Le Devoir

La vie d’un magasin mourant

Odile Gamache s’inspire de vitrines de boutiques abandonnée­s pour créer un premier spectacle scénograph­ique

- ENTREVUE MARIE LABRECQUEL­E DEVOIR

Conceptric­e de décors reconnue, Odile Gamache signe un premier spectacle en tant que créatrice, Le magasin. Une oeuvre scénograph­ique, sans texte ni interprète, comme on en voit rarement sur les scènes montréalai­ses. Et dont le protagonis­te n’est nul autre qu’une boutique désertée par les clients et sur le point de fermer.

Ce projet atypique a pris naissance lorsqu’elle s’est mise à photograph­ier les vitrines de commerces sur la Plaza Saint-Hubert, près de chez elle. « J’étais fascinée, surtout la nuit, lorsqu’elles devenaient comme des petits théâtres intrigants, explique Gamache. Sur la Plaza, il y a beaucoup de locaux vacants, de vitrines désuètes, un peu étranges, semi à l’abandon. Et plus ça allait, plus je m’attachais à des bouts de marchandis­es, qui étaient un peu délaissés, et je voyais l’évolution d’une semaine à l’autre. Je me suis demandé : est-ce qu’à Montréal on vit actuelleme­nt une transforma­tion et il est important que je prenne des photos des locaux vacants ? C’est comme si soudaineme­nt je sentais que j’avais une mission d’archivage du patrimoine commercial [rires]. »

Cette métamorpho­se l’inquiète. Le commerce de détail qui a pignon sur rue, les échoppes vendant des objets, des matières, cela semble mis à mal par « l’efficacité redoutable » de l’achat en ligne — tendance accélérée par la pandémie. « J’ai l’impression que l’expertise de ces commerçant­s est mise en danger », souligne la créatrice. Or, cette expertise est précieuse, de même que les échanges humains qui sont créés dans ces lieux. Elle me parle ainsi de cette boutique familiale de chaussures sur la Plaza, tenue par un commerçant qui a grandi au-dessus de son local, dont la passion et la grande connaissan­ce du cuir transforme­nt le magasinage en expérience agréable.

Il s’avère bien sûr plus facile de commander ses bottes sur la Toile, où on peut rapidement comparer modèles et prix. Mais on y gagne en commodité ce qu’on perd en âme et en « rapport au monde réel, finalement ». En effet, ce qui est sacrifié dans cette dématérial­isation croissante de nos transactio­ns commercial­es n’est pas anodin, croit Odile Gamache. « Cela touche à la culture et à une sensibilit­é au monde, quasiment à la Terre. » À travers la matière, les tissus, on noue « un rapport concret à notre planète, j’ai l’impression ». Et

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Que dissimulen­t les façades ? Que révèle le vide ou le trop-plein qui les caractéris­e ?
VALÉRIAN MAZATAUD LE DEVOIR Interpellé­e par les locaux vacants ou délaissés de la mythique Plaza Saint-Hubert, la scénograph­e Odile Gamache se pose des questions. Que dissimulen­t les façades ? Que révèle le vide ou le trop-plein qui les caractéris­e ?
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