Continuer à s’unir pour mener les prochains combats en éducation
La fin de l’année 2023 s’est achevée après 22 jours de grève pour les enseignants membres de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). Selon la présidente de l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal (APPM), affiliée à la FAE, Catherine Beauvais-St-Pierre, même si cette période a abouti à la signature d’une entente de principe de façon « particulièrement houleuse », elle a surtout été marquée par « l’appui inespéré d’autant de personnes ».
Cartes cadeaux d’épicerie, chocolats et gâteaux, soutien financier et encouragements verbaux ; les grévistes se sont sentis particulièrement soutenus par la population sur les lignes de piquetage, l’automne dernier. Cette mobilisation a d’ailleurs contribué à faire avancer les négociations auprès du gouvernement, selon Mme Beauvais-St-Pierre.
Mais les citoyens n’ont pas été les seuls à apporter leur appui aux enseignants ; plusieurs syndicats, dont celui des Métallos, Unifor ou encore l’Alliance de la fonction publique du Canada, ont fait des dons s’élevant à plusieurs dizaines de milliers de dollars chacun, apportant un soutien non négligeable aux grévistes alors qu’ils étaient privés de salaire.
Un éveil progressif
Selon la présidente de l’APPM, la période de pandémie a permis à la population de réaliser l’ampleur du travail des enseignants. « Les parents ont découvert que ce n’était pas si facile d’enseigner à leurs enfants, précise Mme Beauvais-St-Pierre. Ç’a permis une prise de conscience de la place que l’école joue dans le contexte social. »
Ce rôle a de nouveau été mis en lumière lors de la dernière grève, alors que des enfants n’avaient plus accès aux programmes de soutien alimentaire dont ils bénéficiaient habituellement. « Ce n’est pas normal que le bien-être des enfants dépende [principalement] de ce que l’école peut leur offrir comme soutien, déplore Mme Beauvais-St-Pierre. Pas seulement au chapitre de l’enseignement, mais de tout le reste. » Elle ajoute que cet événement a exacerbé « les failles du filet social ».
Selon la présidente, également enseignante, les « cafouillages » de la rentrée scolaire 2023 ont également « frappé l’imaginaire ». En août dernier, 2000 enseignants manquaient pour pourvoir des postes à temps plein et 3000 autres pour des tâches à temps partiel dans les 1600 écoles où travaillent les membres de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE).
La couverture médiatique dont a bénéficié la grève a aussi joué un rôle important dans l’éveil populaire à l’égard des défis que connaît le corps enseignant, ajoute la présidente. Elle constate que cela a permis d’humaniser le rôle de celles et ceux qui travaillent dans les écoles. « Les gens comprennent que les profs n’étaient pas dans la rue juste pour avoir un meilleur salaire et une meilleure retraite, confie l’enseignante. Ils ne sont également plus capables de donner à vos enfants ce qu’ils devraient avoir au quotidien dans leurs classes. »
Alors que les parents devaient travailler pendant que leurs enfants étaient assis à côté d’eux, raconte Mme Beauvais-St-Pierre, les enseignants ont reçu de leur part de nombreux messages de remerciement pour avoir « sacrifi[é] leur salaire pour l’école publique. »
D’autres combats à mener
Même si cette grève s’est conclue par une entente de principe, d’autres luttes demeurent, rappelle la présidente de l’APPM. Cette dernière dénonce notamment la persistance du système d’école à trois vitesses, cette stratification du système québécois composé de classes ordinaires, de programmes sélectifs et d’écoles privées. « On souhaite faire cesser ce fonctionnement-là, dont le gouvernement nie l’existence, afin de créer une école égalitaire, qui donne la chance à tous les élèves de réussir. »
Son organisation veut également intéresser le gouvernement « aux particularités » de l’école publique montréalaise, qui témoignent des inégalités du système à plusieurs vitesses. En effet, les classes des établissements de la métropole sont bien souvent composées d’enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés et de jeunes en difficulté, dont certains sont en apprentissage du français.
Elle déplore également « une marchandisation de l’éducation », dont le but principal du système scolaire est de « former des travailleurs, des gens qui vont aller sur le marché du travail et payer des impôts ». « Nous, ce que l’on veut, c’est pouvoir partager des connaissances et former de futurs citoyens », plaide-t-elle.
« On souhaite faire cesser [le système d’école à trois vitesses] afin de créer une école égalitaire, qui donne la chance à tous les élèves de réussir »