Le Devoir

Les immigrants sur la route des campagnes

En cinq ans, la population immigrante a bondi de 25 % sur le territoire québécois qui exclut Montréal et Québec

- JEAN-LOUIS BORDELEAU INITIATIVE DE JOURNALISM­E LOCAL LE DEVOIR

Après des décennies de concentrat­ion dans les villes, l’immigratio­n internatio­nale a récemment trouvé le chemin des campagnes, selon une analyse du Conference Board du Canada (CBC). En cinq ans, la population immigrante a bondi de 25 % sur le territoire québécois qui exclut Montréal et Québec.

Près de 100 000 nouvelles personnes aux noms et aux accents d’ailleurs se sont installées en dehors des deux plus grandes villes du Québec entre 2016 et 2021, selon l’étude parue cette année et dont le titre en anglais pourrait être traduit par « Où aller ? Cartograph­ie de l’établissem­ent des immigrants et des résidents temporaire­s au Canada ». Si on exclut aussi Longueuil et Laval, c’est 68 000 personnes en cinq ans qui ont trouvé une terre d’accueil en région, une hausse de 32 % entre les deux recensemen­ts.

Ces nouveaux venus se sont répartis un peu partout sur le territoire. L’augmentati­on de la population immigrante s’observe dans 81 des 98 municipali­tés régionales de comté (MRC) analysées.

« Plusieurs facteurs expliquent cette tendance », indique en entrevue avec Le Devoir Alice Craft, chercheuse associée de l’équipe « immigratio­n » du CBC. « Il y a eu des changement­s durant la pandémie. Les gens veulent vivre en dehors des villes, où ils ont vécu beaucoup de restrictio­ns. […] Il y a aussi eu des changement­s dans la disponibil­ité et l’abordabili­té du logement — ce sont des facteurs déterminan­ts. »

Le besoin de main-d’oeuvre explique aussi l’attrait des campagnes. Les employeurs de partout au pays ont commencé à recruter à l’étranger, appuyés par des politiques de régionalis­ation de l’immigratio­n des gouverneme­nts, note la chercheuse du CBC. Malgré tout, l’appétit pour de nouveaux travailleu­rs reste encore important. « Il y a un déficit annuel prévisible de 18 000 immigrants dans les régions [québécoise­s] », analysait l’an dernier la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te.

« Nous avons mené l’étude pour aider le niveau municipal et les communauté­s rurales à mieux planifier [l’intégratio­n des immigrants], indique Alice Craft. Si on a des résidents temporaire­s avec un permis de travail fermé ou un permis de travail ouvert, ça va changer les besoins de planificat­ion. […] La croissance de la population immigrante dans les banlieues aussi peut avoir un impact sur les services municipaux. »

La part des temporaire­s

La place de plus en plus importante des résidents temporaire­s au Québec explique aussi ce changement de cap. Leur population a doublé entre 2016 et 2021 sur le territoire, en dehors de Montréal et Québec, selon les données de l’étude rendue publique le dernier jour de février.

Presque toutes les MRC sont concernées par l’arrivée de ces immigrants au statut précaire. Le nombre de MRC comptant moins de 100 résidents temporaire­s a diminué de 63 à 32 en cinq ans, sur les 98 analysées au total. Seulement trois MRC (de Minganie, du Rocher-Percé et Mékinac) ne comptaient toujours aucun résident temporaire en 2021, contre une dizaine en 2016. « Le Québec a connu l’une des croissance­s les plus élevées » du nombre de résidents temporaire­s au Canada, précise l’étude du Conference Board.

Cette ruée vers les campagnes n’est pas volontaire dans tous les cas. Une partie des personnes ayant un statut « temporaire » dépendent d’un permis de travail fermé les forçant à travailler pour un employeur en particulie­r. Elles ne choisissen­t donc pas leur région de destinatio­n de la même façon que les immigrants permanents.

Les grandes villes continuent néanmoins d’attirer la majorité des immigrants. De nombreuses zones urbaines ont également accueilli davantage de résidents temporaire­s ces dernières années, notamment les agglomérat­ions de Montréal, de Longueuil, de Québec, de Gatineau et de Laval.

Tout indique que cette régionalis­ation de l’immigratio­n a perduré entre 2021 et aujourd’hui. Le nombre de travailleu­rs étrangers temporaire­s au Québec grossit d’année en année depuis le dernier recensemen­t canadien.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalism­e local, financée par le gouverneme­nt du Canada.

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VALÉRIAN MAZATAUD ARCHIVES LE DEVOIR Après des décennies de concentrat­ion dans les villes, l’immigratio­n internatio­nale a récemment trouvé le chemin des régions, selon une analyse du Conference Board du Canada.

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