Une nutritionniste à la ferme
Connue pour ses événements Prenez le champ ! et ses ouvrages
Mangez local ! 1 et 2, Julie Aubé admire et côtoie les producteurs d’ici, et les met au centre de ses projets depuis 15 ans. Il y a 5 ans, elle a elle-même apprivoisé les métiers d’agricultrice et d’éleveuse. Son dernier livre, Coeur de fermière, raconte ce parcours empreint d’embûches et de merveilles.
La belle surprise
Au fil de ses rencontres avec les producteurs agricoles, la nutritionniste les décrit comme ses idoles. Ce n’est donc pas tout à fait étonnant qu’elle ait eu un jour envie de se rapprocher d’eux et de leur réalité dans son quotidien. Après des années de recherche avec son conjoint, Pascal Hudon, alias Pascal le boucher, ils trouvent leur maison de rêve à la campagne, où jardiner, manger et conserver leurs propres aliments serait possible.
C’est à Saint-Roch-des-Aulnaies que le couple s’installe à temps partiel à la fin 2018. Rapidement, Julie Aubé y voit un immense terrain de jeu sur lequel elle pourra s’amuser à faire pousser quelques légumes et, pourquoi pas, adopter quelques poules pour le plaisir. Une sorte de chalet sur le bord du fleuve que plusieurs citadins en quête de lenteur et d’air frais convoitent.
Mais la nutritionniste a tendance à professionnaliser ses loisirs. « Pour me donner le droit de les pratiquer, comme cuisiner ou jardiner pendant les heures normales de travail, ça doit faire partie d’un mandat d’affaires », explique-t-elle. Au début, elle ne se permet donc pas d’aller jouer dans le jardin en plein avant-midi.
Puis, une certaine pandémie la force à cesser temporairement la plupart de ses activités professionnelles. L’idée d’aménager un grand potager et d’adopter un nombre considérable de poules pour vendre ses légumes et ses oeufs se met à germer. Et elle se concrétise comme un enfant qui n’était pas prévu, mais qu’on a toujours voulu au fond de soi. En effet, Julie Aubé décrit sa maison et son projet comme s’il s’agissait de son bébé.
Apprivoiser le territoire
Dans tout ce qu’elle entreprend, Julie Aubé est méticuleuse, voire studieuse. Si bien que, pour bien faire les choses, elle s’inscrit au microprogramme en agroforesterie à l’Université Laval et elle fait même son projet de session sur l’élaboration de son jardin.
Avec sa formation en main et ses années à côtoyer de près le milieu agricole, elle demeure bien consciente des défis qui l’attendent. Curieuse, humble et éternellement optimiste, elle fait tout de même face à de sérieux obstacles. « Je savais que la paperasse à remplir pour les registres et les demandes de subventions était complexe et que ça requiert beaucoup de temps aux agriculteurs, confie-t-elle. Mais j’avoue que les conditions à respecter pour obtenir de l’aide financière, pour contribuer à préserver la biodiversité par exemple, n’ont pas toujours de sens et que c’est assez décourageant par moments. »
Comme tous les autres producteurs, elle doit aussi faire face aux aléas de la météo, à la gestion des prédateurs, aux maladies pouvant atteindre ses plantes et ses animaux… « Ce sont de vrais guerriers, les agriculteurs à petite échelle, confie-t-elle. Ils se battent littéralement pour nous nourrir. »
Dans son ouvrage, Julie Aubé raconte les hauts et les bas de ses expériences agricoles. « Mon plan d’affaires, je le fais chaque année, parce que ça change tout le temps », dit-elle. L’année dernière, par exemple, elle a décidé d’installer un comptoir libre-service Roch le fermier — le nom de sa ferme — pour vendre ses biens.
Dans son « outil-récit », elle témoigne aussi, comme à l’habitude, de toute son admiration pour les agriculteurs de proximité, qui se donnent corps et âme pour produire des aliments de qualité tant pour nous que pour la planète. À la suite de ses observations personnelles et professionnelles, elle lance un message clair aux gouvernements : « Pour chaque ferme qui se résout à mettre la clé dans la grange, c’est notre autonomie alimentaire qui s’effrite. »