Pécher sans confession
Dans Les péchés ordinaires, un roman choral qui parle du Québec d’aujourd’hui, le journaliste Hugo Meunier décline les sept péchés capitaux
On ne surprendra personne en disant qu’Hugo Meunier (Raté, Le patron) n’est pas le premier artiste à s’intéresser aux sept péchés capitaux. Au fil des siècles, l’avarice, la colère, l’envie, la gourmandise, la luxure, l’orgueil et la paresse ont inspiré peintres, dramaturges et écrivains, de Sénèque à Maupassant en passant par Bertolt Brecht et Jérôme Bosch. Même Christian Bégin en a fait le sujet de son premier spectacle solo.
Avec son humour incisif et irrévérencieux, le journaliste, qui prête notamment sa plume à Urbania, offre une tournure résolument moderne à ces piliers de la pensée chrétienne occidentale dans Les péchés ordinaires, un roman choral divisé en sept nouvelles intrinsèquement liées les unes aux autres.
Le résultat, éclaté et cohérent, se résumerait ainsi : des héros ordinaires, captés dans des moments ordinaires de leur vie, malmenés par des émotions, des envies et des regrets ordinaires, qui prennent toutefois des proportions démesurées.
On y fait donc la rencontre d’un homme dont l’amour-propre est blessé par une rupture amoureuse et d’un autre qui devient fou de jalousie lors d’un voyage où sa copine séduit partout où elle passe. Ailleurs, un vieux couple souhaite ajouter du piquant à son quotidien, un esclave prend des risques au nom de la liberté, un musicien raté gagne le gros lot, un policier est grugé par ses préjugés et sept influenceurs se disputent l’attention sur une île déserte.
Avec ces récits dynamiques et bien ficelés — dans lesquels l’intention chorale est parfois un peu trop appuyée —, Hugo Meunier tend un miroir aux lecteurs, faisant fi de l’aspect spirituel de son sujet pour le décliner dans ses manifestations quotidiennes, des plus banales aux extrêmes. Il donne ainsi à des anecdotes mille fois entendues un côté plus humain, déterrant leurs racines tout comme le rôle de la filiation et de l’héritage dans leur existence.
Après quelques incursions dans l’autofiction, Hugo Meunier fait ses premiers pas dans la fiction romanesque avec Les péchés ordinaires, sans que l’essence de sa plume en soit entachée, pour le meilleur et pour le pire.
Ainsi, le reporter cadre résolument son roman dans l’époque, multipliant les références musicales et culturelles, en citant parfois trois dans le même paragraphe ; un procédé amusant, qui ne sert cependant pas toujours le récit. Les sujets abordés — féminicides, réseaux sociaux, #MoiAussi, profilage racial — sont également ancrés dans l’actualité, tant et si bien que le lecteur aura par moments l’impression de parcourir les pages d’un journal plutôt que celles d’un roman. Bien que le concept du livre justifie cette volonté de brosser le portrait de l’ère moderne, la lecture s’en trouve un peu alourdie.
Heureusement, Hugo Meunier sait créer des personnages attachants et crédibles, qui, en dépit de tous leurs vices et contradictions, donnent envie de les suivre jusqu’au dénouement.