Le Devoir

Lettre d’une enfant de l’école publique à Guy Rocher

En cadeau pour son centenaire, offrons-nous un réseau d’éducation qui élimine les inégalités

- Ruba Ghazal L’autrice est députée de Mercier.

Guy Rocher aura 100 ans cette semaine. Sans l’oeuvre et les réalisatio­ns de ce grand sociologue, je n’aurais certaineme­nt pas eu le même parcours de vie. Je sens que j’ai marché sur les routes qu’il a contribué à construire à travers ses engagement­s auprès de l’État du Québec.

La première raison pour laquelle mes parents ont choisi d’immigrer au Québec, il y a 35 ans, c’était pour offrir une éducation publique de qualité à leurs enfants.

Je suis arrivée au Québec à l’âge de 10 ans. Du primaire au secondaire, j’ai fréquenté des écoles publiques de Montréal et de Laval. J’y ai côtoyé des élèves de différente­s classes sociales avec qui j’ai forgé mon identité québécoise.

Mes parents ont fait le choix d’envoyer leurs cinq enfants au public, parce qu’ils n’avaient aucune crainte que nous aurions une excellente éducation. À cette époque, le magasinage des écoles secondaire­s dès la 5e année du primaire n’existait pas. Quand je regarde l’état de l’école publique et les inégalités qui se creusent, je me demande si mes parents auraient fait le même choix aujourd’hui.

M. Rocher, qui a été membre de la commission Parent et l’un des architecte­s de notre système d’éducation public, nous alerte depuis plusieurs années sur l’école à trois vitesses. L’objectif du rapport Parent se résume à cette idée : l’égalité des chances de tous les enfants du Québec.

Malheureus­ement, nous sommes loin, très loin, de cet objectif. Ségrégatio­n scolaire, écrémage, concurrenc­e, élitisme, iniquité, voilà des réalités contre lesquelles M. Rocher s’est battu toute sa vie et qui font un retour depuis une vingtaine d’années, à cause de décisions prises par les gouverneme­nts précédents ayant contribué à une marchandis­ation du système d’éducation.

M. Rocher a pris des positions fortes, principale­ment sur le fait que nous avons laissé se développer un système à trois vitesses (public, privé subvention­né et public sélectif) qui gangrène Lors de la récente grève héroïque des profs, j’ai eu la chance d’avoir d’innombrabl­es conversati­ons avec elles. Et je peux vous dire que l’école à trois vitesses, qui alourdit leur tâche à cause de la concentrat­ion des élèves en difficulté dans les classes ordinaires, était le sujet le plus discuté sur les lignes de piquetage. Les profs subissent elles aussi les contrecoup­s des inégalités qui se creusent.

La population a soif d’espoir. D’espoir en notre réseau d’éducation, en un réseau égalitaire et qui s’occupe de tous les élèves, peu importe le revenu de leurs parents ou l’endroit où ils vivent au Québec.

Comme députée de Québec solidaire qui a fréquenté l’école publique à une époque où les inégalités étaient moins marquées qu’aujourd’hui, je veux travailler à ce que les parents du Québec fassent le même choix que celui que mes parents avaient fait pour moi. Mais pour ça, il faut nous attaquer sérieuseme­nt aux inégalités de notre système d’éducation.

Célébrons la vie et l’engagement de Guy Rocher. Inspirons-nous de son parcours et de son oeuvre pour notre école publique.

Et pour cadeau à M. Rocher, offronsnou­s un réseau d’éducation qui élimine les inégalités et offre le meilleur aux enfants du Québec. notre réseau d’éducation et qui nuit principale­ment aux élèves.

Aujourd’hui, pour son centenaire, nous devons entendre et bien écouter ce qu’il dit sur notre école québécoise. Ce qu’il nous dit est aussi pertinent que ce qu’il nous disait dans les années 1960 sur l’état de l’instructio­n publique, où les inégalités étaient criantes. Manifestem­ent, nous assistons à un retour en arrière.

Soif d’espoir

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