Une comédie facile
Avec Une année difficile, les auteurs des succès Intouchables et Hors normes poursuivent dans l’humour social, mais forcent cette fois le trait
C’est jour de Black Friday à Paris, et Albert doit coûte que coûte se procurer un téléviseur au rabais afin de le revendre ensuite à fort prix. Hélas, des militants ont décidé ce matin-là de bloquer l’accès au magasin. Leur but : sensibiliser les clients au fait que la surconsommation participe à la crise climatique. Des considérations dont Albert n’a évidemment rien à faire. Or, au gré de circonstances tour à tour loufoques, dramatiques, voire extraordinaires, Albert se retrouvera non seulement impliqué au sein dudit groupe militant, mais éperdument amoureux de sa leader, Valentine. Avec Une année difficile, les auteurs des succès Intouchables et Hors normes, Olivier Nakache et Éric Toledano, poursuivent dans la veine de l’humour social. Or, cette fois, le tandem force le trait.
Le film s’ouvre sur un montage aussi drôle que brillant d’archives montrant une succession de présidents de la République annoncer, l’air grave, une année à venir difficile, ou quelque formule du même acabit — d’où le titre. Ce faisant, les coscénaristes et coréalisateurs rappellent que la classe politique, avec sa langue de bois, n’a pas besoin de leur aide pour donner dans la parodie.
Cela étant, le thème principal d’Une année difficile est le surendettement. Ainsi est-il très tôt révélé qu’Albert est tellement « dans le rouge », qu’il n’a plus de quoi se loger. Ses multiples combines ne suffisent même pas à couvrir les intérêts sur sa dette.
En parallèle, il y a Bruno, le « client » qui devait racheter le fameux téléviseur. Lui aussi pris à la gorge pour avoir trop acheté à crédit, compulsivement, Bruno est sur le point de commettre l’irréparable lorsqu’Albert se pointe chez lui afin de clore leur transaction. Naissance de quelque chose comme une amitié.
Par des contorsions narratives qu’on taira, les deux larrons se faufilent subséquemment dans un 5 à 7 organisé par le groupe militant rencontré au commencement. C’est le verre gratuit, et non la cause, qui les a attirés là.
S’ensuit une mystification qui voit ces derniers intégrer la bande. De discussions politisées en coups d’éclat, Albert s’éprend de Valentine, qui, elle, refuse de se laisser aller à de tels sentiments, vu l’état du monde.
Verve et dynamisme
Il y a beaucoup d’éléments charmants dans ce huitième long métrage d’Olivier Nakache et Éric Toledano. On rit ici et là, évidemment. Le propos ne manque en outre pas de pertinence.
Quant à Pio Marmaï (Les trois mousquetaires) et Jonathan Cohen (Sentinelle), ils sont savoureux, le premier en manipulateur rattrapé par une conscience qu’il ignorait posséder, le second en dépressif qui retrouve goût à la vie après s’en être en quelque sorte inventé une nouvelle.
Contrairement à leurs meilleurs crus cependant, il se dégage d’Une année difficile une impression d’artificialité. Même dans leurs développements les
plus improbables, Intouchables, Hors normes, mais aussi Le sens de la fête, restaient fermement ancrés dans une réalité reconnaissable. Cette qualité conférait en retour à ces films un vernis d’authenticité, authenticité qu’on cherche en vain ici.
Qui plus est, l’histoire d’amour sonne faux, à l’instar du personnage féminin auquel Noémie Merlant tente de donner du relief — la vedette de Portrait de la jeune fille en feu méritait mieux.
Le tout est en revanche attrayant sur le plan visuel, les cinéastes ayant depuis le temps peaufiné leur approche esthétique et technique. La verve est au rendez-vous, le dynamisme également. Une comédie somme toute correcte, mais facile venant de ce doué duo.
Une année difficile
Comédie d’Olivier Nakache et Éric Toledano. Scénario d’Olivier Nakache et Éric Toledano. Avec Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Noémie Merlant, Mathieu Amalric. France, 2023, 118 minutes. En salle.