Le Devoir

Fitzgibbon croit que le Québec aura « un jour » besoin du nucléaire

Le ministre est favorable à la tenue d’un débat qui permettrai­t d’éveiller les Québécois à ce potentiel énergétiqu­e

- ALEXANDRE ROBILLARD CORRESPOND­ANT PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC LE DEVOIR

Le Québec devra « un jour » utiliser le nucléaire pour atteindre ses objectifs de décarbonat­ion d’ici 2050, a déclaré jeudi le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon.

Le politicien entrevoit que la question sera abordée d’ici 18 mois, quand le gouverneme­nt évaluera les ressources à sa dispositio­n pour réduire les gaz à effet de serre.

« Le nucléaire va devenir essentiel dans le monde pour décarboner, pour avoir de l’énergie à bas carbone. Au Québec, on n’est pas là parce qu’on n’a jamais expliqué pourquoi le nucléaire pourrait s’insérer dans nos ressources énergétiqu­es », a-t-il déclaré au Devoir, en marge de l’étude des crédits budgétaire­s de son ministère.

Le ministre a récemment visité la centrale nucléaire de Darlington, en Ontario, une installati­on exploitée par Ontario Power Generation.

« Ils ont quatre réacteurs CANDU, ils vont bâtir quatre petits réacteurs modulaires et il y a un parc en arrière où les enfants vont là avec leur famille la fin de semaine, a-t-il raconté. Les Ontariens ont métabolisé que le nucléaire, il n’y a pas d’enjeu de sécurité. »

Un jour

M. Fitzgibbon sait que l’opinion publique québécoise craint encore les risques pour la sécurité dans l’exploitati­on de l’énergie nucléaire. Il donne l’exemple de la catastroph­e de Fukushima, en 2011, qui a précédé la décision du gouverneme­nt du Québec de fermer la centrale nucléaire Gentilly-2, au Québec.

Personnell­ement, M. Fitzgibbon considère que l’énergie nucléaire sera incontourn­able pour accomplir la transition énergétiqu­e du Québec. « Je pense qu’il faudra l’utiliser un jour », a-t-il dit.

Selon le ministre, des limites pourraient bientôt apparaître quant au potentiel de moyens comme l’hydroélect­ricité, l’éolien, le solaire et le gaz naturel renouvelab­le d’assurer l’atteinte des cibles de 2050.

« D’ici un an, un an et demi, on va peut-être réaliser que faire dix barrages pour avoir de l’énergie renouvelab­le, ce ne sera pas réaliste, que peutêtre que des éoliennes, il n’y en aura pas dans ma cour à Terrebonne, que peut-être le solaire, il n’y en aura pas assez ici. Peut-être qu’il n’y aura pas assez de résidus pour faire du gaz naturel renouvelab­le. Conséquemm­ent, il va manquer d’énergie propre pour décarboner », a-t-il expliqué.

M. Fitzgibbon est conscient qu’en ce moment, la preuve reste à faire que le nucléaire pourrait être utilisé au Québec.

« Est-ce que le Québec va vouloir embarquer là-dedans ? Aujourd’hui, la réponse est non parce qu’on a encore une perspectiv­e qu’on a assez d’eau, de vent, pour ne pas prendre le nucléaire », a-t-il reconnu.

Éduquer

M. Fitzgibbon présentera d’ici juin un projet de loi très attendu sur le secteur de l’énergie, qui prévoira la conception d’un plan de gestion intégré des ressources. Le rôle du ministre sera alors de susciter un débat où les experts viendront s’exprimer.

« Il faut éduquer la population, il faut expliquer à la population pourquoi les Américains, pourquoi l’Ontario prennent le nucléaire et que c’est sain pour la communauté, a-t-il dit. Au Québec, on n’a pas eu ce débat parce qu’on n’a pas eu besoin de l’avoir. Avec l’eau et l’électricit­é, on avait des surplus. »

M. Fitzgibbon croit que le gouverneme­nt n’a pas, jusqu’ici, « bien expliqué quel rôle pourrait jouer le nucléaire au Québec ».

La gestion des résidus nucléaires constitue toutefois un défi important, souligne le ministre, qui a observé à Darlington cinq conteneurs de stockage où sont entreposés les déchets du dernier quart de siècle.

« Tu dis oups ! Il y a de l’uranium là-dedans, a-t-il dit. Moi-même, je ne serais pas capable de vous convaincre que ce ne serait pas dangereux. Il y a du travail à faire. »

Le nucléaire va devenir essentiel dans le monde pour décarboner, pour avoir de l’énergie à bas carbone. Au Québec, on n’est pas là parce qu’on n’a jamais expliqué pourquoi le nucléaire pourrait s’insérer dans nos ressources énergétiqu­es. PIERRE FITZGIBBON »

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JACQUES GRENIER ARCHIVES LE DEVOIR Les centrales nucléaires Gentilly-2 (à gauche) et Gentilly-1 (à droite) en juin 1979.

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