Les portions ne rapetissent pas toujours
Les sacs individuels de croustilles restent deux ou trois fois plus gros aujourd’hui qu’ils l’étaient à l’origine
Le contenu des sacs de croustilles et des boîtes de biscuits n’a pas toujours diminué. Il est même arrivé, dans le passé, que ce soit l’inverse qui se produise.
Le sujet a même fait l’objet d’études très sérieuses dont l’intérêt principal n’était pas de documenter l’impact de la hausse du coût des intrants sur les formats des produits offerts, mais plutôt l’impact de l’augmentation de la taille des portions sur le poids des consommateurs.
On y rappelle, par exemple, que les premières bouteilles de Coca-Cola, en 1916, ne venaient que dans un seul format et n’avaient qu’une capacité de 177 ml, alors qu’aujourd’hui on ne trouve rien de plus petit que des « minicanettes » de 222 ml, aux côtés desquelles apparaissent toutes sortes d’autres formats plus gros, allant jusqu’à 2 litres. Quant aux sacs individuels de croustilles, le plus petit (38 g) et le plus gros (65 g) de la marque Yum Yum qu’avaient trouvés, en 2019, les auteurs d’une étude de l’Institut national de santé publique du Québec étaient deux ou trois fois plus volumineux que leur première version en 1966 (22 g).
Commencé dans les années 1970, mais particulièrement marqué entre la fin des années 1980 et celle des années 1990, cet accroissement de la taille des portions a été à l’avenant pour les barres de chocolat, les sacs de bonbons, les bâtonnets glacés ou les repas dans les chaînes de restauration rapide. Dans ce dernier cas, le format original des frites de McDonald’s en 1955 (68 g), par exemple, a depuis longtemps été dépassé, non seulement
par la grosse (178 g) et la moyenne (110 g) portions, mais même par la petite (75 g).
Un pouvoir d’achat changeant
Ces histoires sont de bons exemples de deux phénomènes qui ont aussi été observés dans d’autres industries, explique Maryse Côté-Hamel, professeure en sciences de la consommation à l’Université Laval. D’une part, elles découlent de l’avancement des méthodes de production qui ont permis de fabriquer et de vendre ces produits alimentaires à moindre coût. D’autre part, elles traduisent une augmentation du pouvoir d’achat des ménages, « pour qui le prix de ces produits en proportion de leur budget est devenu relativement plus abordable, ce qui leur a permis d’en acheter plus souvent et en plus grande quantité ».
C’est le même phénomène qui s’est produit avec les télévisions à écran plat, donne-t-elle comme exemple. Là aussi les premiers modèles étaient chers, pas si évolués et réservés aux consommateurs les plus aisés. Mais avec l’avancement technologique et la production de masse, de meilleurs modèles beaucoup moins chers se sont graduellement répandus.
Par ailleurs, lorsque l’augmentation des coûts de production de biens ou de services se produit en période de relative prospérité, les entreprises chercheront moins à ruser avec les consommateurs et la feront passer plus volontiers directement sous forme d’une hausse équivalente des prix, explique Maryse Côté-Hamel. C’est lorsque l’augmentation des coûts de production est exceptionnellement forte ou qu’elle se produit alors que les ménages sont plus serrés dans leurs budgets — comme lors de crises économiques — que les entreprises auront tendance à avoir recours à des stratégies de réduflation ou de déqualiflation.
Le monde du transport aérien a traversé des périodes similaires, note Marc-Antoine Vachon, professeur et titulaire de la Chaire de tourisme Transat de l’Université du Québec à Montréal. Là encore, les voyages en avion ont longtemps été réservés à une certaine élite économique. L’invention de plus gros appareils, l’apparition de transporteurs au rabais et les incitatifs offerts par des pays voulant attirer les touristes ont entraîné une démocratisation du transport aérien.
« Nous assistons peut-être aujourd’hui à une forme de retour du balancier, avec la consolidation des compagnies aériennes, l’atteinte d’une certaine maturité de certaines destinations et une meilleure prise en compte des coûts environnementaux du transport aérien. »