Aux élus municipaux de défendre le statut bilingue de leur ville, selon Roberge
Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, espère que le statut des villes bilingues devienne une des questions décisives des prochaines élections municipales.
« La prochaine campagne électorale municipale va répondre à bien des questions », a lancé le ministre caquiste, mardi, en commission parlementaire pour l’étude des crédits budgétaires de son ministère. Il répondait aux questions du député du Parti québécois (PQ) Pascal Bérubé, qui s’étonnait que la quasi-cinquantaine de municipalités québécoises habitées à moins de 50 % par des anglophones puissent conserver leur statut bilingue.
Depuis l’adoption de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (loi 96), ces villes et villages avaient l’obligation d’adopter une résolution si elles voulaient rester bilingues aux yeux de la Loi et ainsi continuer d’utiliser à la fois le français et l’anglais dans leurs communications officielles. Or, l’Office québécois de la langue française (OQLF) a confirmé l’an dernier que les 48 municipalités admissibles avaient choisi de conserver leur statut.
« Sauf qu’aucun des élus qui a pris cette décision n’a fait face à l’électorat depuis », a remarqué mardi Jean-François Roberge. Adoptée en 2022, la loi 96 était en effet entrée en vigueur trois ans avant la prochaine échéance électorale municipale, prévue en 2025. « Je pense qu’ils [les élus] vont devoir rendre des comptes », a lancé M. Roberge à son vis-à-vis du PQ. « Ça devrait être un enjeu de la prochaine campagne électorale municipale. »
Des mots qui encouragent M. Bérubé. « S’il y a débat là-dessus, intéressant », s’est-il contenté de dire en commission.
Parmi les municipalités ayant adopté une résolution, l’OQLF compte Otterburn Park. Dans cette ville située à 40 kilomètres à l’est de Montréal, seulement 7,2 % des résidents sont anglophones. C’est le plus bas total observé pour une municipalité bilingue dans tout le Québec.
Dans le canton de Gore, dans les Laurentides, le pourcentage de personnes dont la langue maternelle est l’anglais est passé d’une majorité, autrefois, à un total qui « frôle les 30 % », a constaté son maire, Scott Pearce, en entrevue avec Le Devoir, mardi. Il doute toutefois que son statut bilingue, reconduit en 2022, devienne une question décisive au prochain scrutin.
À l’autre bout du fil, celui qui est aussi représentant officiel des municipalités bilingues au conseil d’administration de la Fédération québécoise des municipalités a rappelé l’importance pour les villes bilingues de prendre en compte leur propre « patrimoine » linguistique. « C’est vrai qu’on n’atteint pas le 50 % d’anglophones. Par contre, la municipalité a été fondée par des Irlandais en 1840 », a-t-il constaté.
M. Pearce invite le ministre à « laisser les leaders locaux décider des enjeux qui affectent leur communauté, puis, peut-être, [à s’]enlever de nos pattes ». « Quand on a passé notre résolution, chez nous, la grande majorité de la foule était francophone, et ils m’ont applaudi », a-t-il dit. « Il y a d’autres enjeux bien plus importants. »
Un plan « bientôt »
Presque deux ans après l’entrée en vigueur de la loi 96, le ministre Roberge a dû défendre mardi les gains qu’avaient générés les modifications à la Charte de la langue française et la mise sur pied du Groupe d’action sur l’avenir de la langue française (GAALF), qui devaient permettre d’inverser le déclin du français.
La députée libérale Madwa-Nika Cadet lui a notamment reproché d’avoir créé un véhicule « tape-à-l’oeil » avec le GAALF, après que les principales mesures du plan d’action qu’il devait élaborer ont été révélées dans La Presse en matinée. Le document contiendrait en grande partie des mesures déjà annoncées, ainsi que la création d’un tableau de bord sur la santé de la langue française. « Pourquoi vous avez monté les attentes comme ça ? » a-telle demandé à M. Roberge.
Selon le ministre caquiste, « il y a davantage de choses » dans le plan d’action, promis depuis le début de 2023, « que ce qui a été révélé ce matin ». Interrogé par la députée solidaire Ruba Ghazal, il a soutenu que le public pourrait prendre connaissance « très, très bientôt » de son contenu.
En lançant les travaux du GAALF, il y a plus d’un an, M. Roberge s’était montré ambitieux quant à ses futurs fruits. « Aujourd’hui, on arrête d’essayer d’exister. On passe à l’offensive pour regagner ce qu’on a perdu au fil des dernières années », avait-il lancé.