Le Devoir

« Je m’étonne encore de la rapidité à laquelle la société québécoise a changé »

- LEÏLA JOLIN-DAHEL COLLABORAT­ION SPÉCIALE

Même en soufflant 100 bougies, Guy Rocher croit toujours « profondéme­nt » en la démocratie et estime que le Québec est un parfait exemple d’une telle société.

« C’est peut-être ce à quoi j’ai le plus cru de toute ma vie », souligne le sociologue. Il ajoute que les dictatures mises en place dans certains pays ne cessent de le convaincre de la nécessité d’exister dans une société démocratiq­ue. « La démocratie, ce n’est pas seulement parlementa­ire. C’est une véritable société démocratiq­ue dans ses racines, son mode de réflexion, sa manière d’agir, et qui tend à être la plus égalitaire possible, tout en étant en même temps préoccupée par la liberté, décrit-il. C’est un droit fondamenta­l de penser, de dire, d’écrire ce qu’on veut. »

À la veille de de son 100e anniversai­re, le sociologue persiste et signe : il reste convaincu que les démocratie­s occidental­es sont des États de droit et qu’elles se prêtent davantage à des réformes qu’à des révolution­s. Il souligne d’ailleurs le cas exceptionn­el du Québec, en matière d’évolution, selon lui. « Je m’étonne encore de la rapidité à laquelle la société québécoise a

changé entre 1950 et l’an 2000. Je ne connais pas d’autres sociétés qui ont avancé si vite », dit-il, abordant le passage d’une province

régie par la religion catholique vers un État laïque. « Ça s’est fait sans effusion de sang, sans manifestat­ion, sans grande brisure à l’intérieur de la communauté, et c’est quand même assez formidable », observe-t-il.

Alors que les États de dictature infligent un « mode de pensée unique », dit-il, avec des interventi­ons du pouvoir en place, les sociétés démocratiq­ues comme le Québec « imposent la solidarité par la base ». « La démocratie est faite par des groupes, des institutio­ns, des mouvements sociaux, des organismes communauta­ires, des syndicats, des ordres profession­nels, etc. Ils animent la société et font vie commune », illustre le sociologue.

Mais la culture de consommati­on, au Québec comme ailleurs, reste la principale force de résistance à l’évolution. « Je trouve que nous sommes souvent davantage des consommate­urs que des citoyens, à tous les égards, croit-il. Cette attitude n’est pas favorable à une perspectiv­e de changement. On est confortabl­es et c’est ça qui est peut-être notre frein majeur. Nous sommes dans un pays riche, paisible, avec des ressources naturelles abondantes. Et c’est notre principal obstacle en ce moment. »

Malgré les imperfecti­ons qu’on y retrouve, Guy Rocher estime avoir « beaucoup apprécié vivre dans une société québécoise aussi démocratiq­ue qu’elle l’est. Je continue à valoriser cette société, cette démocratie ».

 ?? PETER BREGG ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE ?? De jeunes manifestan­ts font le signe de la paix lors d’une manifestat­ion en français à Montréal, le 30 octobre 1969.
PETER BREGG ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE De jeunes manifestan­ts font le signe de la paix lors d’une manifestat­ion en français à Montréal, le 30 octobre 1969.

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