Le Devoir

D’où proviendro­nt les coupes de 10,5 milliards à Ottawa ?

Le gouverneme­nt Trudeau doit jongler entre la nécessité de répondre présent sur des questions importante­s et celle de rassurer les Canadiens sur la question des déficits

- SANDRINE VIEIRA CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA Avec Clémence Pavic

À la veille d’un budget où la discipline budgétaire d’Ottawa sera scrutée à la loupe, les ministères fédéraux devront économiser 10,5 milliards de dollars au cours des trois prochaines années, dont 2,3 milliards l’année prochaine.

Les plans ministérie­ls analysés par Le Devoir montrent que la majorité des réductions budgétaire­s seront liées aux frais de voyage et de déplacemen­ts, mais aussi à la suppressio­n de certains programmes et à la réduction du personnel occasionne­l et des étudiants.

Le gouverneme­nt Trudeau, qui présentera son budget mardi, doit jongler entre la nécessité de répondre présent sur des questions importante­s, telles que le logement et la défense, et celle de rassurer les Canadiens sur la question des déficits.

Dans le cadre du plan de « recentrage » des dépenses gouverneme­ntales annoncé lors du dernier budget 2023, près de 70 ministères, organismes et sociétés d’État ont reçu la consigne de réduire leurs dépenses pour arriver à des économies de 15,8 milliards de dollars sur 5 ans et à 4,8 milliards de dollars par année par la suite.

Plus tôt cette année, chaque ministère a ainsi divulgué les sommes qu’il prévoit d’économiser et les stratégies pour y parvenir.

En entrevue avec Le Devoir, le Secrétaria­t du Conseil du Trésor (SCT) affirme que les cibles sont « plus que sérieuses ».

« Ces montants-là ont déjà été retirés du budget [des ministères]. Lorsque le budget des dépenses sera approuvé par le Parlement au mois de juin, cet argent-là ne sera pas donné aux ministères, puisque ça a déjà été enlevé de leur niveau de référence », explique une porte-parole du SCT.

Ces sommes économisée­s seront toutefois « réaffectée­s » vers d’autres « priorités du gouverneme­nt ». Le gouverneme­nt n’a pas révélé en détail où ces fonds seraient redirigés, affirmant simplement que les sommes seront destinés au logement abordable, aux soins de santé et au soutien aux personnes âgées.

La présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, a évité de donner plus de détails sur la destinatio­n des sommes réaffectés au moment de déposer le Budget principal des dépenses 2024-2025.

Fin du financemen­t

Environ le tiers des sommes réaffectée­s proviendro­nt du ministère de la Défense nationale, avec 810 millions de dollars en 2024-2025, suivies d’économies encore plus importante­s de 851 millions en 2025-2026 et de 907 millions en 2026-2027.

Pour y arriver, la Défense réduira ses dépenses de voyage de 58 millions en 2024-2025 et de 354 millions pour son « fonds de fonctionne­ment général ».

Les autres ministères qui devront économiser les sommes les plus importante­s sont Services publics et Approvisio­nnement Canada (148 millions), Innovation, Sciences et Développem­ent économique Canada (141 millions) et Affaires mondiales Canada (118 millions).

Le ministère de l’Innovation et des Sciences prévoit déjà de « ne pas rempla[cer] certains postes vacants en raison de l’attrition ». Avec d’autres mesures de « réorganisa­tion » du travail, le ministère réalisera des économies de 24,3 millions de dollars en 2024-2025.

Le ministère réduira aussi l’enveloppe de financemen­t du Programme d’adoption de technologi­es numériques au Canada (un programme qui aide les petites et moyennes entreprise­s (PME) à adopter les technologi­es numériques) de 43,7 millions de dollars en 2024-2025.

Le financemen­t de la Stratégie du Canada au Moyen-Orient prendra fin à partir d’avril 2025, a inscrit Affaires mondiales Canada dans son plan ministérie­l. Les mesures d’aide humanitair­e à Gaza demeureron­t inchangées.

De son côté, le ministère des Finances effectuera des compressio­ns notamment en réduisant les effectifs par attrition, en retardant les embauches, en diminuant le recours au personnel temporaire et étudiant.

De nombreux plans ministérie­ls sont toutefois très vagues quant à l’origine des économies qu’ils devront effectuer au cours des trois prochaines années. L’Agence de la santé publique du Canada prévoit, par exemple, « supprimer les programmes qui se sont révélés moins efficaces », sans toutefois les nommer.

L’an dernier, près de 70 ministères ont déjà réduit leurs dépenses de 500 millions de dollars, notamment dans les frais de voyage profession­nels et le recours à des services-conseils en gestion.

Il reste à voir dans quelle mesure ces réaffectat­ions de fonds permettron­t de limiter l’ampleur des déficits. Selon un rapport du Directeur parlementa­ire du budget publié en mars dernier, le déficit d’Ottawa devrait s’établir à 46,8 milliards de dollars pour l’exercice financier 2023-2024 plutôt qu’à 40 milliards, comme l’avait annoncé Ottawa dans son énoncé économique de l’automne.

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SEAN KILPATRICK LA PRESSE CANADIENNE Dans le cadre du plan de « recentrage » des dépenses gouverneme­ntales, près de 70 ministères, organismes et sociétés d’État ont reçu la consigne de réduire leurs dépenses.

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