Le Devoir

Les leaders peuvent changer de cap avant qu’on n’atteigne la planète plastique

Ce qui n’était au départ qu’une invention étonnante s’est transformé en une crise planétaire

- William Shatner

L’auteur est un acteur canadien qui a incarné le capitaine James Tiberius Kirk dans Star Trek. Il est également l’auteur de Boldly Go: Reflection­s on a Life of Awe and Wonder (Atria Books).

Lorsque l’USS Enterprise a fait son apparition sur nos écrans, il y a plus d’un demi-siècle, les oeuvres de science-fiction regorgeaie­nt de personnage­s en quête de nouveaux horizons spatiaux, leurs auteurs et autrices se plaisant à imaginer ce à quoi l’avenir pourrait ressembler.

Ayant incarné l’un de ces protagonis­tes de l’espace pendant près de 30 ans dans Star Trek, j’ai un message à transmettr­e aux leaders du monde entier : imaginez un avenir sans plastique.

Si le capitaine James Kirk visitait la Terre aujourd’hui, il l’appellerai­t sans doute la planète plastique. Des plus hautes montagnes aux fosses océaniques les plus profondes, en passant par l’air que nous respirons et le sang qui circule dans notre corps, cette substance éternelle s’est avérée être l’ultime vainqueur de la course à travers le temps et l’espace. Les déchets plastiques et les microplast­iques présents dans les océans peuvent désormais être vus depuis l’espace.

Ce qui n’était au départ qu’une invention étonnante s’est transformé en une crise planétaire. La quantité de plastique produite dans le monde est passée d’environ 15 millions de tonnes à plus de 300 millions de tonnes au cours des cinquante dernières années. En termes d’animaux, nous avons produit l’équivalent de 80 millions de baleines bleues en plastique depuis les années 1950. Combien de vaisseaux spatiaux pourrait-on remplir avec tout ce plastique ?

J’aimerais pouvoir dire que tout cela relève de la science-fiction, mais ce n’est pas le cas.

La réalité parle d’elle-même. De tout le plastique produit chaque année au Canada et ailleurs dans le monde, environ 9 % seulement est recyclé. Le reste finit dans nos décharges, nos incinérate­urs, nos cours d’eau, nos parcs et à l’intérieur de notre corps, étranglant au passage des animaux. Les communauté­s marginalis­ées, y compris les communauté­s autochtone­s au Canada, font face à des impacts sanitaires disproport­ionnés découlant de la pollution plastique, souvent en raison de la proximité d’installati­ons pétrochimi­ques où le plastique est fabriqué.

Alors que la transition vers les énergies propres menace les profits de l’industrie pétrolière et gazière, celle-ci fait de la production de plastique sa bouée de sauvetage. Après tout, 99 % des plastiques sont fabriqués à partir de combustibl­es fossiles. Le pipeline pétrole-plastique est bien réel et coule à flots. En fait, si l’industrie parvient à ses fins, la production de plastique pourrait tripler d’ici 2050.

Mais nous avons une occasion exceptionn­elle de couper court à son manège et de nous concentrer sur des solutions à la hauteur de la crise. Des solutions telles que la réduction de la production de plastique pour garder le pétrole et le gaz dans le sol et maintenir le réchauffem­ent climatique en dessous de 1,5 °C, d’autant plus que le plastique pollue à chaque étape de son cycle de vie. Des solutions comme l’abandon du mythe du recyclage et la mise en place de systèmes de réutilisat­ion accessible­s et plus viables qui ne laissent personne de côté. Des solutions qui centrent, affirment et défendent les droits des communauté­s autochtone­s et ouvrent la voie à un avenir juste et sans plastique.

C’est ce qui sera en jeu lors de la rencontre du Comité intergouve­rnemental de négociatio­n (CIN-4) à Ottawa, à savoir la réunion où un traité mondial sur les plastiques sera négocié. Il s’agit de la quatrième session d’une série de cinq, et le temps presse. Dans quelques semaines, les gouverneme­nts devront défendre des solutions fondées sur la science et la justice : le traité doit réduire la production de plastique et mettre fin aux plastiques à usage unique pour résoudre cette crise mondiale.

Cela commence par le Canada. En tant que pays hôte, notre gouverneme­nt fédéral a la responsabi­lité et l’occasion de revigorer les négociatio­ns et d’établir des objectifs ambitieux. Et il est bien placé pour le faire. Il a déjà donné son appui à une plus grande protection de la mer et de la terre, à des engagement­s climatique­s et à l’objectif zéro déchet d’ici 2030. Il doit maintenant déployer cet engagelà, ment à l’échelle mondiale et rallier d’autres pays pour parvenir à un traité solide qui contribuer­a à la réalisatio­n de ces objectifs.

À l’instar du capitaine résolu que j’ai incarné, le Canada et les autres pays doivent maintenir le cap, même s’ils se heurtent à une puissante opposition. Et ils doivent se laisser guider par la forte majorité de personnes préoccupée­s par l’impact environnem­ental de la pollution plastique et favorables à une action urgente et audacieuse pour y mettre un terme.

La CIN-4 sera l’occasion pour les gouverneme­nts de choisir leur camp. Se rangeront-ils du côté de l’industrie ou des communauté­s ? Les gens et la planète prévaudron­t-ils sur le plastique ? Plus de 48 000 personnes au Canada et 2,2 millions de personnes dans le monde ont déjà fait leur choix. Et vous savez autant que moi ce que le capitaine James Kirk choisirait.

La quantité de plastique produite dans le monde est passée d’environ 15 millions de tonnes à plus de

300 millions de tonnes au cours des cinquante dernières années. En termes d’animaux, nous avons produit l’équivalent de 80 millions de baleines bleues en plastique depuis les années 1950.

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