La ministre du Patrimoine brandit la menace conservatrice
L’élection d’un gouvernement conservateur serait un recul pour les milieux des médias et de la culture, selon Pascale St-Onge
La ministre du Patrimoine, Pascale StOnge, prévoit des « reculs majeurs » pour les milieux de la culture et des médias, si jamais les conservateurs venaient à prendre le pouvoir. Devant plusieurs acteurs de l’industrie, mercredi, la ministre a vivement déploré l’opposition du Pierre Poilievre aux lois visant à serrer la vis aux géants numériques.
« Contrairement au consensus que l’on peut observer à plusieurs endroits [ailleurs dans le monde] sur le besoin de légiférer pour encadrer les géants du Web, ici au Canada, on ne peut pas compter sur un réel consensus. Certains leaders politiques ont choisi d’ignorer les préoccupations quant à notre avenir culturel et aux enjeux du français », a lancé la ministre lors de son allocution. Elle était invitée à prendre la parole dans le cadre d’un événement au Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).
Rappelons que les conservateurs ont été le seul parti à la Chambre des communes à s’opposer à la Loi sur la radiodiffusion (C-11), qui intègre les plateformes étrangères comme Netflix et Disney+ au cadre réglementaire canadien. L’opposition officielle avait également voté contre la Loi sur les nouvelles en ligne (C-18), qui cherche à obliger les géants numériques à partager leurs revenus tirés des contenus liés à l’information avec les médias canadiens qui les produisent.
« On les a entendus dire que légiférer sur les géants du Web et les plateformes de diffusion brimerait la liberté d’expression. Ils ont choisi de faire peur à la population », a ajouté la ministre du Patrimoine, sans jamais nommer directement les conservateurs durant son discours.
Depuis plusieurs mois, les conservateurs de Pierre Poilievre devancent largement les libéraux de Justin Trudeau dans les sondages en vue de la prochaine élection fédérale. Celle-ci doit avoir lieu en 2025, à moins que le gouvernement perde le soutien du NPD avant. Le chef conservateur a dit plusieurs fois qu’il comptait « définancer » CBC, s’il devenait premier ministre. Sa position sur Radio-Canada est plus ambiguë. La ministre St-Onge n’a pas manqué de rappeler l’hostilité de Pierre Poilievre envers le diffuseur public, mais également envers l’ensemble des médias traditionnels.
« Défendre le journalisme, comme notre gouvernement le fait, ça peut être hasardeux par les temps qui courent. Si le but, c’est de marquer des points politiques, il y a des sujets plus payants. C’est d’ailleurs le calcul que font certains politiciens au Canada, lorsqu’ils intimident et harcèlent les journalistes. Ou lorsqu’ils les accusent d’être à la solde du gouvernement. Quel type de politiciens tirent avantage de ce que le journalisme soit affaibli ? » a-t-elle demandé.
« La bataille n’est pas terminée »
Lors d’un point de presse suivant son discours, la ministre a dit pouvoir au moins compter sur la pleine collaboration du gouvernement du Québec dans sa volonté de mieux encadrer les géants numériques. Pascale St-Onge n’a pas cependant souhaité se prononcer sur le projet de loi que compte déposer dans la prochaine année le ministre québécois de la Culture, Mathieu Lacombe, pour forcer les plateformes à mettre en avant les contenus québécois. Celui-ci pourrait empiéter sur les compétences fédérales.
« Je ne me prononcerai pas sur les champs de compétence tant que je ne saurai pas ce en quoi ça consiste », s’est limitée à dire Pascale St-Onge.
Les prochains mois s’annoncent occupés pour la ministre libérale. Pour l’instant, la Loi sur les nouvelles en ligne n’a pas donné les résultats escomptés. Meta, la société mère de Facebook et d’Instagram, a protesté contre l’adoption de la loi en retirant de ses plateformes tous les contenus provenant des médias traditionnels, ce qui porté un dur coup à ces derniers.
Mais « la bataille n’est pas terminée », a précisé la ministre lorsqu’elle a été questionnée mercredi sur la possibilité que les contenus journalistiques soient de nouveau accessibles sur Facebook un jour. Pascale St-Onge a souligné que Meta faisait actuellement l’objet de plaintes au Bureau de la concurrence. La décision de bloquer les nouvelles pourrait également valoir au géant américain de « lourdes pénalités financières », a expliqué la ministre.