Northvolt demande une autorisation de rejet d’eau dans la rivière Richelieu
Le gouvernement fédéral analyse présentement les risques écologiques potentiels
La question des dangers potentiels du projet de Northvolt pour la rivière Richelieu commence à émerger. Le Devoir a appris que l’entreprise a déposé une demande à Pêches et Océans Canada dans le but de pouvoir drainer vers la rivière des eaux du site de sa future usine, qui contient des sols contaminés. Le ministère évalue d’ailleurs présentement la légalité de ces rejets dans l’écosystème aquatique.
Selon les informations fournies par Pêches et Océans Canada (MPO), Northvolt a déposé une « demande d’examen » en vue de « l’installation d’un émissaire pluvial temporaire, qui est un fossé servant à l’évacuation de l’eau par ruissellement ou drainage ».
L’entreprise confirme le dépôt de la demande, en précisant que celle-ci est liée aux « travaux de construction du premier bâtiment pour lesquels nous installerons un exutoire pluvial dans le cours d’eau présent sur le site ». Mais au-delà de ces courtes réponses par courriel, il n’a pas été possible d’obtenir de document détaillant la demande et les enjeux environnementaux de celle-ci.
Le feu vert à cette nouvelle étape du mégaprojet industriel n’est pas automatique. MPO explique qu’il « procède actuellement » à l’analyse du dossier « afin de s’assurer de sa conformité avec les dispositions de la Loi sur les pêches relatives à la protection du poisson et de son habitat et celles de la Loi sur les espèces en péril ».
En vertu de la Loi sur les pêches du gouvernement fédéral, il est interdit de rejeter des contaminants dans l’habitat du poisson. Et le tronçon de rivière situé en face du site de l’usine comporte aussi des zones considérées comme « habitat essentiel » du chevalier cuivré, qui sont protégées en vertu des dispositions de la Loi sur les espèces en péril. Cela signifie qu’il est formellement interdit de détruire un élément de cet habitat, à moins d’obtenir un « permis » du gouvernement fédéral.
Selon un autre document que Northvolt a déposé auprès du gouvernement du Québec afin de pouvoir amorcer la construction de son usine et implanter un « système de gestion des eaux pluviales », il est prévu que « l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellement proviendra des aires de chantier et des chemins d’accès temporaires ». Ce même document contient des « mesures d’atténuation », mais les détails de celles-ci sont caviardés dans la copie transmise au Devoir à la suite d’une demande d’accès à l’information.
Sols contaminés
Les sols et les eaux souterraines du site au lourd passé industriel contiennent toujours un cocktail de contaminants résultant de décennies de fabrication de produits chimiques, de fertilisants et d’explosifs. Les travaux en cours et à venir pourraient d’ailleurs provoquer des fuites de contaminants vers la rivière Richelieu, selon les intervenants consultés par Le Devoir.
Un document soumis en décembre dernier par Northvolt au gouvernement du Québec, et obtenu par Le Devoir à la suite d’une demande d’accès à l’information, précise d’ailleurs qu’une « inspection des effluents et des points de rejet » des eaux pluviales avait déjà été prévue sur une base régulière afin de vérifier si ceux-ci respectent les normes environnementales. « Dans le cas de résultats non conformes, les méthodes de travail devront être ajustées ou des mesures immédiates devront être prises pour rétablir la situation et garantir le retour à la conformité », peut-on y lire.
Dans ce contexte, la gestion des eaux pluviales dans le cadre du chantier à venir soulève des questions importantes, selon le directeur général de la Fondation Rivières, André Bélanger. L’organisme appelle d’ailleurs l’entreprise à faire preuve de prudence, notamment en raison de la fragilité de l’écosystème de la rivière Richelieu, mais aussi de la présence de nombreuses espèces et de prises d’eau potable en aval de la future usine.
Northvolt se veut toutefois rassurante. « Un plan de gestion environnementale est prévu durant l’ensemble de la phase des travaux et celui-ci prévoit le traitement des eaux pluviales par différents systèmes ainsi qu’une surveillance de la qualité de l’eau. Ce plan doit faire l’objet d’une approbation du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs », explique l’entreprise, dans une réponse écrite.
D’autres autorisations
Le gouvernement du Québec analyse en effet présentement la deuxième demande d’autorisation déposée par Northvolt. Après la première autorisation lui permettant de détruire des milieux humides et des zones boisées de son terrain, l’entreprise espère amorcer plus tard cette année la construction de son usine.
Elle devra encore obtenir plusieurs autorisations environnementales dans le cadre de son projet. Celui-ci est en effet évalué au fur et à mesure que l’entreprise présente des demandes, en raison de l’absence d’une procédure environnementale incluant une étude d’impact du projet, comme le veut habituellement la pratique au Québec pour les grands projets industriels.
Northvolt a demandé plus tôt cette année l’autorisation d’excaver des sols contaminés dans des milieux humides de son terrain, afin de construire des bâtiments de l’usine. Le ministère de l’Environnement, qui analyse la demande et doit autoriser les travaux, ignore toutefois les niveaux de contamination des sols et les volumes qui seront excavés. C’est l’entreprise qui est responsable du suivi de la « qualité » des sols.
Par ailleurs, l’entreprise n’a pas voulu s’avancer sur les détails du système de pompage et de rejet d’eau dans la rivière Richelieu, qui sera essentiel au fonctionnement de l’usine. Les informations devraient être connues en 2025, mais seulement une fois que la demande d’autorisation aura été accordée.
Cette demande devrait nécessiter notamment une analyse de MPO, puisque cette étape pourrait avoir des conséquences sur l’écosystème de la rivière. « Le promoteur s’est engagé à déposer une demande d’examen pour les phases du projet susceptible d’impacter le poisson et son habitat », précise MPO, par courriel. Et si malgré « des mesures d’évitement et d’atténuation », le projet entraînait des « dommages résiduels » pour la faune aquatique, Northvolt devrait présenter un « plan de compensation visant à contrebalancer les impacts ».