Le Devoir

Cri du coeur pour sauver le Pantoum

Un des catalyseur­s de l’effervesce­nce musicale de Québec des dernières années fait face à un manque à gagner de 500 000 $ pour achever d’importants travaux

- SÉBASTIEN TANGUAY À QUÉBEC LE DEVOIR

Le Pantoum, véritable vivier pour la relève musicale de Québec, a besoin d’aide pour boucler le financemen­t d’un chantier entrepris à l’automne dans son nid du 76, rue Saint-Vallier Ouest. Sans soutien financier du ministère de la Culture, cet incubateur de carrières aujourd’hui établies menace de ployer sous la lourdeur de la facture — au grand dam d’une vingtaine d’artistes de renom qui implorent Québec de délier les cordons de sa bourse.

Les marteaux s’activent depuis plusieurs mois dans l’immeuble acquis en 2022 par l’organisme à but non lucratif (OBNL). Il fallait restaurer un ascenseur pour assurer l’accès universel aux locaux de répétition, aux studios d’enregistre­ment et à la salle de spectacle juchée au troisième et dernier étage, insonorise­r l’ensemble de l’édifice grâce à un ensemble de travaux structurau­x, en profiter aussi pour donner une nouvelle beauté à ce local devenu, en une décennie, un catalyseur de l’effervesce­nce culturelle de Québec ces dernières années.

Estimation initiale du coût des travaux en 2022 : deux millions de dollars. Depuis, l’inflation et quelques imprévus, notamment la présence d’amiante dans des endroits inattendus, ont majoré d’environ 25 % la facture.

Au moment où le chantier en est à sa dernière étape, l’OBNL fait face à un manque à gagner d’environ 500 000 $.

« Nous avons eu des hausses de coût importante­s — comme dans n’importe quels travaux ces temps-ci, explique Émilie Tremblay, la directrice générale du Pantoum. Une grande partie du chantier est derrière nous, mais nous avons besoin d’une dernière dose d’amour. Nous sommes dans la dernière ligne droite, notre concept fonctionne bien, mais nous avons vraiment besoin de l’appui du gouverneme­nt provincial. »

Le Pantoum n’a rien reçu de Québec, ajoute la directrice générale, puisque les travaux de l’OBNL tombaient dans les craques du ministère de la Culture et ne répondaien­t pas aux critères d’admission de ses subvention­s.

Déjà, la situation financière précaire de l’organisme compromet certaines activités. Le Festival du Pantoum, qui stimule les découverte­s avec sa programmat­ion à l’aveugle abordable, pourrait entamer une sabbatique d’une durée indétermin­ée cette année. « Le festival, reconnaît Émilie Tremblay, c’est surtout lui qui risque de passer à la trappe. »

L’OBNL espère pouvoir compter sur l’aide du public et du fédéral. Ottawa ne ferme pas la porte à l’injection d’une somme supplément­aire pour éponger une partie de la facture qu’il reste à acquitter. Une campagne de sociofinan­cement doit aussi se mettre en branle avec l’ambition de récolter 85 000 $. La part demandée à Québec se chiffre donc à 250 000 $.

« Ça me semble beaucoup d’argent pour un minuscule OBNL qui a peu d’employés et qui tient le projet à bout de bras, mais ça ne représente pas tellement pour un gouverneme­nt », soutient l’artiste de Québec Lou-Adriane Cassidy.

Une lettre ouverte

Mises au parfum des difficulté­s financière­s du Pantoum, elle et sa complice Ariane Roy ont rédigé une lettre ouverte à l’attention du ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, qui implore ce dernier d’agir pour assurer la pérennité de l’organisme.

« En tant qu’artistes évoluant dans l’industrie musicale québécoise, nous avons vu le travail titanesque déployé par les fondateurs et les fondatrice­s de cet établissem­ent, écrivent-elles dans une lettre relayée par Le Devoir sur ses plateforme­s numériques. D’une petite organisati­on autosuffis­ante et tenue à bout de bras par des gens déterminés à faire bouger les choses, le Pantoum s’est transformé en une structure reconnue et respectée, porteuse d’un réel changement dans un milieu pourtant de plus en plus précaire. Une éventuelle fermeture de cet établissem­ent pourrait engendrer des conséquenc­es majeures pour les artistes de Québec, mais aussi pour tout un réseau culturel qui s’appuie sur des institutio­ns comme le Pantoum pour que la culture puisse foisonner partout au Québec et pas juste à Montréal. »

Une vingtaine de signataire­s appuient leur demande, aussi divers qu’Hubert Lenoir, Serge Fiori, Coeur de pirate, Les soeurs Boulay, Les Louanges et Michel Rivard.

« Le Pantoum, c’est un lieu qui n’existe peut-être même pas ailleurs dans le monde, ajoute Lou-Adriane Cassidy. C’est vraiment précieux, nous sommes beaucoup d’artistes à le reconnaîtr­e — et nous aimerions que le ministre de la Culture le reconnaiss­e aussi. »

La démarche entreprise par les artistes signataire­s, dont certains n’ont jamais posé le pied au Pantoum, mais qui en connaissen­t l’importance par réputation, touche particuliè­rement Émilie Tremblay. « C’est une grosse vague d’amour, salue-t-elle, émotive après des journées difficiles passées le nez dans la comptabili­té. Le Pantoum, nous ne le faisons pas pour la reconnaiss­ance ni pour la visibilité, c’est pour les artistes et pour les gens que nous travaillon­s. »

Les déboires du Pantoum ont résonné jusqu’à l’Assemblée nationale, mardi, dans le cadre de l’étude des crédits budgétaire­s dévolus à la Capitale-Nationale. Le député solidaire de Jean-Lesage, Sol Zanetti, a profité de son temps de parole pour lancer un cri du coeur au ministre responsabl­e de la région, Jonatan Julien : « Je sais que vous êtes au courant, mais j’en profite pour en parler ici : il faut sauver le Pantoum », a soutenu l’élu de la deuxième opposition.

« On va accompagne­r, certaineme­nt », a répliqué le ministre.

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