En attente de hausses salariales, le secteur public s’impatiente
Des milliers d’employés en éducation et dans le milieu de la santé attendent la signature de leur convention collective
Plus de deux mois après la conclusion d’ententes de principe avec le gouvernement Legault, l’incertitude plane toujours sur le moment où des centaines de milliers de travailleurs dans les secteurs de l’éducation et de la santé bénéficieront des hausses salariales et des bonifications de leurs conditions de travail pour lesquelles ils ont fait la grève l’an dernier. Un délai qui, sans être inhabituel, crée une forte « impatience » dans les rangs de plusieurs syndicats, a constaté Le Devoir.
« Les gens sont impatients. Nos membres sont vraiment tannés d’attendre », lance en entrevue lundi la présidente du Syndicat québécois des employées et employés de services, Sylvie Nelson, dont les membres travaillent majoritairement dans le secteur de la santé et des services sociaux.
En février, le Front commun tout comme la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) ont annoncé avoir conclu des ententes de principe avec Québec en prévision de la signature de nouvelles conventions collectives qui seront valides jusqu’en 2028. Or, celles-ci n’ont toujours pas été signées, ce qui a pour effet de retarder le moment où les travailleurs concernés verront leur salaire augmenter, en plus d’avoir accès à de nouvelles primes. Les conventions collectives prévoient par ailleurs une rétroactivité salariale, en date du 1er avril 2023, qui sera remise dans les poches des travailleurs dans un délai de quelques mois après la signature de celles-ci.
Or, entre-temps, « on continue d’être payés avec le taux horaire non majoré. Le coût de la vie augmente, et notre salaire stagne », déplore Audrey Heideiger, qui est technicienne en organisation scolaire dans une école de l’Estrie. « On se rend compte que, chaque fois qu’on va faire l’épicerie, c’est de plus en plus cher. On travaille pour payer les factures, l’épicerie et rembourser l’hypothèque. »
Impatience
Dans les derniers jours, de nombreux travailleurs syndiqués se sont d’ailleurs tournés vers les réseaux sociaux pour presser leur syndicat et Québec de régler ce dossier, afin que leur salaire puisse être bonifié.
« Tant et aussi longtemps que nos conventions ne seront pas signées, personne n’aura d’augmentation de salaire, personne ne va gagner plus cher, alors que l’épicerie coûte deux fois plus cher », déplore le vice-président du secteur de l’éducation pour la branche québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique, Richard Delisle. Ce dernier rappelle d’ailleurs que les primes qu’obtiendront ses membres au terme de la signature de leur convention collective ne seront pas rétroactives.
Ainsi, « chaque jour, nos membres perdent de l’argent » en n’ayant pas le droit aux primes qu’ils ont négociées avec Québec, relève lui aussi le président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, Robert Comeau. « C’est de l’argent qui coule entre leurs doigts, d’où l’empressement » à régler ce dossier, poursuit-il.
La CSN note pour sa part l’existence de plusieurs « coquilles » dans les textes qui lui ont récemment été transmis par le gouvernement, ce qui pourrait retarder le moment où ceux-ci seront finaux. « Il faudrait augmenter la cadence et que ce soit une priorité pour le gouvernement », martèle le viceprésident de la CSN, François Enault, selon qui les conventions collectives doivent être signées en mai pour que les délais habituels concernant ce processus soient respectés.
Le Conseil du trésor n’a pu répondre lundi aux questions du Devoir.
Conditions de travail
Dans le milieu de l’éducation, on craint par ailleurs qu’une signature tardive des conventions collectives ait pour effet que certaines mesures visant à bonifier les conditions de travail des enseignants, comme la révision de la composition des groupes et l’ajout d’aides à la classe, ne puissent être mises en application à temps pour la prochaine rentrée scolaire.
« Mais moi, ma préoccupation, c’est de me sentir bien dans mon travail », souligne ainsi Johanne Blaise, qui enseigne au primaire à Montréal. Or, « au niveau des mesures qui pourraient être applicables dès la rentrée, la fenêtre qu’on a pour travailler se referme de plus en plus », confirme la présidente de la FAE, Mélanie Hubert, qui souligne que les centres de services scolaires auront besoin de temps pour procéder aux embauches qui seront nécessaires pour appliquer la convention collective négociée par ses membres.