Le Devoir

Mépriser les villes fait perdre un temps que l’on n’a pas

On leur dit de faire des opérations à coeur ouvert avec des ustensiles jetables : ça ne fonctionne pas !

- Maude Marquis-Bissonnett­e L’autrice est candidate à la mairie de Gatineau et cheffe d’Action Gatineau.

Taux d’inoccupati­on des logements d’à peine 1 %, explosion de la population itinérante un peu partout en ville, déficit structurel de plusieurs millions à la Société de transport de l’Outaouais (STO), inondation­s, tornades, sécheresse­s et canicules… Gatineau fait de son mieux face à ces crises, mais elle a les mains liées.

C’est pareil ailleurs au Québec : les villes, qui sont souvent les dépositair­es des projets et des solutions portés par la communauté, ont une marge de manoeuvre limitée pour les réaliser sans les ressources. Rappelons que les villes ne disposent que de 10 % de l’assiette fiscale, mais détiennent environ 80 % des infrastruc­tures. Pourtant, le premier ministre Legault a été tranchant jeudi : « Les maires, c’est toujours plus facile de quêter à Québec ». Ceci explique cela.

Le premier ministre défendait des propos lancés un peu plus tôt par la ministre des Transports, Geneviève Guilbault : le transport collectif n’est pas une responsabi­lité de l’État.

En d’autres mots, on vient de mettre le doigt sur le problème. Si Québec est aussi loin de ses cibles en logement, en mobilité, en santé et services sociaux ou en environnem­ent, c’est parce qu’il pense que ce ne sont pas ses responsabi­lités. Il continue de pelleter les problèmes dans la cour des municipali­tés, sans leur donner d’outils pour gérer les solutions. Arrangez-vous !

Partout dans le monde, les villes (comme Gatineau) assument de plus en plus de responsabi­lités pour des dossiers qui, autrefois, occupaient uniquement les gouverneme­nts nationaux, comme le gouverneme­nt du Québec. La province, plus que jamais, a besoin des villes pour atteindre ses propres objectifs, comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la réduction de la pauvreté et de l’itinérance, la relance des coeurs économique­s de nos villes. Au lieu d’être des partenaire­s, elles ont droit à un traitement de seconde classe.

Alors que les villes sont au front et gèrent les crises à titre d’intervenan­tes de première ligne, M. Legault semble ignorer leur rôle face aux grands défis que nous vivons, collective­ment.

Les maires et mairesses du Québec sont prêts à bâtir des communauté­s plus justes, dynamiques et durables, mais ils ne font pas de la magie. C’est comme si on leur demandait de faire des opérations à coeur ouvert avec des ustensiles jetables : ça ne fonctionne pas ! Et les problèmes que Québec ignore ne font que prendre de l’ampleur.

Quand va-t-on donner aux villes les moyens de faire partie de la solution ? Moi, je sais de quoi on serait capables à Gatineau, et j’ai le goût de me battre pour ça.

Newspapers in French

Newspapers from Canada