Le Devoir

Northvolt demande une autorisati­on de rejet d’eau dans la rivière Richelieu

Le gouverneme­nt fédéral analyse présenteme­nt les risques écologique­s potentiels

- ALEXANDRE SHIELDS PÔLE ENVIRONNEM­ENT

La question des dangers potentiels du projet de Northvolt pour la rivière Richelieu commence à émerger. Le Devoir a appris que l’entreprise a déposé une demande à Pêches et Océans Canada dans le but de pouvoir drainer vers la rivière des eaux du site de sa future usine, qui contient des sols contaminés. Le ministère évalue d’ailleurs présenteme­nt la légalité de ces rejets dans l’écosystème aquatique.

Selon les informatio­ns fournies par Pêches et Océans Canada (MPO), Northvolt a déposé une « demande d’examen » en vue de « l’installati­on d’un émissaire pluvial temporaire, qui est un fossé servant à l’évacuation de l’eau par ruissellem­ent ou drainage ».

L’entreprise confirme le dépôt de la demande, en précisant que celle-ci est liée aux « travaux de constructi­on du premier bâtiment pour lesquels nous installero­ns un exutoire pluvial dans le cours d’eau présent sur le site ». Mais au-delà de ces courtes réponses par courriel, il n’a pas été possible d’obtenir de document détaillant la demande et les enjeux environnem­entaux de celle-ci.

Le feu vert à cette nouvelle étape du mégaprojet industriel n’est pas automatiqu­e. MPO explique qu’il « procède actuelleme­nt » à l’analyse du dossier « afin de s’assurer de sa conformité avec les dispositio­ns de la Loi sur les pêches relatives à la protection du poisson et de son habitat et celles de la Loi sur les espèces en péril ».

En vertu de la Loi sur les pêches du gouverneme­nt fédéral, il est interdit de rejeter des contaminan­ts dans l’habitat du poisson. Et le tronçon de rivière situé en face du site de l’usine comporte aussi des zones considérée­s comme « habitat essentiel » du chevalier cuivré, qui sont protégées en vertu des dispositio­ns de la Loi sur les espèces en péril. Cela signifie qu’il est formelleme­nt interdit de détruire un élément de cet habitat, à moins d’obtenir un « permis » du gouverneme­nt fédéral.

Selon un autre document que Northvolt a déposé auprès du gouverneme­nt du Québec afin de pouvoir amorcer la constructi­on de son usine et implanter un « système de gestion des eaux pluviales », il est prévu que « l’écoulement des eaux pluviales et de ruissellem­ent proviendra des aires de chantier et des chemins d’accès temporaire­s ». Ce même document contient des « mesures d’atténuatio­n », mais les détails de celles-ci sont caviardés dans la copie transmise au Devoir à la suite d’une demande d’accès à l’informatio­n.

Sols contaminés

Les sols et les eaux souterrain­es du site au lourd passé industriel contiennen­t toujours un cocktail de contaminan­ts résultant de décennies de fabricatio­n de produits chimiques, de fertilisan­ts et d’explosifs. Les travaux en cours et à venir pourraient d’ailleurs provoquer des fuites de contaminan­ts vers la rivière Richelieu, selon les intervenan­ts consultés par Le Devoir.

Un document soumis en décembre dernier par Northvolt au gouverneme­nt du Québec, et obtenu par Le Devoir à la suite d’une demande d’accès à l’informatio­n, précise d’ailleurs qu’une « inspection des effluents et des points de rejet » des eaux pluviales avait déjà été prévue sur une base régulière afin de vérifier si ceux-ci respectent les normes environnem­entales. « Dans le cas de résultats non conformes, les méthodes de travail devront être ajustées ou des mesures immédiates devront être prises pour rétablir la situation et garantir le retour à la conformité », peut-on y lire.

Dans ce contexte, la gestion des eaux pluviales dans le cadre du chantier à venir soulève des questions importante­s, selon le directeur général de la Fondation Rivières, André Bélanger. L’organisme appelle d’ailleurs l’entreprise à faire preuve de prudence, notamment en raison de la fragilité de l’écosystème de la rivière Richelieu, mais aussi de la présence de nombreuses espèces et de prises d’eau potable en aval de la future usine.

Northvolt se veut toutefois rassurante. « Un plan de gestion environnem­entale est prévu durant l’ensemble de la phase des travaux et celui-ci prévoit le traitement des eaux pluviales par différents systèmes ainsi qu’une surveillan­ce de la qualité de l’eau. Ce plan doit faire l’objet d’une approbatio­n du ministère de l’Environnem­ent, de la Lutte contre les changement­s climatique­s, de la Faune et des Parcs », explique l’entreprise, dans une réponse écrite.

D’autres autorisati­ons

Le gouverneme­nt du Québec analyse en effet présenteme­nt la deuxième demande d’autorisati­on déposée par Northvolt. Après la première autorisati­on lui permettant de détruire des milieux humides et des zones boisées de son terrain, l’entreprise espère amorcer plus tard cette année la constructi­on de son usine.

Elle devra encore obtenir plusieurs autorisati­ons environnem­entales dans le cadre de son projet. Celui-ci est en effet évalué au fur et à mesure que l’entreprise présente des demandes, en raison de l’absence d’une procédure environnem­entale incluant une étude d’impact du projet, comme le veut habituelle­ment la pratique au Québec pour les grands projets industriel­s.

Northvolt a demandé plus tôt cette année l’autorisati­on d’excaver des sols contaminés dans des milieux humides de son terrain, afin de construire des bâtiments de l’usine. Le ministère de l’Environnem­ent, qui analyse la demande et doit autoriser les travaux, ignore toutefois les niveaux de contaminat­ion des sols et les volumes qui seront excavés. C’est l’entreprise qui est responsabl­e du suivi de la « qualité » des sols.

Par ailleurs, l’entreprise n’a pas voulu s’avancer sur les détails du système de pompage et de rejet d’eau dans la rivière Richelieu, qui sera essentiel au fonctionne­ment de l’usine. Les informatio­ns devraient être connues en 2025, mais seulement une fois que la demande d’autorisati­on aura été accordée.

Cette demande devrait nécessiter notamment une analyse de MPO, puisque cette étape pourrait avoir des conséquenc­es sur l’écosystème de la rivière. « Le promoteur s’est engagé à déposer une demande d’examen pour les phases du projet susceptibl­e d’impacter le poisson et son habitat », précise MPO, par courriel. Et si malgré « des mesures d’évitement et d’atténuatio­n », le projet entraînait des « dommages résiduels » pour la faune aquatique, Northvolt devrait présenter un « plan de compensati­on visant à contrebala­ncer les impacts ».

 ?? OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR ?? L’entreprise confirme le dépôt de la demande, en précisant que celle-ci est liée aux « travaux de constructi­on du premier bâtiment pour lesquels nous installero­ns un exutoire pluvial dans le cours d’eau présent sur le site ».
OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR L’entreprise confirme le dépôt de la demande, en précisant que celle-ci est liée aux « travaux de constructi­on du premier bâtiment pour lesquels nous installero­ns un exutoire pluvial dans le cours d’eau présent sur le site ».

Newspapers in French

Newspapers from Canada