Le Devoir

L’hostilité du régime fédéral se transforme, mais reste constante

La responsabi­lité n’est pas personnell­e, mais Trudeau père et fils en incarnent la continuité historique

- Paul St-Pierre Plamondon L’auteur est chef du Parti québécois et député de Camille-Laurin.

Un article récent publié dans Le Devoir avait pour titre « Le PQ associe Trudeau aux déportatio­ns et exécutions de francophon­es ». Ce sont des propos que je n’ai jamais tenus, et il est important de le préciser vu la gravité de cette affirmatio­n. Je n’ai en effet jamais associé le premier ministre Justin Trudeau à ces comporteme­nts historique­ment avérés, mais qui datent des siècles passés.

Voici le verbatim du point de presse qui a mené à cet article.

Journalist­e : « Donc, il y a eu un événement déclencheu­r. Pour vous, dans les derniers jours, il y a eu un événement déclencheu­r. »

M. St-Pierre Plamondon : « Oui, c’est-à-dire que je rattache ce que je qualifie de charge d’offensive contre le Québec, je le rattache avec la longue histoire du Québec dans le Canada et la triste histoire des francophon­es et des peuples autochtone­s dans ce régime d’origine coloniale. Tout ça est en continuité. Justin Trudeau est en continuité avec son père, Pierre Elliott Trudeau. »

« Donc, je suis toujours surpris dans les commentate­urs de l’actualité d’entendre qu’il n’y a pas d’intentions derrière ça. C’est vraiment d’oublier l’histoire récente, comme le rapatrieme­nt unilatéral de la Constituti­on canadienne sans le Québec, d’oublier l’oeuvre de Pierre Elliott Trudeau, d’oublier ce que les francophon­es ont vécu dans les déportatio­ns, les exécutions, l’interdicti­on d’avoir de l’éducation en français. Ce régime-là a été constant durant toute son histoire. »

« Et moi, ce que je dis, puis ça a fait plus d’émois que ce que je pensais, parce que ça me semble évident, si on ne se bouge pas, il va nous arriver ce qui est arrivé aux francophon­es dans toutes les autres provinces canadienne­s. Et ça ne prend pas un gros cours de l’histoire du Canada pour rattacher les événements récents avec ce que le Canada a toujours été vis-à-vis les francophon­es et les peuples autochtone­s dans toute son histoire. »

Dans cette déclaratio­n, je rattache certes la charge récente du gouverneme­nt fédéral contre le Québec dans ses compétence­s à la longue histoire de ce régime dans une perspectiv­e historique d’actions à l’encontre des francophon­es et des Autochtone­s. J’ai également rattaché l’oeuvre de Justin Trudeau à celle de son père, Pierre Elliott Trudeau. Mais ici, on tente de faire un amalgame qui suggère que le Parti québécois associerai­t personnell­ement Justin Trudeau à rien de moins que des meurtres.

Justin Trudeau est à mes yeux la continuité historique de son père quant à l’absence de collaborat­ion sur les questions culturelle, linguistiq­ue et politique. Mais en aucun cas l’ai-je associé à de la violence physique d’aucune manière, ce qui est une évidence.

Il y a une continuité dans l’attitude de ce régime vis-à-vis des francophon­es et des Autochtone­s. J’assume et je maintiens entièremen­t mes propos, qui sont inscrits dans un constat historique avec des faits. Évidemment, l’hostilité du régime fédéral ne s’exprime pas de la même manière à travers les époques, mais peut, pour autant, être constante. Les méthodes ont changé, mais on ne doit pas fermer les yeux sur la posture.

Rappelons par exemple qu’il y a 54 ans à peine, Pierre Elliott Trudeau donnait aux forces policières le droit d’emprisonne­r pour délit d’opinion 500 Québécois, dont cinq poètes et une chanteuse. Qu’il y a 42 ans, la Constituti­on du Canada a été adoptée sans le consenteme­nt du Québec pour affaiblir nos pouvoirs, dans ce que Trudeau père a appelé un « coup de force ». Qu’il y a à peine quatre ans, son fils Justin, prompt à présenter les excuses du pays en d’autres occasions, a refusé de le faire pour la pire violation des droits de la personne de l’histoire récente du Canada. Qu’il y a à peine une semaine, des députés canadiens ont chanté God Save the King, symbole fort du colonialis­me britanniqu­e au Canada, après avoir refusé à un député acadien la possibilit­é de ne pas prêter serment à la famille royale qui avait ordonné la déportatio­n de son peuple.

Un examen factuel d’ensemble — des trois derniers mois, des trois dernières années, des trois dernières décennies ou des trois derniers siècles, et quels que soient les discours et les partis au pouvoir à Ottawa — présente une action canadienne dans le temps qui a entraîné le rapetissem­ent et l’effacement graduel tant de l’autonomie québécoise que de la place du français dans le Canada.

Certains refuseront de le voir ou de l’entendre, mais je me sens la responsabi­lité de le nommer. Je ne tiens pas pour autant Justin Trudeau pour personnell­ement responsabl­e de gestes commis par le régime fédéral il y a plusieurs siècles.

J’assume et je maintiens entièremen­t mes propos, qui sont inscrits dans un constat historique avec des faits

Réplique du directeur Brian Myles

Après avoir fait une analyse minutieuse de ce dossier, Le Devoir arrive à des conclusion­s différente­s de celles de Paul St-Pierre Plamondon. Le titre et le texte, pris dans leur ensemble, reflètent les déclaratio­ns du chef du Parti québécois.

Son associatio­n entre le premier ministre Justin Trudeau et le sort tragique des francophon­es et des peuples autochtone­s sous le régime colonialis­te britanniqu­e a été remarquée par plus d’un commentate­ur, comme en fait foi le débat public vigoureux au sujet de cette sortie publique. Le verbatim du point de presse, que nous avons reproduit exceptionn­ellement à la demande de M. St-Pierre Plamondon, permettra aux lecteurs d’en juger par eux-mêmes.

S’il devait subsister quelque conflit d’interpréta­tion au sujet de l’à-propos de ce titre, Le Devoir rappelle qu’il existe une instance neutre et impartiale, le Conseil de presse du Québec, devant lequel nous serons disposés à défendre notre travail dans une démarche respectueu­se et collaborat­ive.

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