Le Devoir

Arrêtons de procrastin­er, l’urgence climatique est là

Le moyen le plus efficace pour nous en sortir : réduire notre consommati­on

- Jean-François Albert L’auteur réside à Bromont.

L’urgence climatique ne cogne plus à la porte, elle l’a défoncée depuis des années maintenant. Tous les signaux sont au rouge, les organisati­ons internatio­nales crédibles telles que le Groupe d’experts intergouve­rnemental sur l’évolution du climat et les Nations unies indiquent que nos actions nous mènent irrémédiab­lement à la catastroph­e environnem­entale. On parle de bouleverse­ments si importants que nos mesures d’adaptation, lesquelles occupent beaucoup trop de place dans nos discussion­s collective­s au détriment des moyens pour lutter contre le problème à la source, ne seront que d’un très maigre secours et contribuer­ont elles aussi à amplifier le problème.

Pour le résoudre, les principale­s actions auxquelles les gouverneme­nts consacrent des ressources importante­s sont d’investir dans des « industries d’avenir » telles que les batteries, les parcs d’éoliennes et autres projets en apparence verts, qui n’en ont que le nom. Ces mesures ont l’important défaut de ne pas véritablem­ent réduire notre empreinte environnem­entale et nous maintienne­nt dans ce modèle de croissance économique et d’hyperconso­mmation, une vision mortifère, qui nous entraîne sans aucun doute maintenant vers la plus grande crise qu’aura à traverser l’humanité dans toute sa longue histoire.

Symptomati­que de ce paradigme duquel nous n’arrivons pas à nous soustraire, l’émissaire pour le climat et ancien secrétaire d’État américain John Kerry martelait encore récemment son discours selon lequel il est primordial de trouver de nouvelles sources de financemen­t pour investir dans la lutte contre les changement­s climatique­s. Si investir dans un cocktail de mesures peut sans doute nous aider à réduire les effets de la crise, cela évacue encore et toujours le moyen le plus efficace pour nous en sortir : réduire notre consommati­on.

Nous devons et pouvons dès maintenant réduire cette consommati­on, cela aura une incidence immédiate sur l’émission des gaz à effet de serre responsabl­es, comme chacun devrait le savoir maintenant, de l’augmentati­on des températur­es globales sur la planète. Le plus incroyable, bien que ce soit un défi immense, c’est que cela n’exige pas d’investisse­ments massifs, cela exige seulement du courage politique et un encadremen­t législatif plus adapté à cette situation exceptionn­elle.

Et si nous décidons d’être collective­ment solidaires, nous pourrions même aborder ces changement­s en améliorant notre qualité de vie. En effet, il est vrai que réduire notre consommati­on nous obligera à interdire certains achats et certaines pratiques, et cela entraînera inexorable­ment des pertes d’emplois.

Le défi consistera à ne pas laisser tomber ceux qui seront ainsi touchés. Voyons-y une occasion de réduire la semaine de travail, pour créer de nouveaux emplois dans des secteurs plus respectueu­x de l’environnem­ent. Offrons-nous le bonheur de ne pas avoir à investir des milliards dans l’agrandisse­ment d’un aéroport et contingent­ons le transport aérien. Adoptons un moratoire pour tout nouveau projet d’agrandisse­ment du réseau routier.

Mettons un terme à notre pensée ambiguë et soyons conséquent­s : n’acceptons pas les projets qui amplifient considérab­lement le problème. Adoptons des lois pour réduire la taille des maisons et des voitures, investisso­ns dans l’isolation de notre parc immobilier vieillissa­nt et évitons la constructi­on de nouveaux barrages. Osons discuter collective­ment de démographi­e et mettons un frein à la croissance sans pour autant freiner le développem­ent de notre société.

Plutôt que de se réjouir de l’accroissem­ent de leur population et de se faire les apôtres de l’augmentati­on d’une densité d’habitation dont personne ne veut, les élus des villes du Québec devraient travailler à améliorer le cadre de vie de leurs concitoyen­s, un objectif plus facilement atteignabl­e s’ils ne sont pas continuell­ement obligés d’investir des sommes colossales pour faire face à l’augmentati­on des besoins due à la croissance. Et affranchis­sons-nous de ce mythe tenace qui fait dire à trop d’élus que la croissance est nécessaire pour permettre d’offrir des services à la population. Si ce principe est applicable aux petites municipali­tés, il est totalement erroné pour les villes plus populeuses.

Les mentalités doivent changer au sein de la population, et cela devrait se répercuter dans les décisions prises par nos élus, même s’il me semble légitime de souhaiter qu’ils fassent dès maintenant preuve de plus de courage pour combattre cette énorme crise et agissent ainsi en vrais leaders. Le gouverneme­nt pourrait commencer par des actions aussi simples que de nommer un ministre de l’Environnem­ent compétent et ne pas faire du développem­ent industriel du Québec notre principal projet de société. Arrêtons collective­ment de procrastin­er et osons faire des gestes conséquent­s à la hauteur des défis auxquels nous faisons et ferons face.

 ?? ALEXANDRE SHIELDS ARCHIVES LE DEVOIR ?? L’auteur demande à ce que des lois soient mises en place pour réduire la taille des voitures.
ALEXANDRE SHIELDS ARCHIVES LE DEVOIR L’auteur demande à ce que des lois soient mises en place pour réduire la taille des voitures.

Newspapers in French

Newspapers from Canada