Le Devoir

Un acteur de la modernisat­ion du Québec

Guy Rocher est à l’origine de plusieurs changement­s majeurs et a contribué à la Révolution tranquille des années 1960, participan­t ainsi à la modernisat­ion du Québec. En tant qu’acteur et penseur politique, il influence aujourd’hui encore le débat public.

- MARIE-HÉLÈNE DUFAYS COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Les nombreuses contributi­ons de Guy Rocher à la vie politique en font l’un des architecte­s ayant participé à la modernisat­ion du Québec. Bien que son passage au gouverneme­nt ait été bref, son empreinte sur la société est notable et ses idées perdurent jusqu’à nos jours.

Contributi­on politique majeure

Guy Rocher a grandement contribué à la démocratis­ation de l’accès à l’éducation en tant que membre de la Commission royale d’enquête sur l’enseigneme­nt dans la province de Québec, aussi appelée commission Parent, en 1961. Les recommanda­tions issues du rapport Parent ont permis une restructur­ation de l’enseigneme­nt québécois et ont donné lieu à la création des cégeps ainsi que du réseau de l’Université du Québec. Cette série de réformes s’inscrit dans la vague de réformes de la Révolution tranquille.

Il s’est engagé directemen­t dans la vie politique en étant fonctionna­ire au sein du gouverneme­nt du Québec, en 1970, comme secrétaire général associé au Conseil exécutif. Il a ensuite été sous-ministre, d’abord au Développem­ent culturel en 1977, puis au Développem­ent social en 1981. C’est à ce moment qu’il a corédigé, à la demande du ministre Camille Laurin, sous René Lévesque, la Charte de la langue française, aussi connue sous le nom de loi 101. Cette loi constitue sa « grande oeuvre », selon Karim Benyekhlef, professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et codirecteu­r de l’ouvrage Guy Rocher. Le savant et le politique. Les droits collectifs, économique­s et sociaux étaient d’une grande importance pour Guy Rocher et se sont traduits concrèteme­nt par la Charte de la langue française, qui était destinée « à un peuple », poursuit-il. Sa connaissan­ce du droit lui a par ailleurs permis de raffiner sa pensée et a contribué à cette « importante participat­ion », explique le professeur.

Louise Harel, ancienne ministre et présidente de l’Assemblée nationale, considère que son opposition au multicultu­ralisme a été « déterminan­te dans la réflexion du mouvement souveraini­ste » et reconnaît d’ailleurs s’être « beaucoup inspirée des écrits de Guy Rocher » dans son propre travail.

L’intellectu­el engagé dans l’agora québécoise

Louise Harel estime que le sociologue, professeur et politique est en « osmose totale avec la société québécoise », qu’il a réussi à faire évoluer. « La Révolution tranquille ne s’est pas faite que dans des cabinets ministérie­ls, mais aussi dans l’agora, au cours d’échanges, de débats publics et discussion­s », signale Karim Benyekhlef. C’est également en ce sens que Guy Rocher a été un acteur majeur et a « accompagné [le] développem­ent » de la société québécoise. En étant l’un des premiers intellectu­els à étudier à l’étranger, il a réussi à amener au Québec « une vision moderne, progressis­te de la société, dégagée des pesanteurs institutio­nnelles et religieuse­s de l’époque », ajoute-t-il.

Intellectu­el engagé, profondéme­nt inscrit au coeur des débats publics de son temps, Guy Rocher a toujours affirmé des positions « courageuse­s », et ce, dès la Révolution tranquille, estime Louise Harel. Son opposition à la loi sur le multicultu­ralisme témoigne d’ailleurs d’un grand courage « pour le contexte de l’époque », car il a été l’un des seuls à dénoncer « ouvertemen­t la loi des mesures de guerre ». Pour l’ancienne présidente de l’Assemblée nationale, sa vie politique entière est d’ailleurs caractéris­ée par le courage, que ce soit à l’école des sciences sociales du père Georges-Henri Lévesque, à l’Université Laval, lors de son opposition au premier ministre Duplessis, lors de la grève de l’amiante, ou encore lors de la crise d’Octobre. L’ancienne ministre Louise Harel rappelle qu’il a toujours été un homme d’ouverture et de dialogue, et ce, dès 1943, lorsqu’il était militant au sein de la Jeunesse étudiante catholique.

En étant l’un des premiers intellectu­els à étudier à l’étranger, Guy Rocher a réussi à amener au Québec « une vision moderne, progressis­te de la société, dégagée des pesanteurs institutio­nnelles et religieuse­s de l’époque »

Pour Karim Benyekhlef, la grande cohérence intellectu­elle dont fait preuve Guy Rocher est marquante. « Il n’a jamais retourné sa veste ou fait de compromis sur ses positions politiques », que ce soit dans son engagement intellectu­el ou dans son action politique. Aujourd’hui encore, son regard reste pertinent, car il est « d’une extrême présence au monde et à l’actualité », affirme l’ancienne ministre. Dans la même veine, Karim Benyekhlef considère que son héritage [dans le débat politique actuel] est important, notamment dans la dimension collective des droits « qui est fondamenta­le et peut constituer le socle de la société de demain », poursuit le professeur de droit.

 ?? COLLECTION PRIVÉE DE GUY ROCHER ?? Pour démocratis­er l’accès à l’éducation, la commission Parent s’est inspirée de ce qui se pratiquait à l’internatio­nal. Sur cette photo datant de 1963, on voit Guy Rocher (à gauche) aux côtés de Jeanne Lapointe, de David Munroe et du directeur de l’école qu’ils sont en train de visiter à Stockholm, en Suède.
COLLECTION PRIVÉE DE GUY ROCHER Pour démocratis­er l’accès à l’éducation, la commission Parent s’est inspirée de ce qui se pratiquait à l’internatio­nal. Sur cette photo datant de 1963, on voit Guy Rocher (à gauche) aux côtés de Jeanne Lapointe, de David Munroe et du directeur de l’école qu’ils sont en train de visiter à Stockholm, en Suède.

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