Nous exigeons le risque total
Moins de béton et plus d’émotions pour que les arts mourants soient à nouveau les arts vivants
Considérant que notre culture vivante est un vivrier d’une richesse inestimable de sensibilité, de poésie, de créativité et de gens de coeur qui la portent à bout de bras.
Considérant que les gens des arts vivants assurent de toutes leurs forces la transmission d’une parole et de l’âme vibrante de toute une nation nichée dans les contreforts d’un immense fleuve aux larges remous.
Considérant que nous, gens des arts vivants, sommes la matrice première dans laquelle viennent puiser allègrement tous les marchands du temple de la culture et du divertissement.
Considérant que nous sommes, gens de la culture vivante, sousfinancés, sous-subventionnés, sous-payés, sous-estimés et que, conséquemment, les arts vivants deviennent arts mourants.
Voyant qu’au sein de notre milieu, nombre d’amis artistes, championnes et champions créatifs quittent le métier et leur passion, étant obligés de se réorienter pour survivre et que, conséquemment, les arts vivants deviennent arts mourants.
Présumant de la bonne foi des dirigeants qui, par leur engagement social, ont à coeur le bien commun et qui, malgré l’honnêteté qui les anime, sont pris au piège de leur ligne de parti et versent non sans grincement dans le mutisme et précipitent leurs idéaux dans le bourbier de l’inertie, en raison de quoi les arts vivants deviennent arts mourants.
Sachant la rouille qui s’introduit dans l’organisme institutionnel de la culture, coinçant de plus en plus son bon fonctionnement et qu’envisager son redressement passerait par un héroïque discernement sur sa refonte, nous osons le risque total de le crier haut et fort.
Espérant un meilleur partage du magot de nos impôts au bénéfice des ouvrières et des ouvriers des arts vivants ainsi qu’un dégraissage en règle de tout ce qui est structure culturelle, structure qui n’arrive plus à défendre les plus fragiles de ses membres, nous osons le risque total.
Comprenant que nous devons plus que jamais nous serrer les coudes et faire preuve d’une immense solidarité et d’une compréhension bienveillante de chacune de nos réalités, nous osons le risque total.
Pressentant que seule une large coalition de tous les membres des arts vivants, au-delà des malentendus et accueillant tout le spectre de la résistance est nécessaire afin de mener à bien cette lutte pour notre reconnaissance et notre dignité, nous osons le risque total.
Comprenant dans notre chair que nous devons lutter maintenant ou disparaître bientôt.
Nous nous soulevons afin d’exiger une reconnaissance sans équivoque de la culture vivante et de sa contribution, par tous les gouvernements à partir de maintenant.
Nous demandons que les arts vivants, et plus largement la culture, soient enfin soutenus et protégés de façon permanente et à la hauteur de ses besoins et défis, par tous les gouvernements à partir de maintenant.
Nous voulons que l’on saisisse toute la complexité du milieu des arts vivants et qu’on accepte de mieux partager les ressources qui lui sont allouées, afin que la fragile portion de créatrices et de créateurs ne soit plus soumise aux désirs de l’institution et de ses conseils administratifs subjectifs.
Nous demandons pour y arriver une audacieuse refonte du Conseil des arts afin que soit mieux redistribuée l’aide à tous les joueurs de ce milieu précaire et précieux, afin qu’il ne soit plus soumis aux désirs de l’institution et de ses conseils administratifs subjectifs.
Nous exigeons que, face aux défis et aux problèmes que nous aurons à affronter dans un avenir proche, nous défrichions de nouvelles avenues, nous empruntions de nouveaux chemins, que nous soyons solidaires au-delà du possible, afin de nous détourner de ces avenues d’austérité imposées par une logique de succès mercantiles. De cette façon seulement, les arts mourants seront à nouveau les arts vivants.
Nous exigeons sur-le-champ moins de béton et plus d’émotions.
Nous exigeons le risque total.