Mieux imposer le gain en capital
Le budget fédéral 2024 comporte des mesures pour combattre la crise du logement, mais la modification proposée à l’imposition des gains en capital pourrait favoriser la spéculation. Ce budget propose d’imposer plus les gains en capital, ce qui est une bonne idée, mais la méthode utilisée n’est pas souhaitable.
La mesure fédérale fait passer, pour les particuliers, le taux d’inclusion des gains en capital d’une demie (50 %) à deux tiers (environ 67 %) pour les gains excédant 250 000 $ au cours d’une année. Les contribuables à haut revenu paieront plus d’impôt, ce qui est visé par le gouvernement. Les gains en capital des propriétaires de plex depuis plus de 20 ans risquent d’excéder 250 000 $ lors de la vente juste à cause de l’inflation. Ces derniers sont en grand nombre au Québec et, pour plusieurs d’entre eux, leur plex représente une bonne partie de leur capital retraite.
Malheureusement, cette mesure fédérale ne tient pas compte de l’inflation et met sur un pied d’égalité un gain sur un bien détenu
2 ans et un autre sur un bien détenu 20 ans ! En ne tenant pas compte de la durée de conservation du bien, et donc de l’inflation, le gouvernement incite les gens à garder leurs actifs sur une plus courte période. Dans un marché immobilier qui a des tendances spéculatives par moments, est-ce vraiment une bonne idée d’encourager les investissements de court terme ?
La Commission d’examen sur la fiscalité québécoise (commission Godbout) proposait, en 2015, une approche différente qui réglerait ce problème tout en faisant augmenter les impôts sur les hauts revenus. Elle recommandait « l’élimination de l’inclusion partielle du gain en capital et son remplacement par la prise en compte du gain en capital réel, soit le gain en capital tenant compte de l’inflation. Le gain en capital serait ainsi imposé normalement, comme n’importe quel autre revenu » !
Enfin, on ne peut plus invoquer la complexité d’une telle mesure, car l’utilisation généralisée de logiciels d’impôt faciliterait son application. Déjà, pour les pêcheurs, les agriculteurs et les propriétaires de petites entreprises, le gouvernement indexe sur l’inflation l’exonération cumulative des gains en capital.
Pourquoi le gouvernement fédéral n’a-t-il pas choisi l’option proposée par la commission Godbout ? Louise Lavoie et Marie-Hélène Legault, chargées de cours au Département des sciences économiques de l’UQAM
Le 17 avril 2024