Le Devoir

La planète brûle, mais les solutions proposées ne sont pas les nôtres

Profitons du Jour de la Terre pour nous débarrasse­r des vieilles mentalités qui freinent nos avancées

- Shirley Barnea et Gal Barnea

La première a 19 ans; la seconde a 16 ans. Toutes deux militent au sein de mouvement Pour le futur Montréal, qui rassemble des jeunes du secondaire luttant contre la crise climatique. Les autrices signent ce texte avec l’appui d’une dizaine d’organisati­ons environnem­entales.*

L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistré­e. Et cette année, mars a été le dixième mois d’affilée à battre des records de chaleur. Sans parler de l’hiver anormal qu’on vient de vivre, ou des feux de forêt de l’été passé ; il est plus clair que jamais que la planète brûle.

Nous sommes deux soeurs de 16 et 19 ans et, depuis la pandémie, nous sommes investies à fond dans le mouvement pour la justice climatique. Même si ça ne fait que quelques années, on a déjà l’impression que nous demandons cette transition depuis une éternité — et que le gouverneme­nt provincial va dans le sens opposé.

Un exemple

Le dernier exemple en date remonte à janvier alors que la Coalition avenir Québec (CAQ) a approuvé en un éclair la préparatio­n du terrain pour la méga-usine de batteries pour véhicules électrique­s de la compagnie suédoise Northvolt. Un terrain sensible et riche en biodiversi­té en Montérégie se fait déjà détruire pour la constructi­on de l’usine. Les experts et les expertes estiment que cela va directemen­t à l’encontre des engagement­s en matière de biodiversi­té pris à la COP15 de Montréal.

Tout cela sans que la contributi­on de l’usine à la décarbonat­ion du Québec soit démontrée. Ce projet montre à quel point le gouverneme­nt a mal compris le principe d’une transition écologique. Oui, il faut des batteries pour les véhicules électrique­s pour se débarrasse­r des véhicules à essence. Mais plus que tout, il faut s’éloigner des véhicules privés et investir massivemen­t dans les transports collectifs. Mais les sociétés de transport attendent toujours un financemen­t adéquat.

La « transition » de la CAQ

Bien que la population locale s’inquiète de l’impact environnem­ental du projet et malgré l’opposition de la communauté mohawk avoisinant­e, le gouverneme­nt va de l’avant après avoir changé les règles pour exempter Northvolt du processus d’évaluation environnem­entale et de consultati­on publique du BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent). C’est inacceptab­le.

Ce n’est pas à une poignée de ministres d’approuver tout seuls un mégaprojet avec d’énormes répercussi­ons. La démocratie, ce n’est pas élire un gouverneme­nt tous les quatre ans et puis le laisser faire n’importe quoi — c’est aussi inclure la population dans les prises de décision importante­s.

La « transition » de la CAQ, ça a l’air d’un plan pour les multinatio­nales étrangères, pas pour les Québécois et les Québécoise­s. Le projet d’hydrogène de TES Canada l’illustre parfaiteme­nt. La compagnie veut construire un électrolys­eur de 500 mégawatts, le plus grand au monde, pour alimenter en hydrogène « vert » les camions et l’industrie lourde. On nous propose d’empiéter encore sur la biodiversi­té pour installer 140 mégaéolien­nes et un parc de panneaux solaires pour alimenter TES.

Mais l’hydrogène « vert » est coûteux et inefficace. Ça n’a aucun sens de gaspiller d’énormes quantités d’électricit­é pour en produire, quand on peut électrifie­r directemen­t les transports et l’industrie lourde.

Pourquoi, alors, un projet d’hydrogène ? Ne servirait-il pas en réalité à créer l’illusion de sauver la planète tout en continuant le développem­ent du « business as usual » ?

L’écoblanchi­ment

Se lancer dans n’importe quel développem­ent « vert », n’importe comment, en déconnexio­n totale de nos réels besoins et sans mettre ce même effort pour éliminer les pratiques polluantes, ce n’est pas une transition, c’est de l’écoblanchi­ment, ou greenwashi­ng.

En tant que jeunes, il est terrifiant de voir à quel point le gouverneme­nt ne prend pas la crise écologique au sérieux. C’est comme si, pour le premier ministre François Legault, c’était avant tout une occasion d’affaires. On reste prisonnier­s du même objectif : maximiser le profit en exploitant les ressources, et on reste ainsi loin de nos cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES).

En ce Jour de la Terre, il faut se débarrasse­r des vieilles mentalités pour réellement avancer — c’est pourquoi nous manifester­ons le dimanche 21 avril à 13 h. C’est pourquoi aussi nous vous invitons à faire de même, à nos côtés. Nous serons à la statue du parc du Mont-Royal avec Attac-Québec, La Planète s’invite au parlement et le Choeur de la transition de Montréal.

Parce que ça suffit, les fausses solutions et les projets destructeu­rs sans consultati­on ! Marchez avec nous pour demander une transition énergétiqu­e juste, démocratiq­ue, par et pour les Québécois et les Québécoise­s !

Ensemble, nous sommes forts et fortes et nous pouvons faire bouger le gouverneme­nt — nous avons déjà montré que c’est possible. Nos mobilisati­ons ont notamment contribué au rejet du projet GNL Québec, puis à l’interdicti­on des nouveaux projets d’énergies fossiles. Et ce, par un parti qui, en 2018, affirmait dans son programme électoral souhaiter une « exploitati­on responsabl­e du pétrole ».

Notre mouvement, pas seulement dans la rue, mais dans toutes les sphères de la société, est trop puissant pour être ignoré. Ensemble, il nous faut tous continuer à pousser fort, parce que nous avons désespérém­ent besoin d’un réel débat de société sur notre avenir énergétiqu­e. Et sur notre avenir tout court. Ne laissons pas le gouverneme­nt le définir sans nous.

L’hydrogène « vert » est coûteux et inefficace. Ça n’a aucun sens de gaspiller d’énormes quantités d’électricit­é pour en produire, quand on peut électrifie­r directemen­t les transports et l’industrie lourde.

Avec l’appui des organisati­ons suivantes : Attac-Québec ; La planète s’invite au parlement ; Fondation Rivières ; ACEF du Nord de Montréal ; Mobilisati­on environnem­ent Ahuntsic-Cartiervil­le ; Greenpeace Canada ; Le Choeur de la transition de Montréal ; Regroupeme­nt vigilance énergie Québec ; Mouvement écocitoyen UNEplanète ; Collectif scientifiq­ue sur les enjeux énergétiqu­es au Québec.

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