Le Devoir

Du « public-privé » libéral au « tout-auprivé » caquiste

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Voilà encore la Coalition avenir Québec (CAQ) qui pige allègremen­t dans les finances publiques, cette fois pour arroser de 2,6 milliards de dollars, pour le pont de l’île d’Orléans, précédemme­nt estimé à 400-600 millions, le secteur privé. Le tout n’est possible que si tous les risques de dépassemen­t de coûts sont laissés au privé. Celui-ci fait les mêmes analyses de devis techniques, de risques et de coûts estimés que le ministère des Transports, mais il lui en facture l’ensemble à l’avance, peu importe qu’elles aient été nécessaire­s ou pertinente­s. L’expertise du ministère n’est plus requise, et il ne pourra en rien gérer les travaux, ni continuer à développer et à améliorer sa propre expertise, notamment par l’embauche des meilleurs ingénieurs et experts. Il aura seulement à signer des chèques faits de nos revenus adressés au consortium « choisi », souvent unique.

Nos brillants ministres caquistes, comme les libéraux pendant des décennies, délaissent sans gêne l’expertise technique gouverneme­ntale en travaux publics pour faire passer l’argent vers le secteur privé de la constructi­on. On remarquera que la procédure comprend régulièrem­ent un retour des élus dans le secteur privé après leur « carrière » politique.

C’est un gaspillage de nos taxes et de nos impôts, en plus de ceux des monopoles d’État, qui profite à gros prix aux quelques acteurs privés, avec en prime la perte constante de notre expertise gouverneme­ntale en matière industriel­le et technique, voire la faiblesse de celle en gestion informatiq­ue, mais aussi la perte des capacités d’évolution vers les meilleures pratiques. L’État doit pourtant favoriser ces pratiques, et non celles que lui impose un quasi-monopole du privé. Du partenaria­t « public-privé » libéral, nous sommes passés au « toutau-privé » avec la CAQ.

Il faut radicaleme­nt changer de méthodes et reprendre en main notre propre gestion nationale des grands travaux. Et nos finances publiques, ainsi que notre expertise gouverneme­ntale dans tous les domaines. Elles ne sont pas des pots de biscuits destinés aux députés et aux ministres de la CAQ pour qu’ils fassent des cadeaux électoraux à grande échelle ou simplement des transferts massifs au secteur privé par manque d’imaginatio­n, de connaissan­ces ou de leadership. Un ministre n’est pas un p.-d.g., et un État n’est simplement pas une « multinatio­nale », sur le plan économique, comme une autre… Il faut être contre cette privatisat­ion constante du Québec. Et cette mauvaise gestion gouverneme­ntale. Michel Villeneuve

Le 16 avril 2024

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