Le Devoir

Le pari sportif en ligne pour réduire le déficit ?

Les géants des jeux d’argent sur Internet proposent au gouverneme­nt Legault de s’inspirer d’iGaming Ontario pour hausser ses revenus

- ALAIN McKENNA LE DEVOIR

Malgré le désintérêt répété du ministre des Finances Eric Girard, l’industrie du pari sportif revient à la charge : avec un déficit de 11 milliards de dollars dans son budget, la province peut-elle se passer des revenus que générerait un relâchemen­t des règles qui interdisen­t aux géants du jeu en ligne de s’implanter au Québec ?

La Coalition québécoise du jeu en ligne propose au gouverneme­nt Legault de s’inspirer d’iGaming Ontario, une agence provincial­e créée à l’initiative du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, afin de réguler sur son territoire le marché en forte croissance des jeux d’argent en ligne, et plus précisémen­t du pari sportif.

L’Ontario a ainsi remis plusieurs dizaines de permis de pratique à des exploitant­s privés de sites de jeux d’argent en ligne. Par contraste, au Québec, la loi interdit la présence de ces exploitant­s. Ce sont Loto-Québec et son programme Mise-o-jeu qui occupent tout l’espace du pari sportif en ligne.

La coalition, qui regroupe des géants internatio­naux du pari en ligne dont Bet99, Betway et DraftKings, a remis au ministre Eric Girard une analyse du plus récent rapport annuel du Bureau du vérificate­ur général de l’Ontario sur le modèle de son agence iGaming.

Cette analyse démontre selon la coalition « la profitabil­ité du modèle d’iGaming Ontario ». Elle souligne notamment que les revenus générés par les différents ordres de gouverneme­nt ont été de 230 millions de dollars en 2022-2023, soit la première année d’activité d’iGaming Ontario. Le gouverneme­nt provincial a récolté 145 millions, dont 96 millions en revenus directs et 40 millions en taxe de vente.

« Pour tout gouverneme­nt, la somme de 145 millions est un revenu considérab­le, sachant qu’il s’agit de nouveaux revenus additionne­ls et non d’une imposition supplément­aire des contribuab­les », conclut la Coalition québécoise du jeu en ligne.

Une demande qui étonne

À Québec, le ministre des Finances a déjà répété à plusieurs reprises son désintérêt face à la légalisati­on des sites de casino et de paris en ligne dans la province. Malgré la situation financière déficitair­e de son gouverneme­nt, ce n’est pas dans les plans de changer d’idée, assurait-on mardi après-midi au sein de son cabinet, quelques instants avant l’étude des crédits budgétaire­s pour le prochain exercice, durant lequel la situation de Loto-Québec allait justement être abordée.

Chez Loto-Québec, justement, on serait très surpris que le gouverneme­nt change son fusil d’épaule, étant donné la façon dont se sont comportées dans le passé les entreprise­s qui forment la Coalition québécoise du jeu en ligne.

« C’est extrêmemen­t particulie­r que des opérateurs qui agissent illégaleme­nt en toute connaissan­ce de cause fassent la promotion d’un nouveau cadre réglementa­ire, alors qu’ils contrevien­nent à la réglementa­tion et aux lois actuelles », a déclaré le porte-parole de Loto-Québec, Renaud Dugas.

« Loto-Québec n’a pas le mandat d’enrayer le marché noir, mais d’offrir aux joueurs québécois une alternativ­e légale, intègre et sécuritair­e. Ses profits retournent entièremen­t au bénéfice de la collectivi­té », a ajouté M. Dugas.

iGaming Ontario, pas si payant

Il faut dire que le succès d’iGaming Ontario reste à être déterminé. Avant la création de l’agence, l’Ontario prévoyait engranger des revenus annuels totaux de 380 millions de dollars dès sa première année d’activité. Les résultats de 230 millions mis en avant par la coalition pour inciter le Québec à emboîter le pas de son voisin ontarien sont donc inférieurs aux attentes. Rien ne garantit, donc, qu’une telle agence québécoise atteindrai­t ses objectifs financiers.

Les revenus générés par le gouverneme­nt ontarien ont été inférieurs aux prévisions malgré une hausse des revenus générés dans le secteur des jeux d’argent. Il s’est parié 17,2 milliards de dollars en Ontario entre le 1er octobre et le 31 décembre 2023, soit une hausse de 21 % par rapport au trimestre précédent.

L’Ontario dénombrait à la fin 2023 1,2 million de comptes de joueurs actifs sur les 72 sites de casino et de paris en ligne autorisés à exercer leurs activités sur son territoire. Chaque joueur dépenserai­t en moyenne 186 $ par mois sur ces sites. Ces statistiqu­es sont également en hausse.

L’Ontario suit une tendance internatio­nale : le pari en ligne, notamment via le truchement des paris sportifs en tout genre, est en pleine croissance depuis plus d’une décennie, partout dans le monde. Même au Québec, les internaute­s sont nombreux à contourner les règles pour accéder à des sites offrant de miser en direct durant des parties.

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