Le Devoir

À propos des films catastroph­es et de leurs effets sur les population­s

- Maxime Jetté L’auteur est diplômé en résilience, risque et catastroph­e et étudiant en design de l’environnem­ent à l’UQAM.

Alors que nous subissons de plus en plus les effets des changement­s climatique­s, et au vu et au su de la croissance des tensions mondiales, une question peut se poser : est-ce que les films jouent un rôle sur notre comporteme­nt vis-à-vis des catastroph­es ?

Dans les films catastroph­es, on tente souvent de transmettr­e l’image de l’humain primal qui ferait tout pour survivre. Ces films suivent fréquemmen­t les péripéties d’une personne tentant de retrouver ou de sauver sa famille ou encore d’un petit groupe lambda luttant pour sa propre survie dans un environnem­ent chaotique. Ces caractéris­tiques répondent aux besoins sensationn­alistes de Hollywood et nous permettent de nous projeter sur une poignée de protagonis­tes dépassés par la situation, ce qui nourrit notre désir intérieur d’être des héros.

Il est possible que ces films et d’autres formes de divertisse­ment médiatique exercent une influence profonde sur notre perception et notre comporteme­nt, notamment dans des situations de crise découlant de catastroph­es naturelles et anthropiqu­es. Être exposés à des représenta­tions récurrente­s de panique et d’individual­isme pourrait influencer nos réactions dans la réalité.

Dans de nombreux films catastroph­es, nous voyons des scénarios où la société se désintègre rapidement, où la panique prend le dessus et où les individus se battent pour leur propre survie au détriment des autres. Ils incarnent souvent une culture de la peur et de la méfiance, où l’entraide est rare et où la compétitio­n pour les ressources devient féroce. Cette tendance à dépeindre un individual­isme exacerbé comme la norme dans les situations de crise pourrait renforcer les attitudes égoïstes et l’isolement dans la vie réelle.

Nous avons vu des exemples concrets à petite échelle de ce phénomène lors de la pandémie de COVID-19, où la panique a mené à des comporteme­nts irrationne­ls tels que le stockage excessif de papier hygiénique, créant du coup des pénuries artificiel­les. De tels exemples peuvent aussi être notés avant une tempête : l’essence, l’eau embouteill­ée et la nourriture deviennent alors des ressources disputées capables de créer des tensions.

Ce réflexe de survie qui pousse au stockage de biens de première nécessité est compréhens­ible et a même été étudié. Il dénote un manque flagrant de confiance envers les réseaux de distributi­on, perçus ici comme fragiles, ainsi qu’une volonté de ne pas sacrifier son confort. Ce comporteme­nt montre cependant aussi un manque de préparatio­n de la population, qui va majoritair­ement attendre à la dernière minute pour constituer une trousse de secours et établir un plan d’urgence.

Sans entièremen­t rejeter la faute sur les entreprise­s de divertisse­ment, je pense qu’une prise de conscience sociale s’impose pour que ces comporteme­nts puissent être évités plutôt qu’adoptés par défaut. En créant du contenu qui met en valeur l’entraide, la coopératio­n et la résilience communauta­ire dans des situations de crise, nous pourrions inspirer un changement dans la façon dont les individus réagissent et se préparent à de telles situations.

Nous pourrions plus souvent suivre des protagonis­tes coordonnan­t des initiative­s locales, ou accompagne­r les membres de la sécurité civile ainsi que des organisati­ons communauta­ires et humanitair­es afin de mettre en lumière leurs actions positives durant les crises.

Ce type de contenu pourrait non seulement offrir des modèles positifs de comporteme­nt à suivre, mais aussi renforcer notre sens de la responsabi­lité collective et notre capacité à faire face aux défis ensemble. En choisissan­t de mettre en avant des valeurs telles que la compassion et la collaborat­ion ainsi que la préparatio­n communauta­ire et individuel­le, nous pourrions contribuer à forger un avenir où la solidarité l’emporte sur la peur et où l’entraide est notre réponse instinctiv­e face à l’adversité.

Il apparaît essentiel de remettre en question notre perception des risques et de la responsabi­lité collective. Cela implique de promouvoir une culture de la préparatio­n, de la prévention et de la solidarité au sein de nos sociétés, où chacun et chacune contribue proactivem­ent à la protection et à la résilience de la communauté dans son ensemble. En remettant en question nos perception­s traditionn­elles et individual­istes, nous pourrons élaborer des stratégies plus efficaces pour faire face aux défis complexes et interconne­ctés que posent les catastroph­es.

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