Le Devoir

Changer le nom de l’Université de Moncton coûterait moins de 1,2 million, selon des experts

Des universita­ires contestent les coûts évoqués par l’administra­tion pour justifier le statu quo

- JEAN-FRANÇOIS NADEAU

Changer le nom de l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick coûterait moins de 1,2 million de dollars, avance un comité d’experts. Il réplique de la sorte au refus de l’institutio­n universita­ire de continuer d’envisager de changer sa dénominati­on.

L’Université avançait que l’opération coûterait 4,6 millions. Presque quatre fois plus.

En décembre dernier, à la suite d’une réunion, le conseil de l’Université avait, sur cette base, refusé de « prolonger le processus de réflexion sur la dénominati­on de l’Université de Moncton ». Son rapport officiel arguait, en préambule, qu’il est plus important de consacrer les ressources financière­s de l’Université à la mise en oeuvre de son plan stratégiqu­e plutôt que de dépenser près de 5 millions pour assurer un changement de nom.

L’Université de Moncton tire son nom de celui de Robert Monckton (1726-1782), un haut gradé de l’armée coloniale britanniqu­e. Ce militaire apparaît responsabl­e d’une partie de la déportatio­n des Acadiens et de sévices commis à l’égard du peuple micmac. L’officier britanniqu­e s’était notamment employé, durant sa carrière, à arrêter des Acadiens, à brûler leurs villages et à mettre en place la déportatio­n par bateau de 1100 d’entre eux.

Un comité de citoyens, constitué autour de plusieurs anciens de l’université, n’a pas été convaincu par l’explicatio­n de l’institutio­n pour justifier le statu quo. « Deux université­s de taille importante ont changé de nom récemment », a indiqué l’un des membres du comité à l’occasion d’une conférence de presse tenue mardi. Le regroupeme­nt observe que, dans ces deux cas comme dans d’autres, « les coûts étaient nettement inférieurs » à ce qu’avance l’administra­tion de l’Université de Moncton pour s’opposer au changement de nom.

Le cas de l’Université du Wisconsin, laquelle compte 162 000 étudiants, est évoqué. La facture pour procéder au changement de nom s’est élevée à 480 000 $US (près de 660 000 $CA). Dans le cas de l’Université de Galway, en Irlande, une institutio­n de 18 000 étudiants, la facture a atteint près de 500 000 € (environ 730 000 dollars).

L’Université de Moncton compte pour sa part environ 5500 étudiants. Les coûts pour assurer son changement de nom étaient pourtant estimés par sa direction, en décembre dernier, à plus de 4,6 millions de dollars.

Or, une analyse fine des variables énoncées par l’université arrive à une évaluation très différente des coûts. Les données en cause ont été compilées et décryptées par André Leclerc, professeur émérite d’économie de l’Université de Moncton ; Michel Nadeau, ancien directeur des services administra­tifs de la même université ; Sylvio Boudreau, ancien vice-président au secrétaria­t général du Collège communauta­ire du Nouveau-Brunswick ; et Pierre Cadieux, ancien professeur en management de l’Université du Québec à Rimouski.

Selon les projection­s offertes par ce quatuor sous forme de tableau, les coûts d’une telle opération pourraient difficilem­ent dépasser 1,2 million de dollars.

À leur sens, les chiffres donnés par l’administra­tion actuelle de l’Université pour justifier le statu quo sont pour le moins exagérés. Ils ne tiennent pas la route.

Le coût n’est pas la seule raison

En réaction à la sortie de ce groupe de citoyens, le directeur des communicat­ions de l’Université de Moncton, Paul Ward, a tenu à préciser que « le nombre de personnes étudiantes sur nos trois campus est de 5777 ».

De plus, l’Université indique, en renvoyant à une résolution de l’institutio­n, que la question des coûts n’est pas la seule en cause pour justifier le statu quo en matière de dénominati­on.

En se référant à un rapport déposé le 30 novembre 2023 et préparé par Stéphanie Chouinard et Maurice Basque, l’Université estime que sa désignatio­n lors de sa création en 1963 renvoie à sa localisati­on géographiq­ue « et non en fonction d’un personnage historique ». Il y aurait aussi une « absence d’un consensus au sein de la population concernant un éventuel changement de nom de l’Université de Moncton ».

L’institutio­n a donc décidé de se concentrer surtout sur la réalisatio­n de son plan stratégiqu­e « pour assurer un milieu de vie, d’étude, de travail, d’enseigneme­nt, de recherche et d’engagement communauta­ire, sain, bienveilla­nt, dynamique, stimulant et transforma­teur ».

Dans une déclaratio­n bilingue, le président du conseil de l’Université, Denis Mallet, affirme que la question du changement de nom a été dûment considérée. « Au-delà d’une quinzaine de services de l’Université de Moncton ont été consultés par nos personnes expertes, afin de n’oublier aucun angle mort, en plus de firmes externes réputées et d’université­s qui ont déjà expériment­é un tel changement. Le rapport Chouinard-Basque a été fait avec rigueur dans tous ses aspects et nous avons tenu à leur donner le temps de prendre en considérat­ion tous les éléments publics disponible­s. »

En conséquenc­e de quoi, indique le président du conseil, « nous avons pris la décision, hautement réfléchie et acceptée à quasi-unanimité, de ne pas aller de l’avant avec un processus de réflexion concernant la dénominati­on ».

Selon M. Mallet, l’Université se trouve face aux problèmes que pose le vieillisse­ment de ses infrastruc­tures. Il faut compter 139 millions de dollars de ce côté, en plus d’un « besoin urgent de moderniser nos infrastruc­tures numériques pour gagner en agilité et améliorer l’expérience étudiante ».

La haute direction de l’institutio­n n’a pas commenté directemen­t les projection­s chiffrées faites par ceux qui contestent son analyse de la situation.

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ISTOCK L’Université de Moncton compte environ 5500 étudiants.

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