Pour un Québec en mouvement
Au cours du XXe siècle, le Québec a été marqué par de grands changements. Qu’il s’agisse du virage vers la laïcité, de la création des cégeps et d’institutions, ou de l’innovation, ces changements ne cessent d’étonner Guy Rocher, qui a pu en constater plusieurs de son vivant. « Une vie humaine, un siècle, c’est court ! » s’exclame-t-il au sujet des rapides métamorphoses de la société qu’il a pu observer.
Pour le sociologue, l’une des plus grandes qualités du Québec est sa capacité d’adaptation à des idées originales. « J’ai eu la chance de voir la société québécoise se transformer si vite », se réjouit-il. Celui qui a résidé outre-Atlantique estime que la province se distingue d’ailleurs de la France en ce sens. « Pour y avoir vécu assez longtemps, je connais la rigidité française et les difficultés qu’ils ont làbas à accepter des bouleversements importants, compare-t-il.
Alors qu’ici, on a su s’adapter rapidement, et ça, ça fait partie de notre vitalité. On est dans un monde qui a été obligé d’expérimenter des conditions différentes de celles de l’Europe et qui a gardé une capacité d’adaptation, de changement et de création. »
Il cite en exemple l’instauration des cégeps en 1967, puis le réseau des Universités du Québec, un an plus tard. « On a mis sur pied des institutions qui n’existent pas ailleurs, souligne-t-il. Et malgré toutes les critiques qui ont visé les établissements collégiaux, ils sont bien enracinés au Québec pour assez longtemps, je pense. »
L’avenir du Québec et du reste du monde ne sera toutefois pas sans défi. Un futur aux contours incertains qui inquiète Guy Rocher lorsqu’il songe à ses quatre arrièrepetits-enfants. « Je ne voudrais pas être jeune. Je me demande quel avenir on leur laisse », observe-t-il.
Le réchauffement climatique et les armes nucléaires demeurent deux menaces qui planent sur la planète, constate le sociologue. « S’il y a la montée des eaux, ça peut équivaloir à de grandes migrations humaines. Il y a d’abord eu des déplacements économiques, mais il y aura de plus en plus de mouvements climatiques », avance-t-il.
Guy Rocher était déjà de ce monde lorsque des bombes atomiques sont tombées sur les villes japonaises de Hiroshima et de Nagasaki à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. « Je m’en souviens encore, je me suis dit “tout vient de changer. Maintenant, comment allons-nous vivre à l’avenir avec la présence de la bombe atomique ?” » Une question qui demeure ancrée en lui, au moment où le Kremlin brandit plusieurs menaces de recourir à l’arme nucléaire.
Malgré ces épées de Damoclès, Guy Rocher est toujours convaincu de l’importance de se battre pour la justice sociale et c’est ce qu’il souhaite que le Québec retienne de son legs. « Ce qui fait que je suis devenu sociologue, c’est la perception des inégalités sociales. Adolescent, je me suis rendu compte qu’il y avait autour de moi des jeunes bien moins chanceux que moi et que j’étais dans la partie privilégiée de la société québécoise. Et je suis resté avec cette préoccupation de justice sociale », raconte-t-il.
Une ligne directrice qui a guidé tous ses choix professionnels, de l’enseignement de la sociologie jusqu’à sa participation dans le mouvement de laïcisation de la province et dans la création du système d’éducation. « C’est la valeur principale de ma vie. »