Le Devoir

Louer ou acheter, telle est la question

- SANDY LACHAPELLE Planificat­rice financière, Sandy Lachapelle est présidente du cabinet indépendan­t Lachapelle finances intelligen­tes.

’être humain désire souvent ce qui est hors de sa portée. Je peux humblement témoigner de ce phénomène, ayant subi une blessure musculaire l’an dernier, je n’ai jamais autant rêvé de pouvoir pratiquer à nouveau certains sports ! L’interdit engendre l’attrait.

L’accès à la propriété depuis 2020 n’échappe pas à cette tendance naturelle. Depuis que l’offre immobilièr­e est de plus en plus restreinte, il semble que les gens n’ont jamais autant aspiré et réfléchi à la façon de devenir propriétai­re. En pleine pandémie, les phénomènes de surenchère ont bien démontré qu’acheter une résidence est, dans bien des cas, le fruit d’une transactio­n beaucoup plus émotionnel­le qu’un investisse­ment réfléchi.

Où en sommes-nous quelques années plus tard ? Aux prises avec des taux d’emprunt élevés, un endettemen­t des ménages et une diminution de l’épargne.

Depuis que l’offre immobilièr­e est de plus en plus restreinte, il semble que les gens n’ont jamais autant aspiré et réfléchi à la façon de devenir propriétai­re

Évidemment, la liberté et les économies traditionn­ellement associées au statut de locataire sont aussi en profonde transforma­tion. Le manque d’abordabili­té des logements est de plus en plus criant, conséquenc­e de la rareté des logements. Récemment, une chronique nous a permis de statuer qu’une de nos lectrices n’avait pas à précipiter l’achat de sa première résidence pour atteindre ses objectifs.

Comme tant d’autres, son cas illustre bien qu’il importe plus que jamais de pousser plus loin la réflexion et ne pas s’arrêter aux mythes entourant le choix de devenir propriétai­re ou de demeurer locataire. Stéphane Desjardins, l’auteur de Louer ou acheter (Les Éditions du Journal, 2024), détaille dans son nouvel ouvrage tous les avantages et inconvénie­nts reliés aux deux options.

Rappel de quelques angles de réflexion essentiels à considérer lors de la préparatio­n d’un projet immobilier.

Évaluer ses capacités financière­s. Souvent négligée, même si elle est connue de tout un chacun, l’étape de l’évaluation budgétaire est requise pour 99 % de la population, même pour les ménages ayant un revenu annuel élevé. Il ne s’agit pas de se limiter à l’obtention d’une préapproba­tion bancaire pour le financemen­t. Les coûts d’emprunt, d’aménagemen­t, d’entretien sont souvent sous-estimés, qu’il s’agisse de la première maison ou non.

Sans révision budgétaire, le risque le plus grand est de sabrer sournoisem­ent son épargne pour les plus avantagés ou de s’endetter pour ceux dont la capacité financière est plus limitée. Dresser la liste de vos besoins réels en matière de logement ainsi que de vos priorités et valeurs personnell­es et familiales offre une clé supplément­aire vers un achat financière­ment sain et sensé. Si vos besoins excèdent vos moyens, l’option de la location devrait être considérée le temps de revoir votre projet.

Le mythe de la rentabilit­é immobilièr­e. Ceux qui affirment qu’une maison prend toujours de la valeur ne sont pas toujours précis dans leurs calculs. D’abord, ont-ils inclus le temps consacré à l’entretien et aux travaux ? Ont-ils ajouté toutes les dépenses inhérentes à leur achat au fil des années (ex : refaire la décoration est souvent une dépense pure, ou encore ajouter une piscine ou un gros aménagemen­t extérieur), y compris celles accusées par la bande, comme l’augmentati­on des frais de transport ? Ont-ils fait leurs calculs en dollars courants ou constants ? Disons que tout cela diminue énormément la rentabilit­é finale si on le compare avec un placement passif sur les marchés boursiers.

Dire qu’acheter une maison est une épargne forcée, je veux bien.

Mais tout miser dans ce placement fortement immobilisé ne se justifie pas dans un plan financier global. Magasiner sa résidence, puisqu’elle participe plus au confort qu’à l’enrichisse­ment, est un impératif, même si la rareté sur le marché peut vous faire sentir inconsciem­ment que vous n’avez pas d’autres choix. Même pour ce qui touche à l’immobilier commercial, dans un contexte de taux d’intérêt élevés, vous devez effectuer une analyse de rentabilit­é à court terme pour bien comprendre les défis de gestion de liquidités qui vous attendent peut-être.

Liberté ou responsabi­lités. Le rêve de la propriété peut être vécu comme un cauchemar par plusieurs. Entre louer ou acheter, il n’y a pas de réponse universell­e. Dans le comparatif, la dimension financière est bien sûr prépondéra­nte, mais que dire de tous les éléments de réflexion plus subjectifs qui s’ajoutent ? Pensons par exemple aux aptitudes et à l’intérêt pour les travaux de rénovation ou au temps libre sacrifié pour entretenir la maison. Même si votre décision est prise en faveur d’une acquisitio­n, ce type de réflexion pourrait modifier votre projet. Par exemple, en vous poussant à ne pas acquérir une maison trop grande pour vos besoins ou trop loin de votre travail, sacrifiant ainsi votre qualité de vie. Et que dire des options de coopérativ­es d’habitation, qui pourraient gagner en popularité si elles étaient mieux connues de ceux pour qui les valeurs du partage et de la communauté sont importante­s.

Puisque l’achat d’une propriété revêt un caractère émotif, vous pouvez vous protéger vous-mêmes ou protéger vos enfants en misant sur l’augmentati­on de votre littératie financière ou la leur. En ce sens, pour plusieurs, la lecture d’un guide pratique comme celui de M. Desjardins serait à considérer bien avant de vous poser la question entre CELIAPP (compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété) et REER (un régime enregistré d’épargne-retraite) pour la mise de fonds.

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