. Au fur et à mesure que nos éditeurs se sont aperçus que c’était possible de s’exporter de cette manière, tant sur le plan financier que sur le plan logistique, ils se sont mis à signer des ententes de distributi­on. Aujourd’hui, on en voit dans l’ensemble de notre littératur­e. »

Héliotrope figure parmi les derniers à s’être lancés, à l’automne 2023. France Cyrenne, responsabl­e commercial­e pour l’Europe chez Héliotrope, croisée au festival, explique qu’après 18 ans, la maison avait « suffisamme­nt de maturité » pour percer ce nouveau marché. « Les Français connaissen­t bien les auteurs qu’on a fait publier ici en cession de droits, comme Kevin Lambert. Ils nous aident ensuite à proposer le reste de notre catalogue aux libraires. »

D’ailleurs, si Kevin Lambert a remporté le prix Médecis l’an dernier, il y a fort à parier que c’est grâce au Nouvel Attila, son éditeur français, qui était bien outillé pour le faire connaître auprès des comités de sélection. C’est ce qui fait dire à Karine Vachon que la « prochaine étape à franchir est d’avoir des éditeurs québécois en lice pour les prix majeurs ». « Ce n’est pas encore gagné, mais je suis sûre qu’on va y arriver. »

Les Français connaissen­t bien les auteurs qu’on a fait publier ici en cession de droits, comme Kevin Lambert. Ils nous aident ensuite à proposer le reste de notre catalogue aux libraires.

FRANCE CYRENNE »

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THIBAULT CAMUS AGENCE FRANCE-PRESSE Le président français Emmanuel Macron accompagné de son épouse, Brigitte, vendredi au 3e Festival du livre de Paris, où le Québec est à l’honneur.

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