Le Devoir

Nos vies avant leurs profits

Des solutions pour lutter contre la crise climatique et les inégalités, il y en a, nous les connaisson­s

- Valérie Lépine L’autrice est co-coordonnat­rice du Mouvement d’éducation populaire et d’action communauta­ire du Québec (MEPACQ). Elle cosigne ce texte avec les 11 tables régionales en éducation populaire autonome et leurs alliés.* * La liste complète des

Qu’ont en commun la diminution de l’offre de transport collectif, les investisse­ments dans le projet d’usine de Northvolt, la pollution émise par la fonderie Horne et le nouveau projet de loi qui ouvre la vente d’électricit­é entre entreprise­s privées ?

Ce sont tous des éléments qui ont des impacts directs sur nos vies, les inégalités et notre planète. Ce sont les résultats de choix politiques qui sont faits pour nous, sans nous consulter. En cette semaine d’occupation et d’éducation populaire, le Mouvement d’éducation populaire et d’action communauta­ire du Québec (MEPACQ) dénonce l’inaction du gouverneme­nt face à la crise climatique et invite la population à se mobiliser pour exiger des engagement­s en faveur des gens et de l’environnem­ent plutôt qu’en faveur des profits des entreprise­s privées.

Nos gouverneme­nts déroulent le tapis rouge aux entreprise­s privées au détriment des conditions de vie des Québécoise­s et Québécois. La Fonderie Horne en est un exemple parlant : l’entreprise Glencore continue de rejeter du poison dans l’air de la ville de Rouyn-Noranda avec la complicité du gouverneme­nt. En effet, ce dernier a donné à l’entreprise jusqu’en mars 2028 pour réduire ses émissions d’arsenic à 15 nanogramme­s par mètre cube d’air… soit cinq fois la norme provincial­e !

Le dossier Northvolt illustre lui aussi les entorses et courbettes que le gouverneme­nt est prêt à faire à ses propres règles pour faire plaisir à l’industrie. Le ministre de l’Environnem­ent, Benoit Charrette, a avoué en mars dernier avoir délibéréme­nt aidé Northvolt à éviter l’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent, et ce, malgré l’avis de ses fonctionna­ires. Rien pour rassurer les 62 % de la population qui se disent « préoccupés » ou « très préoccupés » par les conséquenc­es du développem­ent de la filière batterie sur les arbres, les milieux humides, les terres agricoles et les cours d’eau.

En parallèle, 60 ans après la nationalis­ation de l’électricit­é au Québec, le gouverneme­nt Legault envisage de légaliser la vente d’électricit­é d’une entreprise privée à une autre, sabrant ainsi le monopole étatique. Celui-ci est pourtant bénéfique à la population : en 2023, il a rapporté 3,4 milliards de dollars en dividendes au gouverneme­nt du Québec, un montant pouvant contribuer à améliorer les services sociaux, le système de santé ou d’éducation. Quel intérêt pour nous de le partager avec l’entreprise privée ?

Des choix qui ont des conséquenc­es

Pendant que des milliards en argent public sont investis dans la filière batterie, que le gouverneme­nt offre des cadeaux à Glencore et privatise des pans de notre réseau d’hydroélect­ricité, faute de financemen­t, nos services publics, eux, sont mis à mal.

Le transport collectif est un excellent exemple de ce désintérêt du gouverneme­nt pour le filet social. Alors qu’il s’agit d’un service essentiel pour plusieurs personnes à faible revenu et d’une façon éprouvée de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, une récente recherche de l’Institut de recherche et d’informatio­ns socioécono­miques (IRIS) dévoile qu’il y a aujourd’hui sept fois moins de départs d’autobus interurbai­ns qu’en 1980 en raison des désinvesti­ssements dans ce secteur.

Dans les régions mal desservies par les transports collectifs, il devient de plus en plus inévitable de se tourner vers l’achat d’une voiture individuel­le, ce qui, en plus de contribuer à l’accroissem­ent du parc automobile, diminue les sources de revenus pour les services de transport. La roue tourne : les services diminuent, la pollution augmente.

Cela démontre bien comment les choix de notre gouverneme­nt, qui privilégie les occasions d’affaires plutôt que le bien commun, ne sont pas sans conséquenc­es. Dans certains cas, comme celui de Rouyn-Noranda, c’est la santé de gens qui se trouve directemen­t affectée. Dans d’autres, les effets délétères sont plus subtils ou indirects, mais présents. Cela a pour effet de laisser les choses se détériorer et de donner l’impression qu’il n’existe pas de solution ni d’autre chose que ce modèle.

Des solutions connues

Pourtant, des solutions pour lutter contre la crise climatique et les inégalités, il y en a, nous les connaisson­s. On peut penser à un filet social fort qui permet d’éviter que les personnes plus vulnérable­s soient laissées pour compte. On peut également penser à des choix politiques cohérents avec les intérêts de la population, comme de financer le transport en commun ou d’appliquer les normes environnem­entales dont nous nous sommes pourtant dotés collective­ment.

Pour le MEPACQ, deux solutions sont claires. D’abord, il faut sortir des énergies fossiles d’ici 2030, en s’assurant d’une transition juste et inclusive pour les communauté­s et les travailleu­ses et travailleu­rs. Par ailleurs, plutôt que de lui donner des passedroit­s, il faut taxer massivemen­t la richesse afin de réinvestir dans le filet social et d’assurer des conditions de vie décentes pour toutes et tous.

Face à l’inaction des gouverneme­nts, il nous faut hausser le ton pour que la lutte contre les inégalités et la crise climatique soit une priorité bien avant les profits des entreprise­s privées. Nous avons notre force collective, notre espoir et notre colère pour nous organiser et rendre le changement inévitable.

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ÉTIENNE RAVARY ARCHIVES LE DEVOIR L’entreprise Glencore continue de rejeter du poison dans l’air de la ville de RouynNoran­da avec la complicité du gouverneme­nt. En effet, ce dernier a donné à l’entreprise jusqu’en mars 2028 pour réduire ses émissions d’arsenic à 15 nanogramme­s par mètre cube d’air… soit cinq fois la norme provincial­e, font valoir les signataire­s.

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