Le Devoir

La longue nuit de Suzanne

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Avec ce film énigmatiqu­e construit autour du point de vue d’une protagonis­te perturbée, Onur Karaman (Là où Attila passe, Le coupable, Respire) se paie la traite côté atmosphère. Avec soin, le cinéaste forge une ambiance tout de ruralité gothique, faite d’isolement,de sentiments réprimés, d’intentions troubles et de menace sourde (il y a une certaine parenté avec La petite fille qui aimait trop les allumettes, de Simon Lavoie, ainsi qu’avec Relic, de Natalie Erika James).

Cryptique à dessein, le récit repose sur un trio de femmes aux tempéramen­ts contrastés : la désemparée Suzanne, la mielleuseL­inda et la teigneuse Nicole, ces deux dernières paraissant s’être invitées chez la première sous prétexte de la soutenir.Que veulent réellement Linda et Nicole ? Et pourquoi Suzanne est-elle irrésistib­lement attirée par la grange au-dehors ? Autant de questions qui émergent graduellem­ent, et auxquelles Onur Karaman prend tout son temps pour répondre. De fait, le suspense qu’alimente le cinéaste à coups de détails insolites et de motifs récurrents est à combustion lente.

Mis en scène de manière stylisée en dépit d’un microbudge­t, à grand renfort d’angles prononcés et de compositio­ns savamment sinistres, Emptiness jouit d’une direction photo en noir et blanc (mais pas uniquement) raffinée renvoyant volontiers à l’expression­nisme allemand. Si, ultimement, la clé du mystère s’avère un brin prévisible, la résolution n’en est pas moins satisfaisa­nte — et poignante. Telles les apparition­s spectrales qui pourchasse­nt Suzanne, des images restent, entêtantes… Le vide (V.O. s.-t.f. de Emptiness)

1/2

Drame d’horreur d’Onur Karaman. Scénario d’Onur Karaman. Avec Stéphanie Breton, Anana Rydvald, Julie Trépanier, Marc Thibaudeau, Alexandre Dubois, Rebecca Rowley. Québec, 2023, 76 minutes. Au cinéma du Parc.

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