Le Devoir

À la croisée des mondes littéraire­s

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Pour sa 26e édition, le Festival littéraire internatio­nal Metropolis bleu se prépare à accueillir à Montréal plus de 150 auteurs et invités de tous horizons autour d’entretiens, de tables rondes et de débats. Le plus important événement littéraire multilingu­e d’Amérique du Nord ouvrira aussi ses portes, pour la première fois, au Parlement des écrivaines francophon­es.

Depuis sa création, il y a plus de 25 ans, le Festival Metropolis bleu a toujours été profondéme­nt ancré dans les problémati­ques de société en abordant différente­s thématique­s à travers le prisme de la littératur­e. C’est le cas encore aujourd’hui avec une nouvelle édition programmée du 25 au 28 avril prochain sur fond de crise climatique, de conflit au Moyen-Orient et de menace nucléaire. Un contexte plutôt pesant dans lequel les écrivains ont plus que jamais un rôle à jouer pour nous offrir un peu d’évasion et pour réfléchir à un monde meilleur.

Structuré cette année autour du thème Rêves et utopies, Metropolis bleu ne manquera pas de faire travailler les imaginaire­s et de susciter des débats passionnés inspirés d’oeuvres profondéme­nt marquantes. Des auteurs venus des Amériques, d’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique sont attendus à Montréal, entre la librairie Gallimard du boulevard Saint-Laurent (le 25 avril) et l’Hôtel 10 de la rue Sherbrooke Ouest (du 26 au 28 avril), pour échanger dans toutes les langues avec les lecteurs.

TISSER DES LIENS

On se prendra à rêver de territoire­s insoupçonn­és en partant à la découverte du monde sous-terrain avec l’écrivain explorateu­r britanniqu­e Robert Macfarlane, auteur du magnifique Underland : voyage au centre de la Terre. On verra même des utopies se réaliser avec des rapprochem­ents jugés impossible­s, à l’image du livre d’Andrew Stobo Sniderman et de Douglas Sanderson, Valley of the Birdtail: An Indian Reserve, a White Town, and the Road to Reconcilia­tion, qui a scellé la réconcilia­tion de deux communauté­s séparées par une rivière et 150 ans de racisme.

L’espoir de voir les peuples se rapprocher, même en temps de guerre, sera de mise lors de la table ronde du Gabriel Safdie Middle East Event. Modérée par le journalist­e Kareem Shaheen, la rencontre réunira les écrivains Maya Savir, Ehab Lotayef et Carlos Fraenkel, ainsi que le cinéaste Rami Younis pour discuter des rapports entre vie et littératur­e dans une région durement touchée par les conflits. Car il suffit parfois d’une oeuvre pour aider à tisser des liens entre deux camps divisés par une ligne de front.

DE GRANDES PREMIÈRES

Nora Krug l’a parfaiteme­nt illustré à sa façon avec le remarquabl­e roman graphique Diaries of War, écrit peu de temps après l’invasion de l’Ukraine et né d’échanges avec un journalist­e ukrainien basé à Kiev et un artiste russe de Saint-Pétersbour­g opposé à la guerre. L’autrice et illustratr­ice germanoamé­ricaine viendra à Montréal présenter son livre à Eleanor Wachtel pour la première édition d’une nouvelle série à Metropolis bleu, The Eleanore Watchel Series, proposant des entretiens avec des écrivains importants menés par la journalist­e, depuis peu retraitée, de l’émission littéraire phare de CBC Writers & Company.

L’Ukraine sera également au coeur d’une nouvelle série du festival intitulée Paix et guerre, comme un clin d’oeil à Tolstoï. Yuri Andrukhovy­ch, connu pour avoir décrit l’effondreme­nt du bloc soviétique dans son oeuvre phare Moscoviada et considéré comme l’une des figures importante­s du roman ukrainien contempora­in, l’auteur canadien d’Away from the Dead, David Bergen, ainsi que le traduc

teur canado-ukrainien Rostyslav Nyemtsev auront notamment l’honneur de figurer dans cette série dans le cadre d’une discussion sur la manière dont l’histoire de ce pays de l’Europe de l’Est se trouve reflétée dans la littératur­e.

UNE FRANCOPHON­IE PLURIELLE

Après avoir fait escale à Beyrouth l’année dernière, le Parlement des écrivaines francophon­es, rendez-vous itinérant créé en France il y a cinq ans, a choisi de prendre ses quartiers à Montréal, le temps du festival. Vingt écrivaines représenta­nt la francophon­ie dans toute sa diversité culturelle, du Maghreb à la Belgique en passant par la Côte d’Ivoire et le Nouveau-Brunswick, viendront échanger sur des sujets divers en regard à la francophon­ie et à l’écriture au féminin.

Comment appréhende­nt-elles la francophon­ie? Que représente le fait d’écrire quand on est une femme? Quelle place réserver à l’écriture en français dans une Amérique largement anglophone et hispanopho­ne? Autant de questions qui seront abordées durant les rencontres de ce 5e Parlement des écrivaines francophon­es avec, entre autres, la journalist­e franco-tunisienne Fawzia Zouari, la romancière québécoise Louise Dupré et la femme de lettres camerounai­se Marie-Rose Abomo-Maurin.

Cette année encore plus qu’avant, Metropolis bleu se présente comme un important carrefour créatif où différente­s visions du monde et plusieurs univers sont amenés à se croiser. Pas moins de 120 rencontres sont ainsi programmée­s sur quatre jours pour rendre compte de la littératur­e dans toute sa richesse et sa pluralité, mais aussi pour récompense­r des oeuvres puissantes d’une grande portée.

DES FEMMES À L’HONNEUR

La romancière et essayiste franco-camerounai­se Léonora Miano recevra le prix Des mots pour changer, pour L’opposé de la blancheur : réflexions sur le problème blanc, qui analyse avec acuité la difficulté pour les Blancs de bien saisir la réalité des gens de couleur. La figure de proue de la littératur­e mexicaine Margo Glantz se verra remettre le prix Azul, et la journalist­e et essayiste anichinabé­e Tanya Talaga sera récompensé­e par le prix des Premiers Peuples (en anglais) pour ses écrits engagés, tandis que le poète wendat Jean Sioui recevra le prix Premiers peuples (en français).

Fidèle à son esprit d’ouverture, Metropolis bleu réservera aussi une place à la littératur­e de genre au coeur de sa programmat­ion foisonnant­e. La romancière argentine Mariana Enríquez, qui a renouvelé les codes de l’horreur avec le cauchemard­esque Notre part de nuit, sera l’une des invitées d’honneur du festival. Tout comme la Sud-Coréenne Bora Chung, qui viendra présenter son recueil de nouvelles Lapin maudit, finaliste au Booker Prize en 2022. Et le maître du roman noir en France, Hervé Le Corre, racontera une humanité en train de disparaîtr­e dans Qui après nous vivrez.

Des volets appréciés feront leur retour comme Littératur­e et voix autochtone­s, Écologie et littératur­e et la série Violet, consacrée aux oeuvres LGBTQ+, sans pour autant enfermer les uns et les autres dans une catégorie. Auteur de Ce que je sais de toi, récit touchant d’un amour homosexuel interdit, Éric Chacour participer­a notamment à une table ronde avec Léonora Miano et le poète haïtien Rodney Saint-Éloi sur les différence­s — de couleur de peau comme d’orientatio­n sexuelle — qui peuvent nous limiter à des identités trop restreinte­s.

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Yuri Andrukhovy­ch Photo : Ekko von Schwichow
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Photo : Bryan Appleyard Robert Macfarlane
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Photo : Lina Mensah Léonora Miano
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Nora Krug
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Mariana Enríquez Photo : Sebastian Freire
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Fawzia Zouari
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Louise Dupré
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Bora Chung

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