CBC/Radio-Canada, « l’enfant qui criait au loup »
Son syndicat déplore le fait que le diffuseur public a précipité son annonce de décembre dernier, qui annonçait l’abolition de 800 postes
Le syndicat des employés de RadioCanada reproche au diffuseur public d’avoir entretenu la panique durant plus de cinq mois au sein de ses rangs en annonçant en décembre dernier des compressions majeures, qui devaient se solder par l’abolition de 800 postes au pays. Au bout du compte, les licenciements seront beaucoup moins importants que ce qui était prévu grâce aux fonds supplémentaires alloués à CBC/RadioCanada dans le récent budget fédéral.
« CBC/Radio-Canada s’est comporté comme l’enfant qui criait au loup. On se rend compte aujourd’hui que c’était précipité comme annonce. Ça a eu comme conséquence de créer un vent d’anxiété parmi les employés comme je n’en ai jamais vu à RadioCanada », a déploré mercredi le président du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada (STTRC), Pierre Tousignant.
Rappelons qu’après des semaines de rumeurs, CBC/Radio-Canada avait convoqué en décembre l’ensemble de ses employés pour leur annoncer que des compressions de 125 millions étaient nécessaires, citant entre autres une baisse du financement public. En tout, 800 postes, dont 200 déjà vacants, devaient être abolis dans tout le pays pour y arriver.
Mais Ottawa a depuis indiqué que CBC/Radio-Canada n’aurait pas à se plier à l’objectif de réduction des dépenses de 3,3 % imposé à la plupart des organismes fédéraux. Puis, le gouvernement a annoncé mardi dans son nouveau budget une aide supplémentaire de 42 millions de dollars au diffuseur public pour la production d’émissions d’actualité et de divertissement.
Cet investissement a aussitôt amené la direction de CBC/RadioCanada à faire savoir qu’il n’y aurait pas de nouvelles compressions cette année. D’aucuns auront alors vu dans l’annonce de décembre une manière pour la société d’État de faire pression sur le fédéral pour aller chercher un financement accru. D’autant plus que Catherine Tait, la p.-d.g. du diffuseur public, avait déjà laissé entendre que les compressions pourraient être revues à la baisse advenant une bonification du financement public.
« Je ne suis pas dans la tête de Catherine Tait, mais j’ose croire que les employés n’ont pas été utilisés dans un contexte de négociation. Je ne suis pas porté à croire aux théories du complot, il faut dire. Je crois par contre à l’incompétence et à la précipitation », a avancé pour sa part Pierre Tousignant.
Suppression de près de 350 postes
Le président du STTRC, affilié à la CSN, est sur le qui-vive depuis décembre. Au sein de Radio-Canada, des licenciements ont été annoncés au compte-gouttes, mais tout le monde gardait à l’esprit que le pire était à venir. La grande hécatombe tant redoutée ne se sera finalement pas avérée. Reste que 141 personnes dans tout le pays ont perdu leur emploi depuis décembre. Qui plus est, 205 postes vacants ont été abolis.
« On est bien loin des 800 postes éliminés dont on nous avait parlé en décembre, c’est vrai, mais ça reste quand même qu’il y a 346 postes abolis. C’est presque la moitié de ce qui avait été annoncé au départ, mais ça demeure important », de souligner M. Tousignant.
Jointe par Le Devoir mercredi, la direction de CBC/Radio-Canada n’a pas voulu préciser dans quels secteurs les 346 postes abolis se trouvent. Impossible de savoir si CBC et Radio-Canada ont écopé de la même manière des compressions. « C’est un gros manque de transparence de ne pas dévoiler ces chiffres-là », dénonce le président du STTRC, qui représente la plupart des employés au Québec.
La Guilde des médias, le principal syndicat au Canada anglais, rapporte avoir reçu une vingtaine d’avis de licenciement en cinq mois. Ces chiffres ne comptabilisent pas cependant les postes libérés par des démissions ou des départs à la retraite et abolis par la suite.
Au sein des Services français, on sait que la division des communications et du marketing a été amputée de 21 de ses membres en janvier : un nombre qui comprend des cadres, des syndiqués et des postes vacants. Une vingtaine de postes dans les secteurs de la télévision et des médias numériques ont aussi été visés par des compressions en février.
L’information épargnée
Des départs à la retraite ont été facilités dans tous les secteurs sans qu’il y ait remplacement. Il n’y a par contre eu aucun licenciement en information, à la radio et dans les régions. « C’est rassurant qu’aucun journaliste n’ait perdu son emploi. C’est une bonne nouvelle. On peut s’en réjouir », a déclaré le président de la Fédération professionnelle des journalistes (FPJQ), Éric-Pierre Champagne.
D’importantes pertes d’emploi en journalisme étaient appréhendées il y a encore quelques semaines, non seulement à Radio-Canada, mais aussi à TVA. Le principal réseau de télévision privé au Québec avait prévu une grande cure minceur pour son secteur de l’information, mais les compressions ont finalement été limitées. Dans certaines stations régionales de TVA, la dernière convention collective est même venue créer de nouveaux postes de journaliste sur le terrain.
« Ça fait moins mal qu’on pensait pour Radio-Canada et TVA. Mais il ne faudrait pas penser pour autant qu’il n’y a pas de crise des médias. La crise reste bien réelle. Il y a beaucoup de médias locaux, des hebdos notamment, qui en arrachent présentement », affirme le président de la FPJQ.